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10 juin 1794 (22 prairial an II) : loi relative au Tribunal révolutionnaire

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Éphéméride, événements
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10 juin 1794 (22 prairial an II) : loi
relative au Tribunal révolutionnaire
et instaurant la Grande Terreur
(D’après « Éphémérides universelles, ou Tableau religieux, politique,
littéraire, scientifique et anecdotique, présentant, pour chaque jour
de l’année, un extrait des annales de toutes les nations
et de tous les règnes, depuis les temps historiques
jusqu’à nos jours » (Tome 6) édition de 1834
et « Le Tribunal révolutionnaire de Paris. Ouvrage composé d’après
les documents originaux conservés aux archives de l’Empire »
(par Émile Campardon) Tome 1 paru en 1866)
Publié / Mis à jour le samedi 10 juin 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Instauré le 10 mars 1793, le Tribunal révolutionnaire ne marchait pas encore assez vite au gré des tenants de la Révolution auxquels il fallait un moyen de vider les prisons avec autant de promptitude qu’ils savaient les remplir : avec la loi du 22 prairial, la preuve de conspiration contre la République devient inutile, la défense est inexistante, et la seule peine prévue est la mort...

En voyant ses bourreaux se souvenir et proclamer qu’il y avait un Dieu, la France dut espérer un meilleur avenir. Mais Robespierre la désabusa bientôt, en s’écriant dans cette fête, qui était plutôt la sienne que celle de l’Etre suprême (8 juin 1794) : Peuple, livrons-nous aujourd’hui aux transports d’une pure allégresse ! Demain nous combattrons encore les vices et les tyrans ! Ce qui, dans son langage, signifiait les hommes vertueux et libres.

Deux jours après, Couthon vint présenter à la Convention une loi nouvelle, destinée à multiplier dans une effrayante proportion le nombre des victimes. Le Tribunal révolutionnaire, sous lequel étaient tombés successivement, royalistes, constitutionnels, girondins, anarchistes, montagnards, ne marchait pas encore assez vite au gré de ces exterminateurs systématiques. Il leur fallait un moyen de vider les prisons avec autant de promptitude qu’ils savaient les remplir : la loi du 22 prairial (10 juin) résolut ce problème. C’est un des monuments les plus terribles du génie de l’homme dans l’art d’assassiner judiciairement.

Procès de Marie-Antoinette le 15 octobre 1793. Dessin de Pierre Bouillon (1793). Hébert est représenté assis au premier plan, devant l'accusateur public Fouquier-Tinville

Procès de Marie-Antoinette le 15 octobre 1793. Dessin de Pierre Bouillon (1793).
Hébert est représenté assis au premier plan, devant l’accusateur public Fouquier-Tinville

Jusqu’alors on observait encore quelques formes : on les supprima. Toute lenteur, dit Couthon, est un crime, toute formalité indulgente est un danger public : le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que le temps de les reconnaître. Un seul tribunal, un seul accusateur public, et quelques jurés ne pouvaient plus suffire : on distribua le tribunal en quatre sections, on augmenta le nombre des juges et des jurés, et l’on donna quatre substituts à l’exécrable Fouquier-Tinville.

Dans la longue énumération des crimes dont la définition vague et pour ainsi dire élastique pouvait s’appliquer à toute espèce de faits, on rangea ceux d’avoir cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la république, et d’avoir répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple. Pour tous ces crimes, une seule peine : c’était la mort !

Jusqu’alors les accusés avaient eu des défenseurs ; ils n’en eurent plus. La loi, portait l’article 16, donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes ; elle n’en accorde point aux conspirateurs. On les jugeait individuellement ; on les jugea en masse. On entendait des témoins ; on les déclara inutiles, toutes les fois qu’il existait des preuves, soit matérielles, soit morales. Les jurés avaient la loi pour règle de leurs déterminations ; ils n’eurent plus que leur conscience. Enfin les députés du peuple ne pouvaient être mis en jugement que par décret de la Convention ; on rédigea la loi de telle sorte qu’ils pussent l’être par l’ordre seul des comités.

