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Légendes, croyances, superstitions. Fête-Dieu et miracle du saint Sang. Saint-Sacrement, hostie et Eucharistie

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Fête-Dieu instituée par Urbain IV
suite au miracle du saint Sang à Bolsena
(D’après « Collection de précis historiques. Mélanges littéraires
et scientifiques » paru en 1857 et « Les fêtes romaines illustrées » paru en 1867)
Publié / Mis à jour le dimanche 10 juin 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
On ne sait pas très généralement que la France se trouve avoir une certaine part dans l’institution de la Fête-Dieu, à raison de la nationalité des papes qui la sanctionnèrent. C’est notamment sous le nom d’Urbain IV que Jacques Pantaléon décida d’étendre à toute la chrétienté la Fête-Dieu, en 1264, suite au miracle du saint Sang qui se produisit lorsqu’un prêtre allemand rompit l’hostie au cours d’une messe célébrée à Bolsena, non loin d’Orvieto, en Italie.

En 1230, une religieuse de Liège, la bienheureuse julienne de Cornillon eut une vision : le Christ se montra à elle à plusieurs reprises sous les espèces sacramentelles de l’hostie ou du pain, porté en triomphe dans le ciel par les anges et les saints. Cette pompe divine s’imposa à son imagination. Dans toutes ses prières, elle la revoyait passer devant ses yeux. Une telle persistance finit par lui paraître une injonction céleste d’avoir à instituer sur la terre quelque chose d’analogue. Elle en parla à son confesseur, qui en référa avec empressement à Rome, et au bout de quelque temps, en 1246, la première procession du Saint-Sacrement fut célébrée à Liège, en Belgique, sans toutefois que la nouvelle institution fût classée encore parmi les rites de la catholicité.

Urbain IV

Urbain IV

Mais, quelques années plus tard, une autre religieuse de Liège, nommée Eva, poursuivant la pensée de Julienne de Cornillon, sollicita l’évêque Robert de s’adresser au pape Urbain IV (Jacques Pantaléon de Court-Palais, originaire de Troyes en Champagne), qui avait été archidiacre de son église, pour obtenir de lui qu’il étendît à toute la chrétienté l’usage de fêter dans une procession solennelle la présence réelle du Christ. L’évêque Robert ne demanda pas mieux que de favoriser les vues de sa pieuse paroissienne ; mais il rencontra à Rome quelque hésitation.

Le pape, tout en approuvant sans réserve la fête de Liège en 1262, voulait réfléchir avant de l’imposer comme un rite obligatoire à toutes les Églises de la juridiction romaine. Urbain IV, à ce moment, par suite des troubles politiques qui agitaient la ville de Rome, résidait à Orvieto. Or, il advint qu’à Bolsena, non loin d’Orvieto, un prêtre allemand, célébrant la messe, vit, en rompant l’hostie après la consécration, des gouttes de sang suinter des bords de chaque fragment, fait prodigieux qui sera suivi, quatre siècles plus tard, d’un autre non moins étonnant.

« Quoique la vérité des paroles du Sauveur, dit le Père Bertholet dans son Histoire de l’institution de la Fête-Dieu, et l’autorité infaillible de l’Eglise fussent plus que suffisantes pour engager les chrétiens à croire au mystère si auguste et si salutaire pour eux de l’Eucharistie, Dieu a voulu encore les confirmer dans cette croyance par nombre de prodiges, qu’il a opérés pour faire cesser de leur part tout sujet d’incrédulité ; mais, dans le siècle où nous vivons, c’est-à-dire où un nombre presque infini d’individus sont imbus de maximes de quelques impies modernes, tout écrivain sensé doit se dire ce que se disait autrefois le Père Longueval, dans la préface de son Histoire de l’Église Gallicane :

« Malheur à moi, si, pour me conformer à la délicatesse d’un siècle incrédule, en écrivant l’histoire de l’Église, j’enlevais à l’Église les armes les plus puissantes qu’elle ait pour combattre l’incrédulité ; à la religion, la preuve la plus sensible de sa vérité ; aux saints, le plus n brillant éclat de leur gloire et la marque la plus certaine de leur potin voir auprès de Dieu ; aux fidèles, le témoignage le plus consolant qui justifie leur culte, dans le sein seul duquel ils voient subsister ce don des miracles, à l’exclusion de toutes les sectes. Non, ajoute-t-il, quand je trouverai des miracles attestés par des autorités respectables et souvent irréfragables à tout autre tribunal qu’à celui de l’impiété, je ne craindrai pas de les rapporter. Si je n’ai pas le bonheur n de plaire par là à des hommes incrédules, j’aurai peut-être celui de » les confondre.

