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Aventuriers de Paris menant grand train à la fin du XIXe siècle. Intrigants des salons parisiens et vie dorée

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Anecdotes insolites
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Aventuriers de Paris menant
grand train à la fin du XIXe siècle
(D’après « L’Echo de Paris », paru en 1887)
Publié / Mis à jour le mardi 3 juin 2014, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
A la fin du XIXe siècle, Henry Bauer, fils naturel de Dumas père, croque en quelques lignes caustiques ceux qu’il désigne par l’appellation d’aventuriers de la capitale, « ingénieux, hardis, fertiles en ressources, riches d’expédients », qui mènent grand train bien que sans le sou et sans activité définie, monde obscur fréquentant les salons et vivant aux dépens d’autrui

Paris est la ville du monde la plus féconde en incidents dramatiques ou burlesques, d’une couleur extraordinaire, parce qu’au fond de cette vaste chaudière bouillent les amas d’éléments impurs qui tendent sans cesse à remonter à la surface, écrit en 1887 Henry Bauer dans l’Echo de Paris.

Chaque jour cette écume bave sur la société parisienne, la salit, la corrompt et l’empoisonne. Les anciens historiens du demi-monde nous laissent supposer qu’il existait autrefois un monde de galants hommes et d’honnêtes femmes absolument fermé aux intrigants et aux déclassés de toutes les religions et de tous les pays. Cette légende a pris fin ; la société offre un méli-mélo de tous les personnages et de toutes les espèces connues et inconnues.

Les salons les plus huppés se recrutent parmi la bohème cosmopolite et les industriels des deux mondes. Les noms qui dégringolent des croisades se trouvent accolés aux titres d’opérette des terres chaudes et confondus avec les pirates des deux Amériques. Personne n’a plus accoutumé de demander au nouveau venu qui mène grand train et fait bonne contenance d’où il sort et où il naquit. Les questions indiscrètes sont bannies du cérémonial. Paraître est le grand point ; les apparences du luxe et de la fortune imposent maintenant à tous et ouvrent toutes les portes.

La rue passe aux travers des salons. Le passant en habit noir dépose son pardessus au vestiaire, salue l’hôte et l’hôtesse et fréquente avec les invités. Je m’étonne que les voleurs et les pickpockets n’opèrent point dans les salons d’accès facile. La maîtresse de la maison n’a cure d’examiner les figures équivoques. Est-ce qu’elle connaît tout ce monde qui campe dans ses appartements ?

Elle sourit à la foule, au déballage de toilettes, aux épaules nues, aux éclatantes exhibitions de diamants. Son unique souci, c’est que sa réception paraisse admirable, c’est que le lendemain les échos des journaux mondains célèbrent le faste de ses réceptions et citent les noms sonores et marquants d’invités à peine entrevus.

Jadis, chacun gardait la discrétion de sa vie privée, et redoutait la publicité autour de son foyer. Un répugnant désir de réclame a envahi les gens du monde. Ce qui était le travers de quelques excentriques toujours prêts à couper la queue à leur chien pour attirer l’attention publique est devenu un vice commun.

Des femmes, peut-être d’honnêtes femmes et de bonne maison, s’enivrent à lire un qualificatif de leur beauté, l’éloge de leur élégance dans les gazettes. Elles sont plus ardentes que la première ou la dernière des cabotines dans cette chasse à la publicité. La duchesse, la comtesse ou la belle financière, dans cette concurrence aux filles de théâtre, n’ont certes pas l’excuse de la représentation annoncée et de la vanité professionnelle.

La grande ville abrite dans ses refuges une tribu d’aventuriers ingénieux, hardis, fertiles en ressourcés, riches d’expédients, trappeurs du boulevard, explorateurs des salons, « déployant plus de génie pour subsister qu’il n’en faut en dix ans pour gouverner toutes les Espagnes ». Ces héros d’aventures n’ont aucune fortune authentique, aucun moyen précis d’existence. Et pourtant ils ont une tenue élégante, une demeure somptueuse, s’en vont chaque matin galoper au bois sur un cheval de sang et se montrent l’après-midi dans un coupé bien attelé.

Celui-ci ne trouve pas deux écus vaillants dans son gousset au lever, tout ruminant d’expédients, qui le soir, à la table du cercle, met crânement cinquante louis en banque, les renouvelle et les perd, stoïque, imperturbable. Autour de lui, les pontes hochent la tête et se demandent encore une fois les uns aux autres dans quelle eau trouble il a péché ce magot. L’un prononce le nom d’une vieille amoureuse archi-millionnaire, moitié folle et tout à fait hystérique, qui passe pour la bienfaitrice attitrée de ce correct gentleman.

Cet autre fat, laid et stupide, vit nettement et cyniquement aux dépens des drôlesses. Successivement, il a mis à sec la belle Juliette et nettoyé à fond la grande Arthémise. Maintenant, il mange la petite Fanchette, la plus âpre et la plus avide de toutes ses pareilles. Ce ruffian avéré à qui un compère ne prêterait pas cent sous, a le don d’empaumer les filles par ses histoires de brigands.

Il leur conte qu’il possède à Golconde, au Cap ou au Brésil une mine de diamants et le miroitement de ses fabuleuses pierreries détraque la pauvre cervelle de ses victimes. Le gaillard continuera ses farces et son train de haute noce, jusqu’à ce qu’il se noie dans le crachat d’un homme.

Un troisième remue les millions dans le jeu de la Bourse, procède par différences de trois cent mille et fonde son crédit sur la bêtise et la friponnerie des courtiers. Il a une maison montée, des équipages magnifiques, des chevaux de race, une domesticité nombreuse. Tous ces semblants de grandeur sortent du hasard et y retourneront. En vérité, ce financier intrépide ne possède pas un sou vaillant, mais sait tirer d’inépuisables revenus de la bêtise ambiante. Le jour qu’il sombrera par un déni de la chance, ses dupes le plaindront et le regretteront. Son nom reviendra sur toutes les lèvres avec un point admiratif : « C’était tout de même un homme fort ! »

Tous les aventuriers ne sont pas voués à de fatales destinées. Cette fin de siècle en aura vu monter et triompher dans tous les emplois. Ceux qui se jettent audacieusement dans la mêlée de la démocratie contemporaine, sans conscience, sans préjugés, sans affections, n’ayant rien à perdre, ont tout à gagner.

Aussi, tels héros d’aventures se sont poussés dans le monde nouveau et y font bonne figure, du moment qu’ils sont en place, dans les affaires, les finances, la politique. Dans le fromage de Hollande, le rat a pris les mœurs et la mine d’un saint homme.

 
 
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