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Projets de paix perpétuelle. Arbitrage des conflits internationaux. Ancêtres de l'ONU, force armée internationale

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L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Ancêtres de l’ONU : projets d’arbitrage
des conflits internationaux à travers les âges
(D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1936)
Publié / Mis à jour le dimanche 8 janvier 2017, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Idée chimérique traversant les siècles et les esprits, l’arbitrage international des conflits en vue d’obtenir la paix perpétuelle par le biais d’une structure dont les décisions, en vertu de ce que l’on désigne aujourd’hui comme le droit d’ingérence, s’imposeraient à tous les peuples de la terre, fait déjà l’objet d’un mémoire proposé au XIVe siècle par un avocat de Coutances, Henri IV étant toutefois le premier à imaginer la mise en œuvre d’une force armée soumettant tout État réfractaire...

Il n’y a pas moins de trois mille cinq cents ans que les peuples de la Grèce tentèrent d’établir entre eux la première « Société des Nations ». Amphictyon, fils de Deucalion, qui vivait, disent les historiens antiques, au XVIe siècle avant J.-C., fut l’initiateur de Conseils d’arbitrage établis en vue de régler pacifiquement tous les conflits qui pouvaient s’élever entre peuples voisins, et de prononcer équitablement sur leurs différends.

Malheureusement, les jugements de ces tribunaux — de ces « Amphictyonies », ainsi appelées du nom de leur créateur — étaient dépourvus de toute sanction efficace. Ils se contentaient de vouer à la colère des dieux la nation qui ne consentait pas à s’incliner devant la sentence prononcée contre elle. Arme bien faible que celle-là. C’est pourquoi Démosthène comparait à des « ombres » ces « Amphictyonies », dont les jugements, faute de sanctions énergiques, étaient... comme s’ils n’étaient pas.

Conférence internationale du désarmement de Genève (1932)

Conférence internationale du désarmement de Genève (1932)

L’avocat de Coutances
Il nous faut faire un bond jusqu’au XIVe siècle de notre ère pour voir renaître l’idée de la paix perpétuelle et universelle et le projet d’une Société des Nations. L’auteur en était un avocat de Coutances nommé Pierre Dubois. Député aux Etats généraux de 1313, il rédigea un long mémoire qu’il présenta à Philippe le Bel et dans lequel il proposait ses combinaisons politiques, judiciaires et autres pour assurer l’entente entre les peuples par l’établissement d’un Congrès de la Paix.

Vemitch, qui fut naguère ministre de Serbie à Paris, exhuma le mémoire de ce pacifiste de la première heure. Il écrivit à ce sujet : « Les siècles ont pu changer des détails dans les idées de Pierre Dubois, mais les grandes lignes sont restées debout : certaines dispositions sur l’arbitrage international et sa procédure, arrêtées par les conférences de La Haye, rappellent les projets de ce publiciste du XIVe siècle, presque textuellement. » Mais ce novateur était venu trop tôt : ses idées, sur la réalisation desquelles il ne se faisait pas d’illusions, puisqu’il les avait intitulées : Rêves d’un Homme de bien, demeurèrent à l’état de rêve.

Ce fut, au cours des siècles, le défaut commun à toutes les entreprises en faveur de la paix universelle : leurs auteurs étaient de purs théoriciens, des rêveurs qui se contentaient de caresser leur chimère et d’annoncer l’avènement de la paix dans le monde sans se préoccuper des moyens pratiques d’assurer cette paix générale sur laquelle ils philosophaient à perte de vue et sans résultat. Un seul véritable ami de la paix conçut dans le passé un projet pratique et sensé en vue de l’établir sur une hase solide ; et celui-là n’était pas un philosophe : c’était un esprit réaliste autant que généreux. Pour tout dire. ce n’était autre que le plus populaire de nos rois, Henri IV.

Le projet d’Henri IV
Le premier projet sérieux d’organisation internationale pour la paix fut son œuvre et celle de son grand ministre Sully. Et c’est grand dommage que le poignard de Ravaillac n’ait point laissé au Béarnais le loisir d’en tenter la réalisation, car ce projet ne péchait pas, comme tous ceux qui vinrent avant et nombre de ceux qui vinrent après lui, par manque de sens pratique. II s’agissait d’une « grande République chrétienne », qui devait se réaliser par l’union d’une douzaine d’États d’Europe et la constitution d’un grand tribunal international chargé de résoudre tous les conflits entre ces états.

