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26 juin 1794 : première utilisation d'un ballon de renseignement sur les mouvements de l'ennemi lors de la bataille de Fleurus

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
26 juin 1794 : première utilisation d’un ballon
de renseignement militaire, lors de
la bataille de Fleurus
(D’après « Les ballons et les voyages aériens », paru en 1867)
Publié / Mis à jour le mardi 26 juin 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
A peine les premières ascensions avaient-elles étonné le monde en révélant un nouveau domaine à la conquête scientifique du génie que les esprits chercheurs se mirent à bâtir sur cette nouvelle conquête mille applications directement utiles aux usages de l’homme, notamment la mise en œuvre de postes aériens d’observation, qui eut lieu pour la première fois lors de la bataille de Fleurus le 26 juin 1794, le jeune Coutelle, chargé de cette expédition, témoignant

Le premier aspect qui domina dans l’ère de l’aérostation, fut celui de l’utilité pratique. Si l’on se reporte aux préoccupations de l’époque et aux graves événements qui pesaient sur la destinée de la France, on comprendra que le Comité de salut public ait songé à appliquer les aérostats à l’observation des forces et des manœuvres des troupes ennemies. En 1794, on mit ce moyen au service des armées françaises et l’on créa à cet effet deux compagnies d’aérostiers. Le commandement de l’une de ces compagnies fut donné au capitaine Coutelle, jeune physicien d’un grand talent, qui rendit de mémorables services pendant la bataille de Fleurus.

Le ballon de Coutelle à la bataille de Fleurus

Le ballon de Coutelle à la bataille de Fleurus

Les globes aérostatiques étaient maintenus captifs au moyen de cordes à une hauteur convenable dans l’atmosphère : c’était des postes aériens d’observation. Placé dans la nacelle, le capitaine transmettait ses ordres aux aérostiers au moyen de drapeaux de différentes couleurs. Le jeune Coutelle, chargé de cette expédition, devenu plus tard colonel, a donné de ses opérations un récit pittoresque et animé : il s’agit des armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin. Voici cette relation, l’une des pages intéressantes de notre histoire scientifique et militaire.

Le Comité de salut public avait réuni auprès de lui une commission de savants parmi lesquels on comptait Monge, Berthollet, Guyton de Morveau, Fourcroy, Carnot, etc. Guyton proposa de faire servir l’aérostat aux armées, comme moyen d’observation. Cette proposition fut acceptée par le gouvernement, sous la condition de ne pas employer l’acide sulfurique, le soufre étant nécessaire à la fabrication de la poudre ; la commission arrêta alors d’employer la décomposition de l’eau. Cette expérience, faite par le célèbre Lavoisier, et répétée dans nos cabinets, n’avait pu donner que de faibles résultats ; une expérience en grand était nécessaire : il fallait pouvoir extraire 12 à 15 000 pieds cubes de gaz dans l’espace de temps le plus court.

L’expérience réussit ; Coutelle retira 5 à 600 pieds cubes de gaz. Les membres de la commission, qui avaient été témoins de l’opération, furent si satisfaits, que dès le lendemain il reçut l’ordre d’aller en poste à Maubeuge proposer au général Jourdan l’emploi d’un aérostat à son armée. Le représentant auquel il devait présenter son ordre ne comprit d’abord ni sa mission ni l’ordre du Comité de salut public, encore moins un aérostat au milieu d’un camp : il le menaça de le faire fusiller avant de l’entendre, comme suspect ; il finit pourtant par se radoucir, et lui fit des compliments sur son dévouement.

« L’armée était à Beaumont, dit Coutelle, six lieues au delà de Maubeuge ; l’ennemi, à moins d’une lieue de distance, pouvait attaquer à chaque instant. Le général me fit cette observation, qu’il m’engagea à porter au Comité. J’arrivai à Paris après avoir passé deux jours et demi et deux nuits à cette expédition. La commission sentit alors la nécessité de faire l’expérience entière avec un aérostat propre à élever deux personnes, et le ministre mit à ma disposition le jardin et le petit château de Meudon. Plusieurs des membres de la commission vinrent présider à la première expérience d’une ascension au moyen d’un ballon tenu par deux cordes.

« Les commissaires m’engagèrent à me placer dans la nacelle et me donnèrent une suite de signaux à répéter et d’observations à faire. Je me fis élever successivement de toute la longueur des cordes, deux cent soixante-dix toises : j’étais alors à 350 toises environ au-dessus du niveau de la Seine : je distinguais parfaitement, avec une lunette, les sept coudes de la rivière jusqu’à Meulan. Rappelé à terre, je reçus des compliments des membres de la commission, auxquels je ne dissimulai pas l’impression que pouvait éprouver celui qui, pour la première fois, se trouverait ainsi isolé à une plus ou moins grande distance de la terre, et je leur fis sentir la nécessité d’être toujours deux, c’est-à-dire une personne avec celle qui est à la tête de toutes les opérations.

