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3 novembre 1794 : mort du diplomate et homme de lettres François-Joachim de Pierre de Bernis

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3 novembre 1794 : mort du diplomate
et homme de lettres
François-Joachim de Pierre de Bernis
Publié / Mis à jour le jeudi 1er novembre 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 

François-Joachim de Pierre, cardinal de Bernis, naquit à Saint-Marcel-d’Ardèche, le 22 mai 1715. Après avoir passé quelques années dans le séminaire de Saint-Sulpice, il entra dans le monde, où une figure heureuse, des manières pleines de grâce et de politesse, un esprit enjoué, et le talent de faire des vers faciles et agréables, lui procurèrent des succès flatteurs auprès des hommes les plus distingués et des femmes les plus aimables.

Cette vie un peu mondaine déplut au cardinal de Fleury, alors premier ministre, qui manda le jeune abbé dont il s’était d’abord déclaré le protecteur ; et après lui avoir reproché sa dissipation, il ajouta : « Vous n’avez rien à espérer tant que je vivrai. — Monseigneur, j’attendrai, répondit l’abbé de Bernis » ; et il se retira en faisant une profonde révérence. Il attendit longtemps. Enfin madame de Pompadour le présenta à Louis XV, qui lui donna un appartement aux Tuileries, et une pension de quinze cents livres. Toutes les prétentions de l’abbé de Bernis se réduisaient alors à élever son revenu jusqu’à six mille livres.

Ne pouvant réussir à faire cette petite fortune, il résolut d’en faire une grande, et il y trouva plus de facilités : on en vit peu d’aussi rapides. Nommé à l’ambassade de Venise, il sut, dans cette place, faire apprécier son esprit et son caractère. Au retour de cette ambassade, il jouit à la cour de la plus grande faveur : il n’entra pas encore au conseil ; mais il y avait déjà la plus grande influence : bientôt il y entra, et ne tarda pas à être chargé du ministère des affaires étrangères. Cette époque de son crédit et de sa grandeur fut aussi celle des grandes contradictions qu’il a essuyées, et des graves reproches que sa mémoire a, sinon mérités, du moins encourus.

Alors changea le système politique de l’Europe : la France et l’Autriche, jusque-là rivales et ennemies, s’unirent par un traité défensif et offensif. Ce traité fut suivi de la guerre désastreuse de Sept Ans, terminée par la paix honteuse de 1763. La France, accablée par tant de revers, s’en prit à ceux qu’elle regardait comme les auteurs du traité. Plusieurs écrivains regardent l’abbé de Bernis comme le principal agent de cette alliance, dont les suites furent si funestes ; Duclos l’en disculpe, et Duclos paraît bien instruit. Cependant, accablé des désastres de sa patrie, qu’il ne se dissimulait pas qu’on lui attribuait en partie, ou comme auteur du funeste traité, ou comme celui qui, par les devoirs de sa place, était plus particulièrement chargé de son exécution, le cardinal de Bernis remit le portefeuille des affaires étrangères : sa démission fut acceptée.

Bientôt après il fut exilé, et sa disgrâce fut complète : il la soutint avec dignité ; elle dura six ans environ, jusqu’à l’année 1764. Le roi le nomma alors à l’archevêché d’Albi, et l’envoya cinq ans après à Rome, en qualité d’ambassadeur, où il se distingua par la politesse et l’élégance de ses manières, l’agrément de son esprit, la magnificence de sa maison, l’accueil honorable qu’il fit à tous les étrangers, mais surtout par l’accueil plein de grâces qu’il fit à tous les Français : « Sa maison, dit l’auteur d’un Voyage en Italie, est ouverte à tous les voyageurs de toutes les parties du monde ; il tient, comme il le dit lui-même, l’auberge de France dans un carrefour de l’Europe ».

La Révolution vint interrompre le cours de ses prospérités et du noble usage qu’il en faisait. Dépouillé de ses abbayes et de son archevêché, il perdit quatre cent mille livres de rente, et fut réduit à une sorte de dénuement bien autrement pénible que celui dans lequel jl avoit passé sa jeunesse. La cour d’Espagne l’en tira, en lui assurant une forte pension, à la sollicitation du chevalier d’Azara. Il ne survécut que trois ans à cette faveur, et mourut à Rome le 3 novembre 1794, âgé de 79 ans.

