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Panorama disparu ou Paris défiguré par les aménagements successifs des Expositions universelles

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Anecdotes insolites
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Panorama disparu ou Paris défiguré
par les aménagements successifs des
Expositions universelles ?
(D’après « La Semaine des familles », paru en 1891)
Publié / Mis à jour le mardi 24 février 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
En 1891, J. Clermont, de la Semaine des familles, nous offre un florilège des griefs ayant alors cours au sein d’une partie de la population parisienne et des poètes, se rapportant à ce qu’ils considèrent alors comme une défiguration de la capitale allant s’accentuant à chaque Exposition universelle qui apporte son lot de nouveaux aménagements. La tour Eiffel n’est pas épargnée : « Le badaud lève le nez en l’air et s’émerveille : l’industrie est satisfaite », déplore notre chroniqueur.

Chacune des Expositions universelles, sauf celle de 1867, en dotant Paris d’un ou de plusieurs monuments nouveaux, a modifié l’aspect d’un coin de la capitale, observe J. Clermont. En 1855, le Palais de l’Industrie changea la physionomie des Champs-Elysées. En 1878, la construction du palais du Trocadéro et l’installation des jardins qui l’entourent modifièrent plus encore la rive droite de la Seine, au sud de Passy.

Les habitants du Gros-Caillou n’eurent plus devant les yeux le même horizon. La disparition du grand escalier bitumé qui conduisait, du quai à la place du Trocadéro, diminuait bien le pittoresque du seizième arrondissement. Toutefois, de l’École militaire, à travers le Champ-de-Mars, le coup d’œil était encore agréable. On peut contester la beauté architecturale du bâtiment central et des deux ailes qui s’étendent sur ses. côtés, en hémicycle, comme deux longues pattes d’araignée ; il faut avouer que l’ensemble produisait quelque effet, vu de l’avenue de La Motte-Picquet.

Palais du Trocadéro, érigé en 1878

Palais du Trocadéro, érigé en 1878

Aujourd’hui, fantassins et cavaliers ne voient plus de leurs fenêtres que les murs de la Galerie des machines. Même en montant sur le toit de leur caserne, ils auraient bien de la peine à dominer l’arête du fameux hangar industriel. Qu’apercevraient-ils, au fait ? Par-dessus les dômes peints des pavillons qui émaillent l’ancien champ de manœuvres d’énormes ruches, au delà de la fontaine géante dont les jets d’eau, aux couleurs éblouissantes, intriguèrent pendant six mois l’imagination des Parisiens, ils n’entreverraient le Trocadéro qu’à travers les charpentes de fer de l’illustre Tour.

Mais c’est de l’autre côté que la vue a le plus perdu. On prenait plaisir, pendant la belle saison, à venir s’asseoir sur la terrasse du Trocadéro, et, par un temps clair, à contempler le panorama de la rive gauche. On oubliait vite le bassin du palais, avec ses animaux verts ou dorés, étincelants au soleil, et l’œil, qu’arrêtaient à peine les bosquets artificiels des jardins environnants, gravissait la pente du pont d’Iéna, et s’attardait volontiers à détailler, par delà la plaine poudreuse et nue du Champ-de-Mars, la façade solennelle de l’École militaire. Muni d’une longue vue, on aimait à rapprocher de soi, tour à tour, les horizons variés, mais également séduisants, de droite et de gauche.

D’un côté, quelques modestes églises des nouveaux quartiers, Grenelle, Vaugirard, Montrouge, les premiers villages du sud-ouest de la banlieue, et, tout au fond, les bois touffus et très haut échelonnés. De l’autre, toute une série de monuments : les tours fines et gracieuses de Sainte-Clotilde, celles de Saint-Sulpice, épaisses et lourdes comme certains beffrois du Nord, les trois dômes des Invalides, du Panthéon et du Val-de-Grâce, placés là, presque en ligne, comme pour être comparés. Le tout, au milieu d’une forêt de cheminées et de paratonnerres, surgissant des innombrables toits qui forment à peine la quatrième partie de Paris. Le Trocadéro était un des endroits d’où l’on pouvait le mieux juger de l’immensité de la ville.

C’en est fait de ce panorama. « Vous avez assez regardé en longueur, a semblé dire l’ingénieur Eiffel aux amateurs de ce point de vue, vous regarderez désormais en l’air. Votre oeil suivra les poutres de ma gigantesque tour et ne s’arrêtera qu’à trois cents mètres. » Et ses confrères de l’Exposition, comme pour empêcher l’immensité de distraire l’admiration des neuf cent pieds de charpentes boulonnées, ont. entouré son monument de différentes constructions à coupoles qui sont les palais démocratiques du XIXe siècle.

Industrie et poésie n’ont jamais mieux donné preuve de leur désaccord complet, estime le chroniqueur de la Semaine des familles. Les poètes se sont plaints, François Coppée le premier. Il s’agit bien des poètes ! Le badaud lève le nez en l’air et s’émerveille : l’industrie est satisfaite. Les contemplateurs ont, du reste, la ressource de descendre de la terrasse du Trocadéro, d’aller s’appuyer au parapet du quai et de regarder couler l’eau de la Seine — quand elle coule — entre ses deux rives. Ce n’est pas là que le fleuve est le moins intéressant. Les bateaux à vapeur et les remorqueurs y passent comme ailleurs ; un calme relatif y règne cependant.

Le Trocadéro vu sous la tour Eiffel

Le Trocadéro vu sous la tour Eiffel

Pas de débarcadères importants, pas de bateaux à charbon, de pierres meulières ou de sacs de plâtre, et par conséquent pas de débardeurs jurant, pas de charretiers assommant de pauvres bêles dont les efforts sont impuissants à faire démarrer ces lourds tombereaux qui défoncent le sol. Beaucoup de pêcheurs à la ligne, en revanche. Quand on est las de ne pas les voir prendre de poissons, on peut se dédommager en allant s’extasier devant ces magnifiques échantillons de la race aquatique que contient l’aquarium caché sous les jardins du Trocadéro.

En été, un public varié, bien qu’assez clairsemé, s’y rencontre. Outre l’éternel Anglais, qui court devant les vitrines, voyant les goujons et les carpes d’un seul coup d’œil, en gros, comme il voit tout, et quelques promeneurs, il y a des habitués. Des bonnes avec leurs bébés fanatiques de voir nager les grosses bébêtes ; de vieilles femmes tricotant des bas ; des flâneurs attitrés, cherchant dans ces grottes, à certaines heures du jour, l’ombre que leur refuse le parc ; de jeunes rentiers en casquettes des environs du Champ-de-Mars, qui rient lourdement chaque fois qu’un gros brochet avale un minuscule vairon. J’y ai vu plusieurs fois un poète qui se livrait à sa douce manie versificatrice, assis en face du bassin des tanches. Il m’a avoué, confie Clermont, que son rêve serait de se faire construire un cabinet de travail tout en verre à cette place, au milieu de l’allée principale de l’aquarium !

Enfin à celui que ne satisfont plus une promenade dans le jardin, l’eau bouillonnante de la cascade, ou la visite de l’aquarium et qui a assez vu la tour Eiffel à distance, il reste à traverser la Seine. Il ira se placer entre les quatre pieds du monstre, sous le plancher de la première plate-forme, et s’écriera, suivant qu’il est avec son siècle ou qu’il retarde comme l’opinion dédaigneuse de Coppée pour le grand fanal du Centenaire : « Comme c’est grand et beau ! » ou : « Comme c’est laid et encombrant ! »

 
 
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