« Arrivé à Maubeuge, mon premier soin fut de chercher un emplacement, de construire mon fourneau, de faire les provisions de combustible, et de tout disposer en attendant l’arrivée de l’aérostat et des appareils qui avaient servi à ma première expérience de Meudon. Les différents corps de l’armée ne savaient de quel œil regarder des soldats qui n’étaient pas encore sur l’état militaire, et dont le service ne leur était pas connu. Le général qui commandait à Maubeuge ordonna une sortie contre les Autrichiens, retranchés à une portée de canon de la place. Je lui demandai à être employé avec ma petite troupe dans cette attaque. Deux des miens furent grièvement blessés ; le sous-lieutenant reçut une balle morte dans la poitrine. Nous rentrâmes dans la place au rang des soldats de l’armée.

« Chaque jour nous trouvions des différences sensibles, soit dans les travaux que l’ennemi avait faits pendant la nuit, soit dans ses forces apparentes. Le cinquième jour, une pièce de 17, embusquée dans un ravin à demi-portée de canon, tira sur le ballon aussitôt qu’il fut aperçu au-dessus des remparts : le boulet passa par-dessus ; un second coup fut bientôt préparé ; je voyais charger et mettre le feu à la pièce : le boulet, cette fois, passa si près que je crus l’aérostat percé. Au troisième coup, le boulet passa dessous. Tous traversaient la ville et allaient tomber au milieu du camp retranché (j’avais avec moi un aérostier qui avait longtemps servi d’observateur à la tour, et que j’avais enrôlé dans ma compagnie). Lorsque j’eus donné le signal de nous ramener à terre, ma troupe mit une telle activité pour m’y faire arriver que la pièce ne put tirer que deux coups. Le lendemain matin, la pièce n’était plus en position.

« L’expérience m’avait appris ce qu’il me fallait de force et d’adresse pour résister au vent ou pour se mettre en garde contre ses atteintes imprévues : j’employai la nuit à disposer vingt cordes autour de l’équateur du filet, que je rendis solides par des attaches très rapprochées et des coulants ; chaque aérostier devait porter sa corde, la fixer et la détacher au premier signal : la nacelle se suspendait et se détachait de la même manière : nous pûmes sortir de la place et passer près des vedettes ennemies à la pointe du jour.

« Je voyageais avec le ballon à une élévation suffisante pour que la cavalerie et les équipages militaires pussent passer sous la nacelle ; les aérostiers qui tenaient les cordes marchaient sur les deux bords de la route. La nacelle portait les deux cordes d’ascension, une grande toile qui servait aussi à contenir le ballon sur terre pendant la nuit, pour abattre le ballon, lorsque le vent était trop fort ; des piquets, des masses et des pioches avec les sacs et les signaux. Le ballon pouvait enlever 500 livres ; mais le plus faible excès de légèreté suffisait pour s’élever dans le calme : alors je portais dans ma nacelle des sacs de sable de 10 et 20 livres, dont je diminuais le nombre, suivant la force du vent, ou que je vidais, si des coups de vent me surprenaient. A Maubeuge, un coup de vent imprévu me portait sur la pointe d’un clocher ; un sac de 20 livres que je jetai brusquement me fit relever.

« A trois heures de l’après-midi (l’attaque avait commencé à trois heures et demie du matin), le général Jourdan me donna l’ordre de m’élever et d’observer un point sur lequel il me fit donner une note. Pendant que j’observais avec un officier de ma compagnie (le général n’avait point d’officier d’état-major disponible), un bataillon qu’on faisait porter sur un autre point par le chemin le plus court, passa sous mes cordes ; j’entendis plusieurs voix qui répétaient avec humeur qu’on les faisait battre en retraite ; je distinguai parfaitement la voix de l’un d’eux, qui leur dit : Si nous battions en retraite, le ballon ne serait pas là.

La bataille de Fleurus. Peinture de Jean-Baptiste Mauzaisse (1837)

La bataille de Fleurus. Peinture de Jean-Baptiste Mauzaisse (1837)

« Plusieurs officiers autrichiens qui étaient à la bataille de Fleuras m’ont assuré, lorsqu’ils étaient en France, qu’il a été tiré sur nous plusieurs coups de carabine. Après quelques autres reconnaissances, nous suivîmes les mouvements de l’armée. Nous étions près des hauteurs de Namur, lorsqu’un coup de vent, que nous n’avions pu prévoir, porta le ballon sur un arbre qui le fendit dans sa partie supérieure ; dans un instant il fut vidé. Les généraux autrichiens et les officiers de leur armée ne cessaient pas d’admirer cette manière de les observer, qu’ils appelaient aussi savante que hardie. J’en ai reçu les témoignages les plus honorables, toutes les fois que je me suis trouvé avec eux : Il n’y a que les Français capables d’imaginer et d’exécuter une pareille surprise, m’ont-ils répété, lorsque je leur ai dit qu’ils pouvaient en faire autant.