Des poésies légères avaient fait l’agrément de la jeunesse du cardinal de Bernis, et avaient commencé sa réputation ; elles l’avaient fait recevoir de l’Académie française longtemps avant sa faveur et sa grande fortune. Plusieurs de ses épîtres, celle à ses dieux pénates, et celles qu’il a adressées au duc de Nivernois, à Duclos, au baron de Montmorency, lui assignent, à quelque distance de Gresset, un rang fort honorable encore parmi les poètes qui ont eu plus d’esprit que de génie. Il a fait un usage trop fréquent de la mythologie, et semble n’avoir observé la nature qu’à travers le prisme de la Fable. C’est à ce défaut que Voltaire faisait allusion dans une de ses épîtres :

Qu’un autre dans ses vers lyriques,
Depuis deux mille ans répétés,
Brode encor des fables antiques,
Je veux de neuves vérités.
Divinités des bergeries,
Naïades des rives fleuries,
Satyres qui dansez toujours,
Vieux enfants que l’on nomme Amours,
Qui faites naître en nos prairies
De mauvais vers et de beaux jours,
Allez remplir les hémistiches
De ces vers pillés et postiches,
Des rimailleurs suivant les cours.

On sait encore que le même Voltaire, pour caractériser cette surabondance de fleurs qui remplacent trop souvent, dans les poésies de Bernis, le sentiment et les images, lui donnait quelquefois en plaisantant le nom de Babet la bouquetière (c’était le nom d’une grosse bouquetière qui se tenait à la porte de l’Opéra, et qui avait alors beaucoup de vogue). Cependant on ne peut nier que, du moins dans quelques-unes de ses pièces, l’abbé de Bernis n’ait eu le mérite de peindre à grands traits et même en maître. On peut en juger par ces beaux vers où il a décrit avec magnificence le soleil au milieu de sa course :

Ce grand astre dont la lumière
Enflamme la voûte des cieux,
Semble, au milieu de sa carrière,
Suspendre son cours glorieux.
Fier d’être le flambeau du monde,
Il contemple du haut des airs
L’Olympe, la terre et les mers
Remplis de sa clarté féconde ;
Et jusques au fond des enfers
Il fait rentrer la nuit profonde
Qui lui disputait l’univers.

Le poème de la Religion vengée, imprimé depuis sa mort, est trop inférieur à celui de Louis Racine, pour ajouter beaucoup d’éclat à sa réputation. Toutefois la citation suivante, dans laquelle le poêle expose la doctrine de Spinoza, prouvera encore que, si l’abbé de Bernis se fût moins borné aux images riantes et voluptueuses, aux succès de mode et de société, il se fût plus souvent élevé à la haute poésie :

Plongé dans le silence et dans l’obscurité,
Le jour me fut rendu par un coup de tonnerre,
Je vis sortir alors des débris de la terre
Un énorme géant, que dis-je ? un monde entier,
Un colosse infini, mais pourtant régulier.
Sa tête est à mes yeux une montagne horrible,
Ses cheveux des forêts, son œil sombre et terrible
Une fournaise ardente, un abîme enflammé :
Je crois voir l’univers en un corps transformé.
Dans ses moindres vaisseaux serpentent les fontaines,
Le profond Océan bouillonne dans ses veines ;
La robe qui le couvre est le voile des airs ;
Sa tête touche aux cieux, et ses pieds aux enfers.
Il paraît : la frayeur de mon âme s’empare ;
Mais dans le trouble affreux où mon âme s’égare,
Plus tremblant que soumis, plus surpris qu’agité,
Je cherche en lui les traits de la divinité,
Lorsqu’abaissant vers moi sa paupière effrayante,
Il m’adresse ces mots d’une voix foudroyante :
« Cesse de méditer dans ce sauvage lieu,
« Homme, plante, animaux, esprit, corps, tout est dieu,
« Spinoza le premier connut mon existence :
« Je suis l’être complet et l’unique substance,
« La matière et l’esprit en sont les attributs ;
« Si je n’embrassais tout, je n’existerais plus.
« Principe universel, je comprends tous les êtres ;
« Je suis le souverain de tous les autres maîtres.
« Les membres différents de ce vaste univers
« Ne composent qu’un tout, dont les modes divers,
« Dans les airs, dans les cieux, sur la terre et sur l’onde,
« Embellissent entre eux le théâtre du monde. »

Dans ces beaux vers, la doctrine de Spinoza nous paraît exposée avec une fidélité dont la poésie ne paraissait pas susceptible, et avec un talent que le cardinal de Bernis a montré trop rarement.

 
 
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