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Assassinat de la marquise de Ganges en 1667. L'abbé et le Chevalier de Ganges

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
Assassinat de la marquise de Ganges
en 1667 : la vérité au-delà des fables
(D’après « Revue du Midi », paru en 1892)
Publié / Mis à jour le jeudi 17 octobre 2013, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
N’avez-vous pas lu l’histoire de la marquise de Ganges ? Du moins, n’avez-vous pas entendu parler de ce drame ? Il eut, au XVIIe siècle, un retentissement européen, et son fatal dénouement épouvanta la petite ville de Ganges, dans la soirée du 17 mai 1667

Depuis cette époque, les chroniques, les histoires, les biographies, les romans, les manuscrits, les pièces inédites ont tour à tour essayé de faire la lumière et de déterminer la part de responsabilité qui revient à chacune des personnalités engagées dans cette cause tristement célèbre. Si l’empressement a été égal de part et d’autre, le succès n’a pas été le même pour tous !

Alexandre Dumas avait là une belle occasion d’intéresser et de séduire son monde aux dépens de la vérité. II n’a eu garde d’y manquer, dans ses Crimes célèbres. Quel merveilleux conteur, et comme il sait, avec art,

d’une plume légère
Mêler le grave au doux, le plaisant au sévère

offrant ainsi à ses lecteurs (ce sont ses propres expressions) la comédie après le drame. Quand Dumas chausse ses grandes bottes de sept lieues, il y a plaisir vraiment à le voir cheminer à travers la forêt historique. Avec lui on a toujours des sensations terribles ; on pleure, on frémit, on a peur, on se sent emporté dans une course vertigineuse. Malheureusement lui aussi passe toujours à côté, et Petit-Poucet échappe et se sauve toujours.

Notre intention n’est pas de donner ici une nomenclature complète des ouvrages parus sur la Marquise de Ganges. Signalons seulement aux amateurs la bonne Histoire de la Marquise de Ganges que publia, en 1810, un écrivain plus autorisé, car il était de la famille celui-là, le comte de Fortia d’Urban. Nous leur recommandons surtout I’excellente notice du premier président Aragon (Diane de Joannis, marquise de Ganges, sa vie, sa mort tragique).

Diane de Joannis, marquise de Ganges

Diane de Joannis, marquise de Ganges

Avec la précision et la sûreté du coup d’œil d’un magistrat rompu aux affaires, l’auteur, d’un mot, résume et juge tous les travaux antérieurs ; puis, sans s’y attarder cependant, il expose le côté historique de la la question, et il fait revivre sous nos yeux, avec autant d’impartialité que de charme et de puissance, le drame tout entier.

Tout en restant véridique, il sait nous intéresser à cette infortunée Marquise, expiant par une mort cruelle les dons de la fortune et de la beauté. Il nous montre sa répugnance visible à venir habiter le château de Ganges, répugnance suffisamment expliquée par l’attitude de ses deux beaux-frères, l’Abbé et le Chevalier de Ganges, qui avaient jeté sur elle un œil de convoitise.

On a peine à croire, avec lui, à cette association dépravée des deux frères pour séduire leur belle-sœur et déshonorer le chef de la famille. On finit cependant par se rendre à l’évidence des faits et par reconnaître que la maison de Canges reçut cet outrage de ceux-là même qui devaient maintenir intact l’éclat du blason. Observons que cette maison, déjà seigneuriale au XIIIe siècle, était, sous le nom de Vissec de la Tude, une des plus considérables du Languedoc, et la baronnie de Ganges venait d’être érigée en marquisat en 1665 par Louis XIV.

« Dans la soirée du 17 mai 1667, unie femme à peine vêtue, les cheveux épars, l’air égaré, appelant au secours, courait nu-pieds, affolée, aux abords du château de Garages. C’était la Marquise elle-même ! On l’entendait pousser ce cri plusieurs fois répété : Je suis empoisonnée ! Au secours ! En la voyant dans cet état de désordre, des passants la firent entrer chez un voisin, un sieur des Prats, où la dame Brunelle, femme du pasteur de la localité, lui remit du contre-poison, dont elle avala une certaine dose.

« L’Abbé (on l’appelait ainsi par habitude, quoiqu’il ne fût pas même ecclésiastique) et le Chevalier, informés par Depéret de l’évasion de la Marquise, survinrent aussitôt comme pour la protéger, disant qu’elle était atteinte de vapeurs hystériques ; mais il n’était guère possible de se méprendre sur leurs sentiments ; ils l’avaient réellement empoisonnée.

