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Un Pompéi sous-marin
repose-t-il au large du Morbihan ?
(Source : Le Figaro)
Publié le samedi 14 juin 2014, par Redaction
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Un vaisseau de 74 canons gisant intact à quelques kilomètres seulement des côtes du Morbihan ? C’est ce que pensent avoir découvert des archéologues sous-marins qui rêvent de ressusciter le Thésée, fleuron de la Royale coulé en 1759 lors de la bataille des Cardinaux.
 

Les plongées exploratoires menées fin mai ont renforcé les chercheurs dans leur conviction que l’épave, localisée en 2009, à une vingtaine de mètres de profondeur, à 6 milles au nord-est de l’île de Hoedic (Morbihan), dans la baie de Quiberon, est bien celle du Thésée. « C’est une épave extraordinaire, un bateau flambant neuf coulé sans avoir subi le feu de l’ennemi, et protégé par une épaisse couche de vase », explique Jean-Michel Keroullé, président de la Société d’archéologie maritime du Morbihan. Le passionné évoque un « Graal de l’archéologie sous-marine française ».

Les recherches ont permis de découvrir, sous 2,50 mètres de vase et 20 centimètres de concrétions de coquillages, une pièce de bois en bon état dont un échantillon va être analysé. « Officieusement nous sommes sûrs que c’est le Thésée, même si officiellement ce n’est pas encore établi », affirme Patrice Brunet, président de l’association Vaisseau Thésée et vice-président du Yacht club de France.

Un pan d’histoire à remonter à la surface
Le Thésée raconte une bataille peu à peu tombée dans l’oubli, celle des Cardinaux qui opposa 21 vaisseaux français à 26 navires anglais le 20 novembre 1759, près des roches de Hoedic qui lui ont donné son nom. Elle fut l’une des plus importantes batailles navales de son époque et l’une des plus cuisantes défaites de la Royale.

Bataille des Cardinaux, le 20 novembre 1759

Bataille des Cardinaux, le 20 novembre 1759

« En pleine guerre de Sept ans, elle a scellé la prédominance de l’Angleterre sur les mers et la perte par la France de ses colonies en Amérique », rappelle Gilles Renaudot, responsable du musée consacré à cette bataille à Piriac-sur-Mer (Loire-Atlantique). Parmi les huit vaisseaux perdus lors de la bataille, le Thésée, alors tout juste sorti des chantiers navals de Brest, est le seul à avoir sombré intact : il a coulé en quelques instants pour avoir viré brutalement de bord en laissant ouverts ses sabords, les ouvertures à fleur d’eau destinées aux canons.

L’exemple du Vasa
« Sur les 650 marins à bord, seuls une vingtaine ont pu se sauver en grimpant dans la mâture, laquelle, vu la faible profondeur, a continué à dépasser des flots », raconte M. Renaudot. « Il s’agit d’un site tout à fait exceptionnel », confirme Olivia Hulot, experte au Département des recherches archéologiques sous-marines (DRASSM), évoquant un « faisceau d’indices » laissant penser que l’épave est bien celle du Thésée. Si tel est le cas, « elle recèle, outre les corps des marins, tout ce que pouvait contenir à l’époque un bateau partant pour une longue campagne en mer, des vivres à l’armement en passant par la vaisselle et l’accastillage », souligne l’archéologue, qui a elle-même plongé sur le site.

La perspective, rarissime, de mettre à jour une épave en parfait état — mâture exceptée — fait rêver l’association Vaisseau Thésée, qui rappelle l’épopée du Vasa, ce bateau qui coula en baie de Stockholm lors de son voyage inaugural en 1628 et qui, renfloué en 1961, est devenu l’une des principales attractions de Suède. Techniquement envisageable, un renflouement ne pourra pas être réalisé à court terme et s’avèrera extrêmement coûteux, reconnaissent les acteurs au dossier.

« Il faudra compter plusieurs années et quelque 20 millions d’euros, frais de conservation compris, pour les seules fouilles sous-marines », estime Mme Hulot. « Vu l’épaisseur de la vase et la turbidité extrême de l’eau, c’est un chantier titanesque. » Pour le communicant Daniel Perrin, associé au projet, le jeu en vaut la chandelle. « Dans une période aussi triste, redonner vie à une telle épave pourrait être une cause nationale fédératrice », juge-t-il, évoquant « un Pompéi sous-marin ». En Suède, le Vasa a attiré plus de 20 millions de visiteurs depuis son renflouement, affirme-t-il.

Le Figaro Nautisme

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