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10 septembre 1419 : assassinat de Jean sans Peur lors d'une entrevue avec le futur Charles VII

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Éphéméride, événements
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10 septembre 1419 : assassinat de
Jean sans Peur lors d’une entrevue
avec le futur Charles VII
(D’après « Histoire générale de France depuis les temps les
plus reculés jusqu’à nos jours » par Abel Hugo (Tome 4), paru en 1841)
Publié / Mis à jour le jeudi 8 septembre 2016, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Cet événement survint pendant la guerre de Cent Ans (1337-1453), et cependant que, douze ans plus tôt, Jean sans Peur avait fait assassiner le frère du roi régnant Charles VI.

Le 11 juillet 1419, Jean sans Peur et le dauphin, qui avaient signé le traité de Pouilly-le-Fort (Seine-et-Marne) scellant leur alliance pour lutter contre l’occupant anglais, avaient convenu de se revoir non loin de là, à Montereau. Par ce traité, le duc de Bourgogne s’engageait à déclarer, sous un mois, la guerre aux Anglais. Jean, dérogeant à cette promesse, hésita longtemps à se rendre à Montereau ; mais enfin il s’y résolut. Comme il approchait de la ville, quelques-uns de ses gens lui dirent que dans le lieu choisi tout était à l’avantage du dauphin, et qu’ils ne lui conseillaient pas de s’y exposer. Il s’arrêta, et tint son conseil : les uns étaient d’avis qu’il passât outre, et les autres l’en détournaient. Il ne savait à quoi se résoudre ; enfin il s’écria : « Je ne puis croire que le dauphin de France soit capable de manquer de parole, et de faire une méchante action. » La dame de Giac, sa maîtresse, l’encouragea, et le pressa d’aller à la conférence convenue : il continua sa route.

Jean sans Peur, duc de Bourgogne de 1405 à 1419

Jean sans Peur, duc de Bourgogne de 1405 à 1419

Arrivé à Montereau, Jean se fit livrer le château pour sa sûreté, y laissa la plus grande partie de sa suite, et avec dix chevaliers s’achemina vers le pont, où tout avait été préparé pour la conférence. Une loge fermée s’élevait au milieu, et de doubles barrières étaient placées aux deux extrémités. En approchant du pont, un secret pressentiment faisait encore hésiter le duc de Bourgogne. « Il demanda à ses conseillers, dit Monstrelet, s’il leur semblait qu’il pût aller sûrement devers le dauphin, sur les sûretés qu’ils savaient entre eux deux. Lesquels, ayant bonne intention, lui tirent réponse que sûrement y pouvait aller, attendu lesdites promesses faites par tant de notables personnes d’une partie et d’autre ; et dirent que bien oseraient prendre l’aventure d’y aller avec lui.

« Sur laquelle réponse le duc se mit en chemin, faisant aller une partie de ses gens devant lui, et entra en la première barrière, où il trouva les gens du dauphin, qui encore lui dirent : Venez devers monseigneur, il vous attend. Et il dit : Je vais devers lui. Et passa outre la seconde barrière, laquelle fut tantôt fermée à la clef, après que lui et ses gens furent dedans, par ceux qui à ce étaient commis. Et en marchant avant rencontra messire Tanneguy du Châtel, auquel, par grand amour, il férit [tapa] de la main sur l’épaule, disant au seigneur de Saint-George et aux autres de ses gens : Voici en qui je me fie.

