9 décembre 537 : Bélisaire entre dans Rome

Bélisaire avait conquis l’Afrique (533) : les divisions des Goths en Italie lui préparèrent une nouvelle moisson de gloire, comme elles offrirent une nouvelle proie à l’ambition de Justinien. La reine des Goths, la fille de Théodoric, Amalasonte, venait de périr, par la perfidie de son parent, Théodat. Bélisaire débarque en Sicile, où Palerme seule lui oppose quelque résistance. Une révolte l’appelle à Carthage : il court l’apaiser, revient en Sicile, passe à Reggio, marche vers Naples, dont il s’empare, après vingt jours de siège.

La prise de cette ville exaspéra les Goths, qui, dans leur fureur, massacrèrent Théodat et mirent Vitigès à leur tête. Bélisaire victorieux s’avançait toujours, et Rome lui ouvrit ses portes. Maître de cette cité, il s’occupa de l’approvisionner, de la fortifier, malgré les plaintes des habitants, épouvantés de l’idée seule d’un siège. Au printemps suivant, Vitigès se présente, et le siège commence : il dura un an et neuf jours, avec des chances diverses, tantôt dégénérant en blocus, tantôt semé d’assauts multipliés. La famine et les maladies exercèrent de cruels ravages. Narsès fut envoyé par Justinien au secours de Bélisaire, qui déposa le pape Silvère, et fit tuer un de ses officiers, nommé Constantin. Ce meurtre, commis à l’instigation de sa femme Antonina, souilla sa gloire. Menacé de toutes parts, Vitigès se retira à Ravenne ; l’eunuque Narsès, en entraînant une partie des troupes, eut l’art d’empêcher Bélisaire de profiter de son succès.

Une armée de Francs, commandée par Théodebert, roi d’Austrasie, vint soutenir le roi goth ; Milan fut pris et saccagé : mais Bélisaire, ayant déterminé les Francs à la retraite, investit Théodat dans Ravenne, et finit par le faire prisonnier. Les Goths lui avaient offert la couronne, et il l’avait refusée. Justinien, jaloux et méfiant, rappela son général à Constantinople ; cette fois l’empressement public honora seul le retour de Bélisaire. Encore une fois, après avoir défendu l’empire contre Les Perses, le grand homme devait sauver Rome, dont Totila, nouveau roi des Goths, méditait la destruction.

Dans le dénuement où languissaient Rome et l’Italie, Bélisaire sollicita lui-même son rappel : il se reposa dix ans, et, pour dernier exploit, repoussa une irruption des Bulgares. Accusé d’avoir trempé dans une conspiration, réduit à se justifier, il triompha de la calomnie : Justinien lui rendit ses biens et ses honneurs ; mais la persécution avait aggravé le poids des années et des fatigues : Bélisaire mourut en 565.

L’imagination des poètes, des romanciers et des peintres a propagé la tradition, qui nous représente Bélisaire, pauvre et aveugle, implorant la pitié dans les rues de Constantinople : cette tradition, née des écrits de Tzetzès, auteur peu estimé du douzième siècle, répétée sans examen, n’en est pas moins apocryphe, et ne s’appuie du témoignage d’aucun historien contemporain.