Après le rapport de Couthon, il s’éleva dans l’assemblée un murmure d’étonnement et d’épouvante. On demanda l’ajournement : mais Robespierre insista pour que la loi fût discutée et votée séance tenante. Merlin tâcha par un considérant adroit de pourvoir à la sûreté des représentants ; mais le considérant fut rejeté comme injurieux à l’assemblée, et la loi passa en entier. C’est alors que commencèrent les fournées : cinquante têtes tombèrent tous les jours. Cette terreur dans la terreur dura environ deux mois.

Première page du texte de la loi du 22 prairial an II inséré au sein du premier numéro du Bulletin des lois. Ce premier numéro paraît en juin 1794, bien que le Bulletin ait été officiellement créé par la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793)

Première page du texte de la loi du 22 prairial an II inséré au sein du premier numéro
du Bulletin des lois. Ce premier numéro paraît en juin 1794, bien que le Bulletin
ait été officiellement créé par la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793)

Voici le texte de cette loi, inséré au sein du Bulletin des lois :

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du Comité de salut public, décrète :

« Art. Ier. Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et quatre vice-présidents, un accusateur public, quatre substituts de l’accusateur public et douze juges.

« II. Les jurés seront au nombre de cinquante.

« III. Ces diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms suivent :

« Président : Dumas.

« Vice-présidents : Coffinhal, Scellier, Naulin, Ragmey.

« Accusateur public : Fouquier.

« Substituts : Grebeauval, Royer, Liendon, Givois, agent national du district de Cusset.

« Juges : Deliège , Foucault, Verteuil, Maire, Bravet, Barbier (de Lorient), Harny, Garnier-Launay, Paillet, professeur de rhétorique à Châlons ; Laporte, membre de la commission militaire à Tours ; Félix, id. ; Lohier, de la section Marat.

« Jurés : Renaudin, Benoit Trey, Fauvetty, Lumière, Feneaux, Gauthier, Meyère, Châtelet, Petit-Tressein, Trinchard, Topino-Lebrun, Pigeot, Girard, Presselin, Didier, Vilate, Dix-Août, Laporte, Ganney, Brochet, Aubry, Gemont, Prieur, Duplay, Devèze, Desboisseaux, Nicolas, Gravier, Billion, tous jurés actuels ; Subleyras ; Lavyron aîné, cultivateur à Créteil ; Fillion, fabricant à Commune-Affranchie ; Potheret, de Châlons-sur-Saône ; Masson, cordonnier à Commune-Affranchie ; Marbel, artiste ; Laurent, membre du Comité révolutionnaire de la section des Piques ; Villers, rue Caumartin ; Moulin, section de la République ; Despréaux, artiste, rue du Sentier ; Emmery, marchand chapelier, département du Rhône ; Lafontaine, section du Muséum ; Blachet, payeur général à l’armée des Alpes ; Lebeaux, greffier du tribunal du district de Valence ; Gouillard, administrateur du district de Béthune ; Dreys, section de la Montagne ; Duquesnel, du Comité révolutionnaire de Lorient ; Hannover, id. ; Butins, section de la République ; Decht, faubourg Honoré, n° 169 ; Magnin, du Comité de surveillance de Mirecourt.

« Le tribunal révolutionnaire se divisera par sections composées de douze membres, savoir : trois juges et neuf jurés, lesquels jurés ne pourront juger en moindre nombre que sept.

« IV. Le tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple.

« V. Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique , soit par la force, soit par la ruse.

Antoine Fouquier-Tinville (1746-1795)

Antoine Fouquier-Tinville (1746-1795)

« VI. Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement républicain et révolutionnaire dont elle est le centre ;

« Ceux qui auront trahi la République dans le commandement des places et des armées, ou dans toute autre fonction militaire ; entretenu des intelligences avec les ennemis de la République ; travaillé à faire manquer les approvisionnements ou le service des armées ;

« Ceux qui auront cherché à empêcher les approvisionnements de Paris, ou à causer la disette dans la République ;

« Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite et l’impunité des conspirateurs et de l’aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la Révolution, des lois ou des mesures du gouvernement, par des applications fausses et perfides ;

« Ceux qui auront trompé le peuple ou les représentants du peuple pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté ;

« Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République ;

« Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple ;

« Ceux qui auront cherché à égarer l’opinion et à empêcher l’instruction du peuple, à dépraver les mœurs, à corrompre la conscience publique et altérer l’énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination ;

« Les fournisseurs de mauvaise foi qui compromettent le salut de la République et les dilapidateurs de la fortune publique, autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 frimaire ;

« Ceux qui, étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la Révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple ;

« Enfin, tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes relatives à la punition des conspirateurs et contre-révolutionnaires, et qui, par quelque moyen que ce soit, et de quelques dehors qu’ils se couvrent, auront attenté à la liberté, à l’unité, à la sûreté de la République, ou travaillé à en empêcher l’affermissement.

« VII. La peine portée contre tous les délits dont la connaissance appartient au tribunal révolutionnaire est la mort.

« VIII. La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple est toute espèce de document, soit matérielle, soit morale, soit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l’assentiment de tout esprit juste et raisonnable. La règle des jugements est la conscience des jurés éclairés par l’amour de la patrie ; leur but, le triomphe de la République et la ruine de ses ennemis, la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour parvenir à la connaissance de la vérité dans les formes que la loi détermine.

« Elle se borne aux points suivants :

« IX. Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès qu’il les connaît.

« X. Nul ne pourra traduire personne au tribunal révolutionnaire, si ce n’est la Convention nationale, le Comité de salut public, le Comité de sûreté générale, les représentants du peuple, commissaires de la Convention, et l’accusateur public du tribunal révolutionnaire.

« XI. Les autorités constituées en général ne pourront exercer ce droit sans en avoir prévenu le Comité de salut public et le Comité de sûreté générale, et obtenu leur autorisation.

Le Tribunal révolutionnaire. Dessin de Jean-Baptiste Morlet

Le Tribunal révolutionnaire. Dessin de Jean-Baptiste Morlet

« XII. L’accusé sera interrogé à l’audience et en public. La formalité de l’interrogatoire secret qui précède est supprimée comme superflue ; elle ne pourra avoir lieu que dans les circonstances particulières où elle serait jugée utile à la connaissance de la vérité.

« XIII. S’il existe des preuves soit matérielles, soit morales, indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité ne paraisse nécessaire, soit pour découvrir des complices, soit pour d’autres considérations majeures d’intérêt public.

« XIV. Dans le cas où il y aurait lieu à cette preuve, l’accusateur public fera appeler les témoins qui peuvent éclairer la justice, sans distinction de témoins à charge ou à décharge.

« XV. Toutes les dépositions seront faites en public, et aucune déposition écrite ne sera reçue, à moins que les témoins ne soient dans l’impossibilité de se transporter au tribunal, et dans ce cas il sera nécessaire d’une autorisation expresse des Comités de salut public et de sûreté générale.

« XVI. La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes ; elle n’en accorde point aux conspirateurs.

« XVII. Les débats finis, les jurés prononceront la peine de la manière déterminée par les lois. Le président posera la question avec clarté, précision, simplicité ; si elle était présentée d’une manière équivoque ou inexacte, le juré pourrait demander qu’elle fût posée d’une autre manière.

« XVIII. L’accusateur public ne pourra de sa propre autorité renvoyer un prévenu adressé au tribunal ou qu’il y aurait fait traduire lui-même ; dans le cas où il n’y aurait pas matière à accusation devant le tribunal, il fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, qui prononcera ; mais aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement avant que la décision de la chambre ait été communiquée au Comité de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront.

« XIX. Il sera fait un registre double des personnes traduites au tribunal révolutionnaire, l’un pour l’accusateur public, et l’autre au tribunal sur lequel seront inscrits tous les prévenus à mesure qu’ils seront traduits.

« XX. La Convention dérobe à toutes celles des dispositions des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent décret, et n’entend pas que les lois concernant l’organisation des tribunaux ordinaires s’appliquent aux crimes de contre-révolution et à l’action du tribunal révolutionnaire.

« XXI. Le rapport du comité sera joint au présent décret comme instruction.

« XXII. L’insertion du décret au bulletin vaudra promulgation. »

 
 
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