« Et ainsi passa outre jusque assez près du dauphin, qui était tout armé, l’épée ceinte, appuyé sur une barrière ; devant lequel, pour lui faire honneur et révérence, il se mit à un genou à terre, en le saluant très humblement. A quoi le dauphin répondit aucunement, sans lui montrer quelque semblant d’amour, en lui reprochant qu’il avait mal tenu sa promesse, et n’avait point fait cesser guerre, ni fait vider ses gens de garnisons, ainsi que promis avait. »

« Et entre temps, messire Robert de Loire le prit par le bras dextre et lui dit : Levez-vous, vous n’êtes que trop honorable. Et ledit duc était à un genou, comme dit est, et avait son épée ceinte, laquelle était, selon son vouloir, trop demeurée derrière lui, quand il s’agenouilla, si mit la main pour la remettre plus devant à son aise ; et lors ledit messire Robert lui dit : Mettez-vous la main à votre épée en la présence de monseigneur le dauphin ? entre lesquelles paroles s’approcha d’autre côté messire Tanneguy du Châtel, qui fit un signe en disant : Il est temps. Et férit ledit duc d’une petite hache, qu’il tenait en sa main, parmi le visage, si raidement qu’il chut à genou, et lui abattit le menton. Et quand le duc se sentit féru, mit la main à son épée pour la tirer, et se cuida [pensa] lever pour lui défendre ; mais incontinent, tant dudit Tanneguy comme d’aucuns autres, fut féru de plusieurs coups, et abattu à terre comme mort. Et prestement un nommé Olivier Layet, à l’aide de Pierre Fralier, lui bouta une épée par-dessous son haubergeon, tout dedans le ventre.

« Et ainsi que ce se faisait, le seigneur de NouaiIles, ce voyant, tira son épée à moitié pour défendre ledit duc ; mais le vicomte de Narbonne tenait une dague en sa main, dont il le cuida [pensa] férir [frapper]. Et ledit de Nouailles vigoureusement se lança audit vicomte, et lui arracha sa dague des poings, et en ce faisant, fut féru d’une hache par derrière en la tète, si efforcément [fortement] qu’assez bref après il mourut.

« Et entre temps que ce se faisait, le dauphin, qui était appuyé sur la barrière, voyant cette merveille, se tira arrière d’icelle, comme tout effrayé ; et incontinent, par Jean Louvet, président de Provence, et autres ses conseillers, fut ramené en son hôtel. Finalement tous les dix, avec le secrétaire, qui étaient allés avec ledit duc, furent pris sans délai, excepté le seigneur de Nouailles, qui demeura mort sur la place, comme dit est, et le seigneur de Montagu, qui se sauva par-dessus la barrière vers le château. »

Ainsi, dit Bossuet, mourut un méchant prince, par une méchante action, qu’on doit regarder comme un effet de la justice de Dieu, qui avait différé jusqu’à ce temps la punition du détestable assassinat commis douze ans auparavant en la personne du duc d’Orléans. Quelque soin que l’on prît de déguiser une si mauvaise action, elle fut détestée de tous les peuples. On eut en horreur les conseillers du dauphin, qui avaient abusé de sa facilité et de sa jeunesse pour lui faire violer la foi publique par un meurtre si abominable, lui que sa naissance obligeait, plus que personne, à la respecter.

Assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau. Enluminure insérée dans les Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet (XVe siècle)

Assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau. Enluminure insérée dans
les Chroniques d’Enguerrand de Monstrelet (XVe siècle)

Dans la lettre que le dauphin, pour se justifier, adressa à plusieurs bonnes villes du royaume, il raconte ainsi l’événement : « Nous remontrâmes amiablement au duc comment, nonobstant la paix, et ses promesses, il ne faisait, ni avait fait aucune guerre aux Anglais, et avec ce, n’avait fait issir [sortir] les garnisons qu’il tenait, comme il avait été traité et promis par ledit de Bourgogne ; desquelles choses nous le requîmes. Lequel de Bourgogne nous répondit plusieurs folles paroles, et chercha son épée à nous envahir et villener [avilir] en notre personne ; laquelle, comme après nous avons su, il contendait à [s’efforçait de] prétendre, et mettre en sa sujétion. De laquelle chose, par divine pitié, et par la bonté et aide de nos loyaux serviteurs, nous avons été préservés ; et il, par sa folie, mourut en la place. »

Le roi Charles VI, poussé par sa femme Isabeau de Bavière, condamna par un édit le crime de son fils, et défendit à toutes les villes de lui obéir. Philippe, appelé le Bon, fils et successeur de Jean, avait épousé en 1409 la sœur du dauphin, Michelle de Valois. Venu demander justice au roi de France, il eut permission de s’accommoder avec le roi d’Angleterre pour venger la mort de son père. Agé de vingt-trois ans, Philippe était d’un caractère entièrement opposé à celui de Jean sans Peur. Le jeune prince se trouvait à Gand lorsqu’il apprit l’attentat de Montereau. Nourri par sa vertueuse mère, Marguerite de Bavière, dans le respect et l’amour d’un père, dont sa jeunesse l’empêchait de juger les tentatives politiques, il éprouva, en apprenant sa mort, un désir insatiable de vengeance. Le courrier chargé de lui porter la triste nouvelle le trouva en compagnie de plusieurs seigneurs : « Mes amis, leur dit-il en fondant en larmes, il faut m’aider à punir l’assassin de mon père. »

Aussitôt, emporté par la douleur, et sans égard pour la situation où devait se trouver sa jeune femme, sœur du dauphin, il courut à elle, et lui dit : « Madame, votre frère a tué mon père » ; mots terribles, qui laissèrent une profonde impression dans le cœur de cette princesse, et causèrent sans doute la maladie de langueur à laquelle elle succomba au bout de trois ans.

Lorsque la nouvelle de la mort du duc de Bourgogne parvint à Paris, elle excita une émotion violente : le peuple exprima ses regrets par des menaces affreuses contre le dauphin. Le comte de Saint-Paul, chargé du commandement de la ville, fit rendre à Jean sans Peur des honneurs qui réveillèrent les passions : son oraison funèbre, prononcée par Larcher, recteur de l’Université, fit fondre en larmes l’auditoire, qui jura de le venger.

Cette mort, causée par un assassinat, ne produisit pas moins d’effet à Troyes, où se trouvait la famille royale. La reine Isabeau se montra profondément indignée contre son fils ; elle publia un manifeste contre lui, et sollicita ouvertement l’alliance des Anglais. De son côté, Philippe le Bon, entraîné par le sentiment de la vengeance, implora le secours de Henri V, et lui offrit la couronne de France.

L’attentat de Montereau rendit ainsi la faction bourguignonne plus forte que jamais, et le roi d’Angleterre, qui s’était trouvé quelques mois auparavant dans une position embarrassante, n’eut plus qu’à profiter de la haine mutuelle des deux partis. Henri V ouvrit à Arras un congrès dans la foulée, tant pour négocier avec la reine et le nouveau duc de Bourgogne, que pour traiter séparément avec les villes qui voudraient favoriser ses desseins. Philippe s’y rendit, et le comte de Saint-Paul y parut au nom de la reine.

Henri, aussi profond politique qu’habile général, sentait que pour établir solidement son autorité en France, il fallait qu’elle fût consacrée par l’assentiment des communes. Malgré l’aversion des Français pour une domination étrangère, la partie du royaume occupée par les Bourguignons avait été si malheureuse depuis plusieurs années, que l’immense majorité des habitants ne demandait que le repos, et devait naturellement se tourner vers le prince assez fort pour établir un gouvernement régulier.

Le roi d’Angleterre reçut à Arras les députés d’un grand nombre de villes, et promit de respecter leurs privilèges. Un traité, dont les préliminaires furent signés le 17 octobre 1419, porta que Henri V épouserait la princesse Catherine ; que Charles VI continuerait à garder le titre de roi, que l’État serait gouverné par son gendre, qui prendrait le titre de régent, et qu’à la mort de Charles, Henri V succéderait à la couronne. L’hiver se passa sans que le dauphin pût s’opposer à un arrangement qui livrait le royaume à un étranger. Le 21 mai 1420, le roi d’Angleterre et le duc de Bourgogne se réunirent à Troyes avec le roi et la reine de France, et le traité d’Arras y fut confirmé. C’est le célèbre traité de Troyes, qui dépossédait le futur Charles VII du royaume de France pour livrer celui-ci aux Anglais.

 
 
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