« Le Chevalier, voyant que le breuvage administré n’avait pas produit tout son effet, ne dissimula plus. Il poursuivit sa belle-sœur, l’épée à la main, dans la maison où elle s’était réfugiée, lui en porta plusieurs coups, malgré l’intervention, trop tardive, des personnes présentes, et s’éloigna avec son-frère dès qu’ils crurent l’avoir achevée. Ils disparurent aussitôt pour ne plus revenir. »

La Marquise demanda et reçut les derniers sacrements. Elle succomba le 5 juin 1667, pardonnant « à tous ses ennemis, qui voulaient lui ravir l’honneur et la vie, et prenant Dieu à témoin de l’innocence de sa conduite. » Grâce à l’inertie inexplicable de la justice locale, les deux meurtriers purent se soustraire aux poursuites dont ils allaient être l’objet. Ils réussirent à gagner le littoral par des chemins détournés, faisant halte momentanément au château de Soubeyras, dans la commune de Gorniez (Hérault), et s’embarquèrent au Grau de Palavas. Un arrêt du Parlement de Toulouse les condamna, par contumace, à être roués.

« Les deux assassins avaient quitté la France, ajoute M. Aragon, et le bruit courut qu’ils s’étaient réfugiés à Venise, où ils auraient pris du service pour cette République, alors en guerre avec les Turcs. On prétendit que le Chevalier avait été tué au siège de Candie (1669) ». De Barrau dit que l’Abbé fut tué d’un éclat de bombe et que le Chevalier périt dans une mine que l’on fit sauter (Documents historiques et généalogiques sur les familles du Rouergue).

Puis il fait justice en quelques mots des racontars plus ou moins vraisemblables imaginés sur la fin des deux criminels par tous les romanciers, familiers avec les dénouements de mélodrame. Qu’il nous soit permis maintenant de compléter son captivant récit par cette page extraite des Mémoires de la marquise de Dax d’Axat.

« Les gorges de Saint-Georges (Aude), que nous avons eu le plaisir de visiter naguère, distantes de trois kilomètres d’Axat, seraient de rudes cellules pénitentiaires. Leur profond silence, interrompu par les seuls mugissements de l’eau, la rareté du soleil, leur hauteur extraordinaire feraient sûrement un repentant ou un désespéré. C’est un spectacle véritablement grandiose ! De l’une de ces gorges profondes, on aperçoit encore aujourd’hui les restes de la petite chapelle de Vayra et de’ l’Ermitage qui s’y trouvait annexé.

« Il y a bien longtemps de cela, vers la fin du règne de Louis XIV, les pâtres qui seuls fréquentaient ces cimes froides et désertes virent un homme se diriger vers la chapelle, déjà abandonnée à cette époque. Cet homme était de grande taille ; il portait la tête haute et marchait fièrement. Revêtu d’un froc de capucin, il en maintenait le capuce rabattu sur son visage, si bien que les pauvres pâtres eurent peur ! A plusieurs reprises, ils le surprirent essayant de relever les pierres des murs écroulés de la chapelle. Il s’y prenait maladroitement, et ils comprirent bien vite à ses mains blanches et fines, qu’elles n’étaient point accoutumées au travail.

« Peu à peu les pâtres s’enhardirent ; ils lui offrirent et leur aide et le lait de leurs chèvres. Par un signe il accepta, et c’était toujours avec de l’or qu’il les payait. Parfois ils le voyaient prosterné, et se frappant rudement la poitrine. Ces choses arrivèrent aux oreilles de l’évêque d’Alet qui manda l’étranger mystérieux devant lui (car tous les ermites lui devaient obéissance). Celui-ci ne tint aucun compte de l’ordre reçu et il continua sa triste vie de solitaire.

« A quelque temps de là, Mgr d’AIet, venant faire sa visite pastorale dans la contrée, et prévoyant qu’il y avait peut-être là quelque mystère qu’il pouvait importer d’éclaircir, envoya ses deux grands vicaires auprès du nouvel ermite de Vayra. Il ne leur fut point possible de voir son visage. Il leur dit cependant qu’il obéirait, mais à la condition qu’il ne parlerait qu’avec Monseigneur et qu’il conserverait son capuce baissé.

« Tout ceci accordé, l’inconnu se rendit au château du seigneur d’Axat dont l’évêque était l’hôte. Il fut aussitôt introduit dans une des salles du manoir. Sans nul doute qu’il y eut quelques curieux aux portes, car on entendit de douloureux sanglots. L’entretien fut long. L’ermite sortit chancelant et le visage du prélat reflétait un mélange de pitié et d’horreur.

« Personne n’osa interroger l’évêque ; mais huit jours plus tard, de retour à Alet, il reçut un billet qui le déliait de la parole donnée. L’ermite était parti ; nul ne le revit depuis. C’était le Chevalier de Ganges, l’un des assassins de la belle et malheureuse marquise de Garages, sa belle-sœur, dont l’émouvante histoire fit tant de bruit alors. »

L’événement dont nous avons résumé les péripéties n’est point oublié dans la contrée qui en a été le théâtre. On montre encore à Ganges la fenêtre par laquelle sauta la pure et courageuse jeune femme pour échapper à la fureur de ses meurtriers. Le souvenir de la Marquise y est toujours vivant et à l’état d’apothéose.

 
 
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