« Si le soleil fut arrêté au milieu de sa course, si la verge de Moïse fut changée en serpent, si l’eau fut changée en vin aux noces de Cana, si une multitude de peuple fut nourrie et rassasiée par la multiplication des pains et des poissons, pourquoi ne s’opérerait-il pas encore des prodiges pour confondre l’incrédulité des mécroyants et fortifier les fidèles dans la foi ?

« De tous les écrivains qui attestent qu’il s’est fait des miracles jusqu’à nos jours dans l’Église, il n’en est point qui n’aient été des plus éclairés et des plus sages. »

Plusieurs lettres concernant le miracle de Bolsena ont été écrites aux anciens Bollandistes, en 1693. La première de ces lettres, écrite en latin par le Père de Reux au Père Conrad Janning à Anvers, est datée de Rome, le 2 mai 1693. En voici un extrait :

« Puisque vous recevrez ces lettres avant la Fête-Dieu ou pendant la solennité même, j’ajoute quelques mots sur un nouveau miracle, qui a rapport à la sainte Eucharistie.

« Du temps d’Urbain IV, un prêtre, qui célébrait la sainte messe à Bolsena (Vulsinii), douta de la vérité du saint Sang. Tout à coup, les espèces contenues dans le calice commencent à bouillir et à se répandre par-dessus le bord sur le corporal, qu’elles mouillent de taches rouges. Le Pape se trouvait alors à Orviéto. Il y fit apporter le corporal. On l’y vénère encore actuellement, comme on vénère à Bolsena la pierre d’autel sur laquelle le miracle a eu lieu.

« Or, voici le nouveau prodige :Un Français habitait Bolsena. On ignore s’il était catholique. Ayant obtenu de son maître la permission de partir, on le conduisit pour vénérer la pierre. En la voyant, il lut saisi d’étonnement et ne cessa de crier, quoique les autres ne vissent rien, qu’il voyait debout sur la pierre un enfant d’une très grande beauté. On dit que la chose est certaine. Le cardinal Millini, évêque d’Orviéto, est venu ici ces jours derniers pour en confirmer la vérité. »

Une lettre italienne, écrite de Düsseldorf quelques jours plus tard, le 19 mai 1693, au Père Janning à Anvers, et signée Alberti, contient le même récit.

« En passant par Bolsena. dans le diocèse d’Orviéto, un cavalier français voulut voir le marbre sur lequel se conservent les taches du sang, répandu en abondance par la sainte Hostie que l’on garde à Orviéto avec le célèbre corporal. Ce miracle est connu de tout le monde. Quand on lui fit voir ce marbre, le cavalier y aperçut un enfant plein de beauté et de grâce. Avant de partir, il désira revoir encore le monument ; on le lui montra, et il vit de nouveau l’enfant sur le marbre. Voulant rendre gloire à Dieu, il se rendit à Orviéto et y certifia le tout, en présence de Mgr. le cardinal Millini, évêque de cette ville. C’est lui qui, écrivant d’Orviéto , a raconté le fait tel qu’on me l’a écrit de Rome. »

Détail du Miracle de Bolsena par Raphaël

Détail du Miracle de Bolsena par Raphaël

Une autre lettre, envoyée par le Père de Reux au Père Janning, et datée d’Orviéto, le 19 mai 1693, même jour que la précédente, donne plus de détails. Voici l’extrait.

« A Bolsena se conservent sous un grillage en fer quatre pierres teintes chacune d’une tache de sang. On les montra toutes successivement au Français. En voyant la première et la seconde, il douta du miracle, et tomba dans une grande perplexité ; à la vue de la troisième, il dit au prévôt : Ne voyez-vous pas cet enfant ? On ne vit que la tache de sang. L’étranger s’évanouit, commença à suer et à faire beaucoup de bruit. Le cardinal Millini averti, fit interroger le Français à Orviéto, et alla lui-même avec lui à Bolsena pourvoir si l’enfant était encore visible. D’abord rien ne parut. On pria, et l’on vit un Ecce Homo aussi distinct que possible. Quiconque y va aujourd’hui, ajoute la lettre, le voit aussi distinctement (ed oggi chi vi va, la vede pur distintamente). Il y eut alors un très grand concours, et le Pape fit bâtir une somptueuse chapelle. »

Dans sa lettre d’envoi, datée de Rome, le 23 mai 1693, le Père de Reux écrit ces lignes en confirmation de la vérité :

« Le miracle de Bolsena, dont je vous ai écrit il y a trois semaines, se confirme, et l’on y ajoute des circonstances plus détaillées que vous pouvez voir dans la lettre ci-jointe.

« Un Dominicain inquisiteur, dont j’ignore le nom, a défendu de publier une relation étendue du miracle de Bolsena, parce qu’on y donne à ces gouttes le nom de Sang de Jésus-Christ. Or, c’est un point que plusieurs révoquent en doute. »

Cette défense donnée par le Père Dominicain semble, au premier abord, infirmer la vérité du fait ; mais, au contraire, elle le confirme. En effet, le motif de la défense n’est point la fausseté du miracle, car la défense même en suppose l’existence ; mais c’est la qualification de ces gouttes de sang : « parce que, dit la lettre, on donne à ces gouttes le nom de Sang de Jésus-Christ. » Le doute de plusieurs ne tombe donc pas sur l’existence de ce sang, mais sur la question de savoir si, après que le Christ a repris tout son sang dans sa résurrection et que son état glorieux d’impassibilité ne lui permet plus d’en perdre, le sang qui est parfois sorti des Saintes Espèces est réellement de celui qui a coulé dans les veines de l’Homme-Dieu lorsqu’il vivait sur la terre, ou si Dieu le crée pour faire éclater la certitude de sa présence. Dans les deux cas, le miracle est également manifeste ; la différence des opinions ne porte que sur la nature intime de l’objet.

Enfin, le Père Lallemant s’exprime ainsi sur la sainte Eucharistie dans Entretiens sur la vie cachée de Jésus-Christ en l’Eucharistie :

« Tout y est miraculeux. C’est un divin composé d’ineffables merveilles : prodiges d’élévation pour l’homme, prodiges d’abaissement pour Dieu, prodiges de puissance, de sagesse, de grâce, d’amour et de bonté infinie du Créateur envers sa créature. Ce qui m’oblige de croire que David jetait les yeux sur ce sacrement, par un esprit prophétique, lorsqu’il invitait, par ces paroles, les âmes dévotes à s’en approcher : Venite, et videte opera Domini, quae posuit prodigia super terram ; venez et voyez les œuvres merveilleuses que Dieu a faites sur la terre. » Tant il est vrai que toutes sortes de miracles s’y rencontrent. »

Le miracle de Bolsena, au XIIIe siècle, répondait aux doutes qui depuis de longues années poursuivaient le prêtre officiant touchant la vérité de la présence réelle du Christ dans les espèces consacrées. Il s’empressa de faire amende honorable, d’autant que lorsqu’il plia le caporal, des empreintes de sang se produisirent symétriquement sur les carrés du linge, où elles demeurèrent comme un témoignage du prodige.

Le pape Urbain IV vint tout exprès d’Orvieto pour examiner le caporal et interroger le prêtre ; ce grave incident mit fin à ses perplexités, et il se décida à instituer par toute la chrétienté la fête du Corpus Domini. Tel fut l’objet de sa bulle Transiturus, en date du 8 septembre 1264. On sait que le miracle de Bolsena, si notable dans les fastes de l’Église, est devenu aussi une légende de l’art, grâce à l’illustration qu’en a faite Raphaël dans cette célèbre fresque du Vatican où l’artiste, violant l’histoire au profit de sa reconnaissance, a représenté Urbain IV sous les traits de son protecteur Jules II.

Urbain IV fit composer l’office du Saint-Sacrement par saint Thomas d’Aquin, qui enseignait alors la théologie à Orvieto, et la messe que l’on chante encore aujourd’hui, par saint Bonaventure : bien que les dominicains se plaisent à attribuer la messe comme l’office à leur glorieux Ange de l’École. Le pape Urbain IV mourut quelques jours après avoir accompli cette grande fonction liturgique, le 20 octobre 1264. D’autres papes français, ses successeurs, la confirmèrent et l’étendirent. Clément V (Bertrand de Got) la sanctionna au concile de Vienne en Dauphiné. Quant à l’établissement de la procession hors des églises, il est plus spécialement attribué à Jean XII (Jacques Duèze).

 
 
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