Mais voici par où le projet d’Henri IV différait de tout ce qu’on avait tenté précédemment et de tout ce qu’on tenta longtemps par la suite dans ce sens : le roi, qui était tout le contraire d’un esprit chimérique, pensait que jamais la force morale ne serait suffisante pour assurer le respect des verdicts rendus par ce tribunal. Et il entendait que ses décisions fussent appuyées par une force matérielle capable de contraindre tout Etat réfractaire à se soumettre aux délibérations prises à la majorité dudit tribunal. Son pacifisme était donc un pacifisme armé, reposant sur l’observation pragmatique voulant que « la force prime le droit ».

Le « nouveau Cynée »
La question de la paix perpétuelle et universelle devait rester longtemps encore dans le domaine du rêve. Mais, pourtant, elle ne laissait pas de préoccuper de temps en temps de généreux esprits. Un écrivain français, nommé Eméric de la Croix, lui consacrait, au début du XVIIe siècle, tout un livre, Le Nouveau Cynée, discours des occasions e’t moyens d’établir une paix générale.

C’est un curieux ouvrage, plein de vues d’avenir, qui vaudrait d’être remis au jour. « Tant pis, dit en commençant l’auteur, si les guerriers m’appellent par mépris homme de plume et d’écritoire, je propose une chose non seulement possible, mais de laquelle les anciens ont eu l’expérience. Sous l’empire d’Auguste, toutes les nations étaient pacifiées. Qui nous empêche d’espérer un bien dont les siècles passés ont joui ? le crois qu’il n’y a rien de si facile que cette affaire, si les princes chrétiens la veulent entreprendre. Il ne faut pas dire que les propositions qui se font de la paix universelle sont chimériques... »

Le Nouveau Cynée, publié en 1623, peut être considéré comme le premier bréviaire du pacifisme universel. On y retrouve l’écho des idées que, vingt ans auparavant, Henri IV avait projeté de réaliser. Eméric de la Croix n’y prévoit pas seulement l’universalité de la paix, il veut en assurer la perpétuité ; et le projet de la Société des Nations est, tout au long, exposé dans son livre :

Conférence internationale du désarmement de Genève (1932)

Conférence internationale du désarmement de Genève (1932)

« Pour que les dissidences entre les chefs ne deviennent pas des causes de guerre toujours nouvelles, il serait nécessaire de choisir une ville où tous les souverains eussent perpétuellement leurs ambassadeurs, afin que les différends qui pourraient survenir fussent vidés par le jugement de toute l’assemblée ». Et il proposait Venise, comme centre de tous les Etats européens, pour siège de ce Congrès perpétuel.

Tous les problèmes connexes à la grande idée de la paix universelle sont étudiés par lui, et il propose pour chacun d’eux des solutions pleines de sagesse. Pour remplacer ces milices vénales, ces hordes d’aventuriers et de lansquenets qui sont, à cette époque, au service du plus offrant, il propose de créer des armées régulières rétribuées au moyen de l’impôt. Il demande protection pour le commerce et l’industrie, demande qu’on diminue les taxes sur le négoce, surtout, dit-il, « pour le fait des marchandises nécessaires à la vie, comme blé, vin, sel, chair, poissons, laine, toile et cuirs, afin que les marchands y trafiquent plus librement et que le peuple les ait à meilleur prix... »

Creuser des canaux, établir des grandes routes, faciliter l’échange en multipliant les voies, tel doit être, à son avis, le principal soin de l’Administration publique. Et, sur ce point, l’auteur ne se contente pas de formuler des principes ; il propose un canal de l’océan à la Méditerranée, « en tirant une tranchée de l’Aude jusques à la Reige, qui se mêle avec la Garonne ». C’est le « canal des Deux mers », dont Riquet devait tenter plus tard la réalisation. Il veut encore qu`on réduise les pirates barbaresques, qu’on fasse la conquête d’Alger et qu’on établisse sur la côte d’Afrique une colonie de marchands européens. Projet qui ne sera entrepris que deux cents ans plus tard.

Bref, ce théoricien de la paix universelle n’est pas du tout, comme la plupart de ceux que la même idée a hantés, un utopiste. C’est un esprit réalisateur ; et l’on peut s’étonner à bon droit que Le Nouveau Cynée et son auteur soient ainsi tombés dans l’oubli.

Après Eméric de la Croix un peut citer encore Grotius, le grand juriste hollandais qui, dans son célèbre ouvrage : Le Droit de la Guerre et de la Paix, expose le plan d’une loi universelle des nations, fondée sur l’accord du genre humain. Puis, en 1693, William Penn qui, à Londres, reprend dans son Essai sur la Paix présente et future de l’Europe, le projet d’Henri IV.