« Je reçus l’ordre de faire une reconnaissance sur Mayence ; je me postai entre nos lignes et la place, à une demi-portée de canon : le vent était fort ; et pour lui opposer plus de résistance, je montai seul avec plus de 200 livres d’excès de légèreté. J’étais à plus de 1 500 toises d’élévation, lorsque trois bourrasques successives me rabattirent à terre, avec une si grande force, que plusieurs des barreaux qui soutenaient le fond de la nacelle furent brisés. Chaque fois le ballon s’élevait avec une telle vitesse, que 64 personnes, 32 à chaque corde, étaient entraînées à une grande distance. Si les cordes avaient été fixées à des grappins, ainsi qu’on me l’avait proposé, il n’y a pas de doute qu’elles n’eussent été cassées ou que le filet n’eût été rompu.

« L’ennemi ne tira point : cinq généraux sortirent de la place en élevant des mouchoirs blancs sur leur chapeau ; nos généraux, que j’en prévins, allèrent au-devant d’eux. Lorsqu’ils se furent rencontrés, le général qui commande la place, dit au général français : Monsieur le général, je vous demande en grâce de faire descendre ce brave officier ; le vent va le faire périr ; il ne faut pas qu’il soit victime d’un accident étranger à la guerre : c’est moi qui ai fait tirer sur lui à Maubeuge. Le vent se calma un peu ; alors je pus compter à la vue simple les pièces de canon sur les remparts, ainsi que toutes les personnes qui marchaient dans les rues et sur les places.

« Généralement, les soldats ennemis, qui tous voyaient un observateur plonger sur eux et prendre des notes, étaient persuadés qu’ils ne pouvaient pas faire un mouvement sans être remarqués ; nos soldats étaient de la même opinion et trouvaient dans les observateurs un genre de bravoure nouveau qui excitait leur admiration et leur confiance. Dans nos marches, toujours pénibles, la surveillance continuelle ne permettant pas à aucun aérostier de quitter la corde qui retenait le ballon, il nous est arrivé de trouver sur notre passage des rafraîchissements préparés pour nous ; souvent aussi des soldats des troupes légères nous apportaient du vin.

« Nous étions campés sur les bords du Rhin, devant Manheim, lorsque le général qui nous commandait, m’envoya en parlementaire sur l’autre rive. Aussitôt que les officiers autrichiens eurent appris que je commandais l’aérostat, je fus accablé de questions et de compliments : un officier qui avait passé le fleuve avec moi, observa que si mes cordes cassaient je pourrais être exposé en tombant dans le camp ennemi. Monsieur l’ingénieur aérien, répondit un officier supérieur, les Autrichiens savent honorer les talents et la bravoure, vous seriez traité avec distinction. C’est moi qui vous ai aperçu et signalé le premier, pendant la bataille de Fleurus, au prince Cobourg, dont je suis l’aide de camp.

« Si le balancement qu’on éprouve, et qui est plus ou moins grand, suivant la force du vent, est souvent un obstacle lorsqu’on est obligé de se servir de lunette (excepté dans les très grands vents je m’étais accoutumé à m’en servir), je dois faire observer que le plus souvent on distingue à la vue simple les différents mouvements des corps d’infanterie, de cavalerie, d’artillerie et leurs parcs ; à Maubeuge, devant Mayence et Manheim, je pouvais compter les pièces de canon dans les redoutes et sur les remparts, à la vue simple. Ce qui cause une impression à laquelle on a besoin de s’accoutumer, c’est le bruit que le ballon fait lorsqu’il est comprimé par les coups de vents répétés ; il s’y forme une concavité plus ou moins grande suivant la force du vent. Lorsque le coup de vent a passé, le ballon reprend sa forme, par l’élasticité du gaz qui était comprimé, avec une telle vitesse que le bruit ou coup de vent du taffetas se fait entendre à une grande distance ; ce qui ferait craindre sa rupture s’il n’était pas contenu par le filet. Du reste, cet accident ne m’est jamais arrivé, quoique je me sois souvent servi d’un ballon dont le taffetas avait perdu presque toute sa force.

« Pendant que j’étais à 150 toises d’élévation pour une reconnaissance sur les bords du Rhin, un frisson épouvantable me força pour la première fois de m’asseoir dans ma nacelle ; il fut suivi d’une fièvre violente qui me mit aux portes du tombeau à Frankental, où j’avais fait un établissement. Mon lieutenant prit le commandement de ma compagnie et passa le Rhin : dans la première nuit son ballon fut criblé de chevrotines et mis hors de service.

« Celui que conduisait le capitaine L’homond fut également percé de plusieurs balles près de Francfort. Cette compagnie fut prisonnière de guerre à Wurtzbourg, en Franconie, et fit ensuite partie de l’expédition d’Egypte. Forcé de prendre un congé, j’étais à peine en convalescence, lorsque je rentrai à Paris. Je fus élevé, en arrivant, au grade de chef de bataillon, et je repris la suite de mes travaux à Meudon. »

 
 
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