Histoire de France, Patrimoine, Tourisme, Gastronomie, Librairie
LE 23 avril DANS L'HISTOIRE [VOIR]  /  NOTRE LIBRAIRIE [VOIR]  /  NOUS SOUTENIR [VOIR]
 
« Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du
peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (C. Nodier, 1840)
 

 
NOUS REJOINDRE SUR...
Nous rejoindre sur FacebookNous rejoindre sur XNous rejoindre sur LinkedInNous rejoindre sur VKNous rejoindre sur InstragramNous rejoindre sur YouTubeNous rejoindre sur Second Life

13 juillet 1788 : violent ouragan traversant la France et ravageant les moissons

Vous êtes ici : Accueil > Éphéméride, événements > Juillet > 13 juillet > 13 juillet 1788 : violent ouragan (...)
Éphéméride, événements
Les événements du 13 juillet. Pour un jour donné, découvrez un événement ayant marqué notre Histoire. Calendrier historique
13 juillet 1788 : violent ouragan
traversant la France
et ravageant les moissons
(D’après « La Météorologie. Revue mensuelle de météorologie
et de physique du globe » paru en 1981
et « Dictionnaire des merveilles et curiosités
de la nature et de l’art » paru en 1853)
Publié / Mis à jour le jeudi 13 juillet 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Traversant la France pour ainsi dire de bout en bout, cet orage était le plus désastreux qu’on eût vu en France depuis plusieurs siècles et ravagea le pays sur une bande d’une vingtaine de kilomètres de largeur, pulvérisant les récoltes, ébranchant les arbres, brisant les tuiles des maisons, tuant les animaux et les hommes qui se trouvaient dans les champs

Si l’on ne peut imputer les désordres de la Révolution aux vicissitudes atmosphériques, les caprices de l’atmosphère furent cependant en partie responsables des hausses de prix constatées en 1788-1789.

Au printemps 1788, soit au début de la phase de croissance des plantes, le déficit pluviométrique atteint 40 % dans le nord de la France, 40 à 60 % dans l’Ouest et le Sud-Ouest, plus de 80 % dans le Sud et le Sud-Est (avril-mai). Il est aggravé par des températures élevées. Cette sécheresse a pour conséquences de mauvaises récoles. Les prix enflent dès août 1788. La hausse du froment atteindra 127 % en 1789, 136 % pour le seigle puis 150 à 165 % pour la première quinzaine de juillet 1789. Dans le budget populaire, la part du prix du pain atteint 88 % en 1789.

Et puis, aux vicissitudes de 1788 vient s’ajouter l’hiver rigoureux de 1788-1789 : 86 jours de gelée à Paris, -21,8°C le 31 décembre 1788 à Paris, -30°C en Alsace, -20°C à -25°C dans le Nord, le Nord Est et le Centre. Le prix du bois à brûler augmente de 91 % !

Trajectoire des orages du 13 juillet 1788 et zones dévastées par la grêle
Trajectoire des orages du 13 juillet 1788 et zones dévastées par la grêle

Au « milieu de ces catastrophes climatiques », quelle est l’importance des orages du 13 juillet 1788 ? Très importante si l’on en juge par le volume des articles consacrés à cet orage. Assez importante si l’on examine les chiffres. En 1788, les recettes budgétaires du royaume sont de 503 millions de livres. L’estimation des pertes liées à l’orage du 13 juillet se monte à 25 millions de livres d’après le rapport des membres de l’Académie des sciences — le médecin et agronome Henri-Alexandre Tessier (1741-1837), le géographe Jean-Nicolas Buache (1741-1825) et le physicien Jean-Baptiste Le Roy (1720-1800) —, soit 5 % des recettes budgétaires.

Mais l’estimation ne comprend pas : celles des paroisses qui ne les ont pas estimées ; celles des paroisses « qui n’ont pas cru devoir se plaindre » ; celles des bâtiments, des jardins et des bois ; la destruction « des plantes propres à faire du fumier ». Si l’on double alors l’estimation, ce qui ne parait pas abusif, on aboutit à 10 % du budget. Le phénomène n’est donc pas négligeable.

Et tout ceci ne comprend pas les dégâts à l’étranger : la Hollande, les Pays-Bas autrichiens. Dans la seule châtellenie de Courtray, les dégâts se montent à 1 million de livres (exactement : 997 521 livres) pour 25 paroisses ; mais il manque les dégâts estimés dans 11 villages.

Revenons au temps qu’il fait en ce début de juillet 1788. Le beau temps domine. À Paris, le baromètre indique une hauteur d’environ 1015 millibars. Dans les 100premiers jours de juillet, la température reste comprise entre 17 et 20°C le matin, et 22 à 28°C l’après-midi. Le vent souffle du secteur Sud-Ouest.