L’abbé de Saint-Pierre
Et voici vingt ans plus tard, le plus célèbre des prophètes de la paix universelle, le bon abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre qui, bafoué par ses contemporains, et longtemps oublié, lui aussi, eut enfin sa revanche lorsqu’on lui éleva, dans les années 1930, un monument dans son pays natal. Ce brave abbé. qui n’excita que les railleries des gens de son époque, fut, par la nôtre, coulé en bronze. Ainsi va le monde. Tel qu’on a tenu pour un sot de son vivant sera, dans l’avenir considéré comme un grand génie quand l’évolution des idées aura marché.

A la vérité, l’abbé de Saint-Pierre n’était ni l’un ni l’autre : c’était un digne homme qui avait lu certainement Le Nouveau Cynée, d’Eméric de la Croix et qui, dans la sincérité de son âme, croyait à l’amélioration possible de l’espèce humaine. Saint Simon disait de lui : « Il avait de l’esprit, des lettres et des chimères. » Il avait surtout une chimère, cella de faire régner la paix dans le monde. Au lendemain des grandes guerres de Louis XIV, l’abbé, ayant accompagné le cardinal de Polignac au Congrès d’Utrecht, conçut là l’idée de son Projet de Paix perpétuelle. L’année suivante, il publiait son œuvre tendant à la création d’un Sénat ou tribunal arbitral européen qui réglerait toutes les difficultés entre les peuples sans effusion de sang.

Cela fait, il s’en fut trouver les ministres avec l’espoir de leur faire adopter ses projets. Le pauvre pacifiste fut assez mal accueilli : « Vous avez oublié un article essentiel, lui dit le cardinal Fleury, alors Premier Ministre, celui d’envoyer des missionnaires pour toucher le cœur des princes et leur persuader d’entrer dans vos vues ». Le cardinal Dubois ne le prit pas plus au sérieux. Il se contenta de dire de son ouvrage : « Ce sont les rêves d’un homme de bien ».

Cependant, le bon abbé ne se décourageait pas. Il avait conscience d’avoir fait une grande œuvre, et il le proclamait avec un naïf orgueil : « Jamais, écrivait-il, projet plus beau ni plus utile n’occupa l’esprit humain, jamais auteur ne mérita mieux l’attention du public ».

Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre

Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre

Mais le public se moquait bien de ces « billevesées ». La paix perpétuelle et universelle, quelle utopie !... Les généreux projets de l’abbé de Saint-Pierre n’excitèrent que des moqueries. Alors, le doux pacifiste se consola en cultivant son idée fixe pour sa joie intime et personnelle. « Je vais voir du moins en pensée, écrit-il, les hommes s’unir et s’aimer ; je vais songer à une douce et paisible société de frères vivants dans une concorde éternelle ; et, réalisant en moi-même un tableau si touchant, l’image d’une félicité qui n’est point m’en fera goûter quelques instants une véritable... » Plus de deux siècles passèrent alors, et il fallut des tueries pour qu’on la prît enfin au sérieux la chimère du bon abbé.

Depuis le début du XIXe siècle
L’idée pacifiste, cependant, poursuivait son chemin. A la fin du XVIIIe siècle, Kant proposait à son tour la substitution de l’arbitrage à la guerre pour le règlement des conflits internationaux. Mais tout cela s’exprimait uniquement en développements philosophiques. Aucune tentative n’était faite peur donner corps à la chimère. Les hommes de la Révolution. pourtant, essayèrent d’en faire une réalité. Le 15 mai 1790, l’Assemblée Constituante déclare que « la nation française, contente d’être libre, ne veut s’engager dans aucune guerre et veut vivre avec toutes les nations dans cette fraternité qu’a commandée la Nature ».

Après l’Empire reparaissent les théoriciens de la paix perpétuelle, Fourier, Saint-Simon, annonçant à l’envi l’ « avènement de l’harmonie pacifique de l’humanité ». Dès 1843, les Congrès internationaux de la Paix se succèdent. En 1863, Napoléon III invite les souverains à se réunir pour fonder le tribunal de la Paix... On sait comment l’Allemagne répondit à sa généreuse initiative, en déclenchant successivement les guerres contre le Danemark, contre l’Autriche, contre la France.

Les Congrès, cependant, se multiplient : le Palais de la Paix s’élève à La Haye. Les philosophes, les poètes célèbrent l’idée pacifiste. Lamartine écrit La Marseillaise de la Paix :

Et pourquoi nous haïr et mettre entre les races
Ces bornes ou ces eaux qu’abhorre l’œil de Dieu ?...

« La guerre, proclame Proudhon, est arrivée à la fin de son œuvre... » Et Victor Hugo, au lendemain de l’Année terrible, prophétise : « Nous aurons la République européenne, nous aurons ces grands Etats-Unis d’Europe qui couronneront le vieux monde ».

 
 
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