Histoire de France, Patrimoine, Tourisme, Gastronomie, Librairie
LE 24 avril DANS L'HISTOIRE [VOIR]  /  NOTRE LIBRAIRIE [VOIR]  /  NOUS SOUTENIR [VOIR]
 
« Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du
peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (C. Nodier, 1840)
 

 
NOUS REJOINDRE SUR...
Nous rejoindre sur FacebookNous rejoindre sur XNous rejoindre sur LinkedInNous rejoindre sur VKNous rejoindre sur InstragramNous rejoindre sur YouTubeNous rejoindre sur Second Life

22 mars 1594 : la ville de Paris ouvre ses portes à Henri IV, et le reconnaît pour son roi

Vous êtes ici : Accueil > Éphéméride, événements > Mars > 22 mars > 22 mars 1594 : la ville de Paris (...)
Éphéméride, événements
Les événements du 22 mars. Pour un jour donné, découvrez un événement ayant marqué notre Histoire. Calendrier historique
22 mars 1594 : la ville de Paris
ouvre ses portes à Henri IV,
et le reconnaît pour son roi
Publié / Mis à jour le mercredi 20 mars 2013, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 

Après la bataille d’Ivry, Henri IV s’était occupé de la réduction de quelques villes importantes ; mais reconnaissant que toutes ses conquêtes seraient inutiles tant qu’il n’attaquerait pas le foyer principal de la rébellion, il s’avança vers la capitale ; il prit d’assaut tous les faubourgs de Paris dans un seul jour ; il eût de même pris la ville, s’il n’eût pensé qu’à la conquérir ; mais il craignit de donner sa capitale en proie aux soldats, et de ruiner une ville qu’il avait envie de sauver. Il assiégea Paris, il leva le siège, il le recommença ; enfin, il bloqua la ville et lui coupa toutes les communications, dans l’espérance que les Parisiens seraient forcés, par la disette des vivres, à se rendre sans effusion de sang.

Mais les chefs des Ligueurs tournèrent les esprits avec tant d’art, que tous les habitants firent le serment de souffrir les plus cruelles extrémités, et de mourir de faim, plutôt que de se rendre : ils livrèrent, à l’envi, leur batterie de cuisine pour fondre du canon ; tous s’offraient pour travailler aux fortifications ; les citoyens les plus aisés payaient largement les mercenaires qui voulaient contribuer à l’ouvrage, et trois fois la semaine on s’exerçait dans chaque quartier aux évolutions militaires.

Entrée d'Henri IV dans Paris le 22 mars 1594

Entrée d’Henri IV dans Paris le 22 mars 1594. Détail du tableau de François Gérard

Depuis que le roi s’était rendu maître des ponts de Charenton et de Saint-Cloud, et que tous les passages étaient fermés, la ville commençait à ressentir les horreurs de la famine. L’armée assiégeante recevait tous les jours de nouveaux renforts ; les uns s’y rendaient dans l’espoir d’avoir part au pillage, les autres pour donner un témoignage de leur fidélité. Le roi, qui désirait prendre la ville par capitulation, ne pressait pas le siège. Les Parisiens, qui déjà n’avaient d’autre nourriture que les discours de leurs orateurs, ne laissaient pas de chanter dans les rues, des ballades et des chansons contre le Béarnais ; mais cette déplorable joie fut enfin étouffée par la misère la plus effroyable.

A la vérité, les chefs des Ligueurs et tous ceux qui exhortaient le peuple à souffrir courageusement les plus dures extrémités, étaient abondamment pourvus de toutes sortes de provisions ; mais tout le reste était réduit à manger les chiens, les chats et les souris ; on faisait bouillir les herbes et les feuilles, qu’on assaisonnait avec du vieux-oing et du suif ; on en vint jusqu’à faire du pain avec des os de morts, réduits en farine. On allait à la chasse aux enfants, et l’on vit une mère... Ce fait est attesté par les témoignages les plus authentiques , et les vers suivants sont également d’un historien et d’un poète :

De brigands étrangers la ville était remplie,
Tigres, que nos aïeux nourrissaient dans leur sein,
Plus cruels que la mort et la guerre et la faim.

Une femme, (grand Dieu ! faut-il à la mémoire
Conserver le récit de cette horrible histoire ?)
Une femme avait vu, par ces cœurs inhumains,
Un reste d’aliment arraché de ses mains ;
Des biens que lui ravit la fortune cruelle,
Un enfant lui restait, prêt à périr comme elle :
Furieuse, elle approche, avec un coutelas,
De ce fils innocent qui lui tendoit les bras ;
Son enfance, sa voix, sa misère et ses charmes,
A sa mère en fureur arrachent mille larmes ;
Elle tourne sur lui son visage effrayé,
Plein d’amour, de regret, de rage, de pitié ;
Trois fois le fer échappe à sa main défaillante ;
La rage enfin l’emporte, et d’une voix tremblante,
Détestant son hymen et sa fécondité :
« Cher et malheureux fils, que mes flancs ont porté,
« Dit-elle, c’est en vain que tu reçus la vie,
« Les tyrans ou la faim l’auraient bientôt ravie.
« Et pourquoi vivrais-tu ? Pour aller dans Paris,
« Errant et malheureux, pleurer sur ses débris ?
« Meurs avant de sentir mes maux et ta misère ;
« Rends-moi le jour, le sang que t’a donné ta mère,
« Que mon sein malheureux te serve de tombeau,
« Et que Paris du moins voie un crime nouveau. »
En achevant ces mots, furieuse, égarée,
Dans les flancs de son fils sa main désespérée
Enfonce, en frémissant, le parricide acier,
Porte le corps sanglant auprès de son foyer,
Et d’un bras que poussait sa faim impitoyable,
Prépare avidement ce repas effroyable.
Attirés par la faim, les farouches soldats,
Dans ces coupables lieux reviennent sur leurs pas ;
Leur transport est semblable à la cruelle joie
Des ours et des lions qui fondent sur leur proie.
A l’envi l’un de l’autre ils courent en fureur,
Ils enfoncent la porte : ô surprise ! ô terreur !
Près d’un corps tout sanglant à leurs yeux se présente
Une femme égarée et de sang dégoûtante :
« Oui, c’est mon propre fils, oui, monstres inhumains,
« C’est vous qui dans son sang avez trempé mes mains ;
« Que la mère et le fils vous servent de pâture ;
« Craignez-vous plus que moi d’outrager la nature ?
« Quelle horreur à mes yeux semble vous glacer tous !
« Tigres, de tels festins sont préparés pour vous. »
Ce discours insensé, que sa rage prononce,
Est suivi d’un poignard, qu’en son cœur elle enfonce.

