26 juin 1683 : bombardement d'Alger

Le bombardement d’Alger avec une flotte avait toujours paru impraticable ; car on n’imaginait pas que des mortiers pussent n’être pas placés à terre et se passer d’une assiette solide. Un jeune honnie nominé Renau, dont Colbert avait deviné le mérite, et qu’il avait plusieurs fois admis au conseil de la marine, même en présence du roi, proposa de construire des galiotes à bombes. Il eut bien des contradictions, bien des railleries à essuyer de la part, ou de ceux qui ne le comprenaient pas, ou de ceux qui lui portaient envie ; mais Louis XIV donna gain de cause au talent que la conviction et la conscience de ses forces rendaient éloquent.

Renau fit construire cinq bâtiments, moins grands que les vaisseaux ordinaires, plus forts de bois, sans ponts, avec un faux tillac à fond de cale, où l’on façonna des creux pour recevoir des mortiers. Il mit à la voile avec cet équipage sous le commandement du célèbre Duquesne, qui s’honora dans cette circonstance en aidant de son crédit et de ses lumières le jeune émule de ses exploits. Le premier bombardement eut lieu le 30 août 1682, et une partie d’Alger s’abîma dans les flammes. Mais le résultat ne répondit point à la grandeur des frais de l’expédition, et l’on prétend qu’ayant appris ce qu’elle avait coûté, le dey dit que Louis XIV n’avait qu’à lui en donner la moitié, et qu’il aurait brûlé la ville tout entière. Bombardée de nouveau les 26 et 27 juin 1683, Alger fut écrasée et réduite en cendres.

De quelque perfectionnement que fussent susceptibles les bâtiments de Renau, sous le rapport de l’ajustement des bombes, de la manœuvre, de la résistance en cas d’attaque, et quoi qu’on ait pu dire sur les frais de ces armements, ils n’en ont pas moins conduit au but que l’on voulait atteindre. Les Algériens firent leurs soumissions, demandèrent la paix par ambassadeur, payèrent une contribution au vainqueur, et rendirent les esclaves de toutes les nations.

On ne sait si, malgré les progrès de la science et l’accroissement de ses forces maritimes, la France ne s’imposerait pas aujourd’hui de plus grandes dépenses pour achever beaucoup moins glorieusement, tant un peuple peut éprouver de dommage dans ses intérêts et dans son honneur par la faute des ministres qui président à ses destinées.