LA FRANCE PITTORESQUE
6 janvier 1740 : punition du prince Galitzin pour avoir changé de religion
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Publié le lundi 16 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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Les traditions russes voulaient que l’empereur ou l’impératrice eût des bouffons près de sa personne ; il fallait même qu’un particulier fût bien peu à son aise, pour n’en pas avoir au moins un, Pierre Ier en avait douze ; Anne Ivanovna en avait six, dont trois étaient des hommes de la plus haute naissance. L’un d’eux, le prince Galitziri, prenait soin de sa levrette, et, comme les autres, il subissait la peine dès batogues, lorsqu’il ne se prêtait pas de bonne grâce aux bouffonneries que lui commandait sa souveraine.

Cette bizarre métamorphose d’un prince en bouffon de cour lui avait été imposée comme châtiment de son inconstance religieuse : dans ses voyages il avait quitté le rit grec pour le dogme catholique. A son retour, condamné à être bouffon, quoique âgé de quarante ans, il fut mis avec les pages. Sa femme mourut, et pour surcroît d’humiliation, l’impératrice le força d’épouser une lavandière, et de consommer cet hymen sur un lit de glace, dans un palais de même matière. Voici comment l’historien Levêque raconte cette incroyable cérémonie.

« C’était pendant l’hiver rigoureux de 1740 dont on se souvient encore en Europe. On éleva un palais de glace, où fut placée la couche nuptiale sur une couchette aussi de glace ; tous les meublés, tous les ornements étaient de glace, aussi bien que quatre canons et deux mortiers, qui furent placés devant ce palais, et qui tirèrent plusieurs coups sans crever. Les gouverneurs des différentes provinces de l’empire eurent ordre d’envoyer quelques personnes des deux sexes de toutes les nations soumises à là Russie ; elles furent habillées aux frais de la cour, suivant le costume de leur pays, et firent le principal ornement de la fête. Le cortège, composé de plus de trois cents personnes, passa devant le palais de l’impératrice et dans les principales rues de la ville. Les deux époux paraissaient les premiers, renfermés dans une grande cage et portés sur un éléphant. Quelques-uns des convives étaient portés par des chameaux ; les autres, distribués deux à deux dans des traîneaux tirés par des rennes, des bœufs, des chiens, des boucs et même par des cochons. Le dîner fut préparé dans le manège de Biren, qui avait été décoré pour cette fête. On servit à chaque nation des mets de son pays. Le repas fut suivi d’un bal, où chacun dansa les danses de sa nation. Ensuite les nouveaux époux furent conduits au palais de glace, salués de l’artillerie d’une nouvelle espèce, qui avait été construite pour eux, et couchés dans le lit de glace qu’on leur avait préparé. Des sentinelles, posées à la porte, les empêchèrent d’en sortir avant le jour.

Cet exemple, ajoute Levêque, prouve que si la Russie tolère les différents cultes religieux, cette tolérance politique et intéressée ne s’étend pas jusque sur les sujets de l’empire qui sont nés dans la religion grecque. » Sous le même règne, un autre seigneur fut brûlé vif, avec un juif, qui l’avait converti à sa religion.

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