L’opiniâtreté des Parisiens était égale à leur misère. Henri eut plus de compassion pour leur état, qu’ils n’en avaient eux-mêmes. Son bon naturel l’emporta sur son intérêt particulier. « J’aimerais mieux, disait-il, n’avoir point de Paris, que de l’avoir tout ruiné et tout désolé par la mort de tant de personnes. » Il souffrait que ses soldats vendissent en particulier toutes sortes de provisions à la ville : ainsi, on vit arriver ce qu’on n’avait pas encore vu, que les assiégés étaient nourris par les assiégeants. « Le roi, dit Mézerai, permettait à ses officiers d’envoyer des rafraîchissements à leurs anciens amis. Les soldats en faisaient autant, à l’exemple de leurs officiers. » Le roi avait de pus la générosité de laisser sortir de Paris tous ceux qui se présentaient. Un jour ayant rencontré deux de ces malheureux, il leur donna l’argent qu’il avait sur lui : « Le Béarnais est pauvre, ajouta-t-il ; s’il avait davantage, il vous le donnerait. »

Les royalistes qui étaient enfermés dans la ville, avaient plusieurs fois excité des mouvements en faveur du roi ; mais ils étaient veillés de si près, et leurs mesures étaient toujours si mal concertés, qu’ils ne tentaient jamais rien avec succès. Dans une de ces émeutes où l’on entendit crier : La paix ou du pain, un père et son fils furent étranglés à la même potence.

Cependant les principales ville du royaume, Lyon, Orléans, Bourges, et plusieurs autres, avaient déjà donné l’exemple de la soumission. Le maréchal de Brissac, que le duc de Mayenne avait chargé du gouvernement de Paris en son absence, entama une négociation secrète avec le roi. « Ce seigneur, dit Voltaire, au milieu de tant de troubles, avait d’abord eu le dessein de faire de la France une république ; mais un échevin, nommé Langlois, homme qui avait beaucoup de crédit dans la ville, et des idées plus saines que le maréchal de Brissac, le ramena à son sentiment. »

Ces deux restaurateurs de la tranquillité publique s’associèrent quelques magistrats et les principaux bourgeois ; les mesures furent si bien prises, les Ligueurs si artificieusement trompés, et ensuite si bien contenus, qu’Henri IV fit son entrée dans la capitale, sans qu’il y eût presque de sang répandu.

On ne peut mieux faire que de rapporter ici les paroles de l’historien Auguste de Thou : « On vit presque en un moment les factions éteintes, un roi légitime affermi sur le trône, la liberté publique et les lois rétablies. » Henri se voyant au Louvre, dit au chancelier Chiverny : « Est-il possible que je sois ici ? Plus j’y pense, moins je le conçois. » Cet événement lui paraissait incroyable. Le même jour il alla dans l’église de Notre-Dame, rendre à Dieu de solennelles actions de grâces, au milieu d’un peuple innombrable, qui ne cessait de crier : Vive le roi ! « Je vois bien, dit ce bon prince, que ce pauvre peuple était tyrannisé. »

On peut lire, dans la Henriade, chant X :

Tout le peuple changé, dans ce jour salutaire,
Reconnaît son vrai roi, son vainqueur et son père.

La mémoire de la réduction de Paris fut consacrée par une procession, à laquelle assistèrent le roi, les cours souveraines et le corps de ville ; elle se renouvela depuis tous les ans, le 22 mars, pour remercier Dieu d’avoir rendu Paris à Henri IV, et Henri IV à Paris.

On lit encore dans la Henriade, chant X :

Tout empire est tombé, tout peuple eut ses tyrans ;
Mais cette impénétrable et juste Providence
Ne laisse pas toujours prospérer l’insolence :
Quelquefois sa bonté, favorable aux humains,
Met le sceptre des rois dans d’innocentes mains.

 
 
Même section >

Suggérer la lecture de cette page
Abonnement à la lettre d'information La France pittoresque

Saisissez votre mail, et appuyez sur OK
pour vous abonner gratuitement
Éphéméride : l'Histoire au jour le jour. Insertion des événements historiques sur votre site

Vos réactions

Prolongez votre voyage dans le temps avec notre
encyclopédie consacrée à l'Histoire de France
 
Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne !