3 septembre 1760 : première représentation de Tancrède, tragédie de Voltaire

La date de cette pièce marque le terme de la carrière tragique de son auteur. Tancrède est la dernière création digne du génie qui avait enfanté Zaïre, Alzire et Mérope. Déjà le style de Voltaire avait beaucoup perdu de son énergie et de sa correction.

Marmontel raconte dans ses mémoires, qu’étant à Ferney, Voltaire lui confia le manuscrit de cette pièce, qu’il venait d’achever. « Eh bien qu’en pensez-vous ? » dit-il, après que Marmontel eut fini de la lire : pour toute réponse, ce dernier lui montra ses yeux mouillés de larmes : « Mais je me trouvai fort heureux, ajoute-t-il, que Voltaire ne me demandât pas ce que je pensais du style de son ouvrage ».

Pour s’affranchir d’une gêne, dont il avait triomphé jadis avec tant de succès, Voltaire avait cru devoir recourir aux vers libres. Tancrède est la seule tragédie écrite de cette manière, qui soit restée au théâtre. Commencée le 22 avril 1759, la tragédie de Tancrède était finie le 18 mai suivant, mais elle n’était pas encore faite (lettre à d’Argental en date du 19 mai 1759). Voltaire y avait déjà fait, à plusieurs reprises, de grands changements, lorsqu’il la fit jouer, trois fois, en octobre 1759, sur son théâtre de Tourney.

Tancrède, tragédie de Voltaire. Acte III : le Défi ; acte V : la Mort

Mais ce ne fut que le 3 septembre 1760 que Tancrède fut représentée sur le Théâtre-Français. Ce n’était pas tout à fait la pièce de Voltaire ; les comédiens l’avaient horriblement étranglée (lettre à d’Argental en date du 23 septembre 1760), et y avaient ajouté une soixantaine de vers de leur cru (lettre à Duclos en date du 22 octobre suivant). L’auteur, après la représentation, y changea encore deux cents vers ; et, quoiqu’il eût envoyé les corrections à Prault, petit-fils, il se plaint que ce libraire ait imprimé cette tragédie autrement que l’auteur l’avait faite (lettre à d’Argental en date du 29 mars 1761), et trouvait l’édition de Paris l’excès du ridicule.

Le 8 octobre 1760 les comédiens italiens avaient donné La nouvelle joute, parodie de Tancrède, imprimée la même année. On devait, avant la représentation , prononcer un discours parodie de celui que Lekain avait prononcé le 3 septembre précédent. Ce discours, qui ne fut pas débité, a été imprimé dans l’Année littéraire, tome VII de 1760, page 45, et dans le tome II des Anecdotes dramatiques. Une autre parodie de Tancrède, jouée sur le même théâtre, le 4 avril 1761, est intitulée : Quand parlera-t-elle ! L’auteur est François Riccoboni, qui déjà, en 1736, avait, avec Dominique, donné une parodie d’Alzire.