5 janvier 1887 : mort de Pierre IV, roi d'Aragon, le Cérémonieux

L’origine du royaume d’Aragon remonte au XIe siècle. Dans le partage que le roi don Sanche le Grand fit de ses états, en 1035, le comté d’Aragon échut à Ramire, son fds naturel ; celui-ci l’érigea en royaume, en y joignant les états de Sobrarve et de Ribagorce. Sous Ferdinand et Isabelle, l’Aragon et la Castille furent à jamais réunies.

Quand Pierre IV occupait le trône du premier de ces deux royaumes, les Maures possédaient encore Grenade et ses alentours ; le reste de l’Espagne chrétienne e’tait en proie à quatre mauvais princes : Pierre le Cruel régnait sur la Gastille ; Charles le Mauvais, sur la Navarre ; Pierre Ier, dit le Justicier, sur le Portugal ; et Pierre IV, surnomme le Cérémonieux, à cause de l’importance excessive qu’il attachait aux usages et à l’étiquette, se montrait digne de ses trois émules, en désolant l’Aragon par ses cruautés et par ses guerres.

Né le 15 septembre 1313, il succéda à son père, Alphonse IV, en 1336. Les cinquante ans et plus que dura son règne furent employés en usurpations, d’abord contre sa belle-mère et les enfants que son père en avait eus, ensuite contre son beau-frère Jacques, souverain de l’île de Majorque. Les troubles qui s’élevèrent en Aragon vinrent souvent contrarier Pierre dans ses projets de conquête. Il eut à se défendre contre ses frères, qui faisaient valoir un testament de Jacques Ier en vertu duquel la couronne devait leur appartenir, si le roi mourait sans postérité mâle. Deux ligues se formèrent contre Pierre, l’une sous le nom d’Union d’Aragon, l’autre sous le nom l’Union de Valence. Défait en Sardaigne, réduit à l’extrémité par l’accord de ses ennemis, Pierre tomba au pouvoir des rebelles, et fut obligé de faire des concessions ; mais une victoire sur l’Union d’Aragon raffermit son pouvoir. Il rentre à Saragosse, convoque les états, et déchire en leur présence l’acte contenant les privilèges qu’on lui avait arrachés ; il livre à la mort les principaux chefs des rebelles. D’autres avantages obtenus par lui consommèrent bientôt l’extinction des deux ligues.

Pierre le Cérémonieux se brouilla avec Pierre le Cruel, au sujet d’une capture faite sur les Génois par la flotte aragonaise. Contre un tel adversaire, Pierre le Cérémonieux jugea que tous les auxiliaires étaient bons ; il sollicita la médiation du pape, provoqua une diversion de la part des Maures de Grenade. Le roi de Cas- tille ayant mis dans son parti Charles le Mauvais, le roi d’Aragon favorisa les prétentions de Henri de Transtamare, qui le délivra de son ennemi en lui arrachant le trône et la vie. Pour récompenser son libérateur, Pierre voulut lui prendre une partie de ses états, mais d’autres guerres l’empêchèrent de mettre à fin ce projet.

Pour la première fois depuis l’avènement de Pierre IV, l’Aragon venait d’obtenir une paix générale, lorsque la mort surprit le roi dans la soixante-huitième année de son âge. Son couronnement avait fait naître une querelle grave pour le temps ; l’archevêque de Saragosse prétendait avoir le droit de couronner le roi ; la plupart des grands le lui contestèrent. Pour trancher la difficulté, Pierre se couronna lui-même. Par cet acte, il semblait rejeter toute espèce de soumission au saint Sie’ge ; et cependant, peu d’années après, il alla rendre hommage au pape dans Avignon. Le jour de son entrée solennelle, l’écuyer du roi de Majorque ayant frappé de sa cravache le cheval sur lequel était monté le roi, ce prince, outré de colère, mit l’épée à la main, et, sans les efforts de ceux qui l’environnaient, il aurait ensanglanté la cérémonie.

Des deux souverains qui pesèrent à la même époque sur la Castille et sur l’Aragon, l’un est regardé comme le Néron, et l’autre comme le Tibère du siècle. Le trait qui distingue particulièrement Pierre de Castille de Pierre d’Aragon, c’est que le premier se montrait cruel par plaisir, et le second seulement par intérêt.