Le vendredi 11 et le samedi 12 il fait très beau à Paris. Le vent qui avait tourné au Sud devient très faible. La température augmente et le 12 est une chaude journée : 33°C l’après-midi à Paris, 33,5°C de température maximale à Montmorency. C’est la journée la plus chaude de l’année.

L’astronome Charles Messier (1730-1817), de l’Académie des sciences, relate : « La matinée du 12 juillet 1788, à Paris, fut assez belle ; vers onze heures du matin, le ciel se couvrit en grande partie, et les nuages annonçaient de l’orage ; le vent était au sud-est, l’air calme ; une grande chaleur régnait ; elle était étouffante et accablante : le ciel redevient assez beau l’après-midi, avec du soleil. À dix heures du soir, il se couvrit de nouveau en grande partie, se découvrit ensuite, et la nuit du 12 au 13 fut assez belle, à l’exception de quelques nuages.

« Pendant la matinée du 13, le ciel se couvrit de plus en plus. Vers les huit heures, un vent violent s’éleva, les nuages s’accumulèrent, et amenèrent une grande obscurité. Vers les neuf heures, l’orage se déclara : le vent au sud-ouest ; un tonnerre roulant se fit entendre avec force ; et pendant huit minutes environ il ne mit presque pas d’intervalle entre les coups. La chaleur, avant l’orage, était très incommode, très étouffante sur tout dans les rues ; elle enveloppait, et semblait sortir d’un brasier. La nuée se déclara par une forte grêle qui ne fut pas générale dans Paris ; il n ’en tomba que des grains fort ordinaires, noyés dans une averse abondante de pluie qui dura depuis huit heures et demie jusqu’à neuf heures et demie, seulement au centre et au midi de Paris ; mais au faubourg Saint-Antoine la grêle fut forte, cassa des vitres et détruisit les légumes.

« Cet orage fut terrible par ses effets dans différentes provinces de France, où, en moins d’un quart d’heure, il ôta tout espoir de récolte. Tous les pays affectés de cet orage n’offraient plus que le spectacle de pays totalement ruinés et détruits par la grêle. Tout fut enterré, haché, abîmé, déraciné ; les toits découverts, les vitres brisées, les vaches et les moutons tués ou blessés ; le gibier, la volaille périrent. Plusieurs habitants, hommes et femmes reçurent de dangereuses contusions. Le comte de Merci, ambassadeur de l’Empire, eut sept cents carreaux de vitres cassés à son château de sa terre de Chenevière, à quatre lieues de Versailles.

« Cet orage se passa sous les yeux du roi et de Monsieur qui étaient à Rambouillet. Sa majesté connaissant toute la perte que faisaient les Français dans les différentes provinces par où l’orage destructeur avait passé, fit rendre un arrêt en son conseil d’État, daté du 26 juillet, pour une création d’une loterie de douze millions en faveur des provinces dévastées et ravagées par cette grêle. Cet orage, avant d’arriver à Paris, avait ruiné le Poitou, la Touraine, la Beauce, le pays Chartrain, avait continué sa route à travers l’Ile-de-France, la Picardie et la Flandre. » Messier a résumé ainsi l’essentiel. Il ajoute que la mémoire de cette grêle se perpétuera longtemps « dans les provinces qu’elle a dévastées, ruinées et ravagées ».

Dans l’après-midi du 13 la température à Paris est de 20°C (13° de moins que la veille). Le vent a tourné à l’Ouest. Par suite des dégâts généralisés durant cette mémorable journée du 13 juillet 1788, l’Académie des sciences charge Leroy, Tessier et Buache de « rassembler tous les faits, les détails et les circonstances de cette journée et de dresser une carte qui accompagnera leur rapport ». Tessier publie un premier rapport (Mémoire sur l’orage du dimanche 13 juillet 1788). Il était le 13 juillet à Audonville (au sud d’Étampes).

Son récit, dont voici les grandes lignes, concorde avec la relation de Messier : vers 8 h (du matin) une nuée parut dans le Sud au bas de l’horizon. Elle était très noire, ayant une partie blanc-jaune, comme toutes les nuées à grêle. Cette nuée avance, précédée d’un coup de vent faisant un bruit considérable « pareil à celui de plusieurs carrosses roulant sur le pavé ». La grêle tombe pendant 7 à 8 minutes, temps suffisant pour perdre toute la récolte. En cassant les vitres, rapporte Tessier, « la grêle entrait jusqu’au fond des appartements et répandait le verre pulvérisé ». Il avait mesuré à 15 h, le 12 : 34,5°C), mais oublie — avec les malheurs de la grêle — de relever la température après l’orage. Il note seulement que le temps se rafraîchit.

Il s’avère difficile de formuler une estimation très précise au diamètre des divers grêlons, mais les précautions prises par les auteurs montrent qu’ils ont vérifié soigneusement les observations puisque dans le mémoire définitif on peut lire : « Suivant les papiers publics et surtout le journal de Paris, il y en avait qui pesaient de 8 à 10 livres — 1 livre équivaut à 489,5 grammes. Quelques observations évoquent des grêlons monstrueux. Nous sommes bien éloignés d’adopter ces assertions exagérées ».

Messier parle de « grêle d’une énorme grosseur » et rapporte « qu’il se trouva des grêlons qui pesaient plus de 5 quarterons », soit plus de 600 grammes. Tessier relate qu’à Rambouillet tombèrent des grêlons « gros comme le poing » et que six heures après la grêle, on ramassait encore des grêlons de plus d’un pouce de diamètre — 1 pouce équivaut à 2,707 cm. À Audonville, Tessier a observé lui-même les grêlons qu’il classe en 3 catégories : des grêlons parfaitement sphériques et blanc opaque de 12 à 14 lignes de diamètre — 1 ligne équivaut à 0,225 cm ; des grêlons irréguliers et transparents comme des cristaux groupés et anguleux, les plus nombreux, certains couvraient un écu de 6 livres ; des grêlons transparents semblables à des « stalactites plus ou moins branchues, certains ayant 2,5 pouces de longueur sur un diamètre de 6 à 8 lignes. Ces grêlons « étaient lancés avec une telle force qu’ils rebondissaient comme une balle de paume ».

Selon le rapport, « les moments qui précédèrent l’orage furent remarquables par plusieurs phénomènes, surtout par un bruissement considérable et par une obscurité extraordinaire. Le bruissement, occasionné par la chute des grêlons qui se choquaient les uns les autres et frappaient fortement la terre à quelque distance du lieu où on les entendait, était véritablement effrayant et inspirait un sentiment de peine et de terreur involontaire. L’obscurité, due à la couleur noire de la nuée et à son peu d’élévation au-dessus de la terre, était telle qu’on ne pouvait ni lire ni écrire sans lumière dans les appartements, quoique le jour fût avancé. Elle a été sensible même dans les lieux éloignés de ceux où il a grêlé. Cette obscurité pouvait se comparer à celle d’une éclipse centrale de soleil. On assure que des bêtes à cornes et des bêtes à laines ont été victimes. Les lièvres, les lapins, les perdrix, les faisans, les pigeons et autres oiseaux, surpris par l’orage, ont été tués ou estropiés. Des églises, des maisons, des granges, des hangars ont été renversés ou découverts ; un moulin a été porté à 30 pieds de son assiette. La commission d’enquête a évalué la perte totale à la somme de 24 962 093 livres tournois, supportée par 1039 paroisses. »

L'orage, par Henry Monnier et Pierre-Jean de Béranger. Lithographie de 1828
L’orage, par Henry Monnier et Pierre-Jean de Béranger. Lithographie de 1828

Notons qu’avant les orages de 1788, on peut retrouver quelques chutes de grêle spectaculaires. La liste ci-dessous est extraite de l’Histoire naturelle de l’air et des météores de l’abbé Richard, et du Journal de Verdun : 882 : grosse grêle dont les grains anguleux et inégaux étaient gros et d’un diamètre qu’embrassaient à peine le pouce et le doigt médius ; 1640 : grêle à Rome comme des œufs de poule ; 1693 : grains de glace d’un pouce de diamètre ; 1703 : dans le Perche, grêlons gros comme le poing ; 1708 : en Lorraine, grêlons de 3 livres ; 1717 : hommes et bestiaux tués par des grêlons (Journal de Verdun) ; 1718 : idem à Cologne, en Bourgogne et Barrois ; 1726 : grêlons de 15 lignes d’épaisseur à Châteaudun ; 1731 : grêlons de 2 livres en Moravie, qui tuèrent 52 personnes ; 1738 : à Northans, en Thuringe, grêlons comme des œufs d’oie ; 1751 et 1752 : grêle extraordinaire qui assomme les troupeaux ; 1752 : grêlons de 4 à 5 livres en Dordogne ; 1753 : grêlons de 24 lignes de longueur, 14 d’épaisseur et 18 de largeur ; d’autres de 3 pouces en tous sens ; d’autres d’un poids de 6 onces ; à Lyon, grêlons pesant plus d’une livre ; 1768 : à Saint Gilles, en Bas-Poitou, grêlons de 2 pouces de longueur sur un pouce d’épaisseur ; dans le Maine, glaçons d’une demi-livre jusqu’à 2 livres ; 1769 : Sézanne en Brie : grêlons comme des noix.

Dans leur mémoire définitif, les trois académiciens soulignent les précautions à prendre pour bien juger la grosseur et le poids des grêlons : « il faut les mesurer et les peser à l’instant même où ils viennent de tomber parce qu’alors ils sont isolés et ne sont point soudés plusieurs ensemble ». Ils n’ont donc retenu que les observations précises. Ainsi, au château de Vincennes, près de Paris, il était tombé dans le salon de Msup>me de Gaville des grêlons qui en fit aussitôt prendre la mesure sur un papier : près de 3 pouces de diamètre.

Près de Soissons, Duperron, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, mesura les trous imprimés sur les jachères : beaucoup mesuraient 3 pouces de diamètre. À Rambouillet, plusieurs carreaux étaient percés de trous de 2 à 3 pouces de diamètre. En de nombreux endroits, le diamètre maximal noté le plus fréquemment est 3 pouces, soit 8 cm, ce qui suggère un poids unitaire de 250 à 300 grammes.

Ces grêlons de 8 cm de diamètre ne sont pas invraisemblables. On ne connaît d’ailleurs pas la taille limite d’un grêlon. Rappelons quelques grêlons dont le poids fut mesuré : grêlon de 972 grammes à Strasbourg le 11 août 1958 ; grêlon de 1,9 kg dans le Kazakhstan en 1959. Plus récemment, le Birmingham Evening Mail du 10 décembre 1980 publiait la photographie de Melle K. Anderson tenant entre ses mains un grêlon sphérique de 9,5 cm de diamètre pesant 626 grammes.

Ce qui surprend le 13 juillet 1788, c’est l’extension du phénomène. La carte de Buache, fruit d’une enquête menée par les Académiciens ayant reçu les observations et renseignements de plus de 600 paroisses, résume les zones balayées par ce paroxysme. Comme le soulignent les auteurs, les heures exactes furent difficiles à déterminer « par suite des différences des horloges et de l’inattention des observateurs ».

Sans donner la liste complète du passage du phénomène on peut résumer les heures de passage :

Le samedi 12 Juillet : en Angleterre, orages terribles, tonnerre, grêle, etc. Plus de 20 chevaux et vaches tuées. À Greenwich : vitres cassées et un télescope fondu. Plusieurs morts. Meules de foin embrasées. En France, orages et grêle sur le Maine, le Vexin, Normandie (1000 pommiers déracinés près du Havre), plusieurs cantons de Picardie, Eu, Boulogne, Calais.

Le dimanche 13 Juillet : orages à l’île d’Oléron, à La Rochelle et région de Poitiers (aucune heure précisée). Puis : 6h30 en Touraine (Loches, Surboise). 7h00 à Chartres ; 8h00 à Rambouillet ; 8h30 à Pontoise et au Faubourg Saint-Antoine (Paris) ; 9h00 à Clermont-en-Beauvaisis ; 11h00 à Douai ; 12h30 à Courtrai ; 13h30 à Flessingue ; 14h30 à Utrecht.

D’après le Mémoire « la chaîne n ’est pas interrompue de la région de Tours à la Flandre autrichienne » et les auteurs évaluent la surface de la zone grêlée à 650 lieues carrées. Nul doute que la masse congelée accumulée dans les angles situés au vent mit trois jours pour fondre.

Autre fait saillant, le vent très fort : 1000 pommiers déracinés à Montivilliers, une église et trois moulins abattus à Sours (près de Chartres), plus de 1000 arbres abattus ou ravagés dans le Parc de Rambouillet.

Certaines descriptions : toits des bâtiments soulevés, bâtiments et arbres déplacés, plombs et faîtages roulés, enduits des murs enlevés, etc. laissent supposer le passage de trombes. Ce vocable n’est pas utilisé par les auteurs. Il est vrai qu’à cette époque, il s’appliquait surtout à des phénomènes sur mer. La carte de Buache n’en constitue pas moins un essai de schématisation de la propagation d’un paroxysme qui nous semble être le premier effectué, au moins en France.

 
 
Même section >

Suggérer la lecture de cette page
Abonnement à la lettre d'information La France pittoresque

Saisissez votre mail, et appuyez sur OK
pour vous abonner gratuitement
Éphéméride : l'Histoire au jour le jour. Insertion des événements historiques sur votre site

Vos réactions

Prolongez votre voyage dans le temps avec notre
encyclopédie consacrée à l'Histoire de France
 
Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne !