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Pharmacien invente en 1825 un obus asphyxiant et incendiaire. Expériences de Lefortier, essais, rapport au Comité d'Artillerie

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Anecdotes insolites
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Pharmacien (Un) invente en 1825
un obus asphyxiant et incendiaire
(D’après « Bulletin de la Société d’histoire de la pharmacie », paru en 1921)
Publié / Mis à jour le lundi 30 juillet 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Un rapport fait au Comité d’Artillerie, en 1831, sur diverses expériences de boulets incendiaires dont l’inventeur était un pharmacien de Sèvres nommé Lefortier, nous montre que ce dernier « colportait » son invention depuis plusieurs années du département de la Guerre à celui de la Marine

Grâce à la recommandation d’un homme politique, Bedock, ancien député, il obtint la permission de procéder à de nouvelles expériences qui amenèrent le Comité d’Artillerie à rejeter définitivement sa proposition. Lefortier présentait des boulets incendiaires qui n’exigeaient, disait-il, ni fusée, ni ouverture ; ils devaient se briser en traversant un massif de bois, éclater avec violence, mettre le feu et dégager des gaz délétères ; le transport de ces boulets était sans danger.

Lefortier est donc un précurseur en matière d’obus incendiaires et de gaz asphyxiants : il voulait réunir ces deux propriétés dans le même projectile. Ses boulets étaient de calibre de 24, pesaient de 14 à 16 kilos. L’enveloppe métallique (alliage de fer et de plomb) était inégale dans son épaisseur, celle-ci variant de 10 à 12 lignes.

Plusieurs expériences furent faites : la première à l’Ecole de Saint-Cyr, en 1825 ; les suivantes, à Douai, en 1827 ; à Lorient, en 1828 et en 1829, par le Ministère de la Marine. Les procès-verbaux de ces épreuves sont peu concluants. Celui des expériences de Douai affirme (« un peu à la légère », d’après ledit rapport) que « l’invention de M. Lefortier, susceptible d’amélioration, était de nature à fixer l’attention du Gouvernement, particulièrement pour le service de la marine ». En revanche, le procès-verbal de la troisième expérience faite à Lorient est défavorable : « Il est bien prouvé que la composition incendiaire de l’invention de M. Lefortier ne vaut rien. »

Celui de la quatrième dit : « Le feu produit une fumée abondante, d’une odeur insipide (sic), qui excite la toux et est de nature à incommoder les hommes d’une batterie de vaisseau qui s’en trouverait remplie. Une pareille fumée, dont la cause serait inconnue, pourrait aussi inquiéter un équipage ou jeter l’alarme et le désordre. » Pour porter l’alarme et le désordre, il aurait fallu que ces boulets fussent tirés à une grande distance ; malheureusement, leur résistance était faible et ils ne pouvaient supporter une grosse charge de poudre.

Les procès-verbaux des divers essais ne brillent pas par leur précision scientifique. Il y est question d’une matière incendiaire blanc-grisâtre, sèche, ressemblant à de la grosse sciure de bois mélangée à de l’étoupe. Une deuxième matière, de couleur noire, était en pâte et paraissait être composée de corps résineux, de camphre et de poudre. La matière inflammable liquide produisait une flamme vive et claire : « Le feu, dit la Commission, paraît être phosphoreux. » Et elle ajoute : « La manipulation de la matière incendiaire doit présenter quelques difficultés, les mains de l’inventeur en font foi. »

La Commission d’Artillerie n’accepta pas l’invention du pharmacien Lefortier. Les divers essais avaient coûté, au département de la Marine seulement, 5 à 6 000 francs. En cas de réussite, Lefortier demandait une récompense de 5 à 600 000 francs et, en outre, la direction de la fabrication des nouveaux projectiles, « avec un traitement convenable ».

Gineste, membre de la Société d’histoire de la pharmacie, découvrit ce rapport dans les archives de son grand- oncle, le général Born, qui était, en 1831, capitaine d’artillerie, aide de camp du lieutenant général baron Bouchu. Le général Born est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’artillerie et d’un mémoire intitulé : Réflexions sur l’Oxydation des Projectiles de l’Artillerie. Voici quelques extraits de ce rapport ayant trait aux expériences de Lefortier.

Première expérience, à Saint-Cyr, en 1825
« ... Le 1er essai a été fait, en 1825, à l’école de Saint-Cyr et d’après la seule autorisation du commandant de cette école. 2 boulets du calibre de 12 et pesant de 10 à 11 livres furent titrés sur des massifs en bois de chauffage de 4 à 5 pouces d’équarrissage. La pièce de 12 dont on fit usage était montée sur affût de côte et placée à 266 toises du but. Le 1er coup fut tiré à boulet roulant avec une charge de 3 livres de poudre de démolition. Le boulet fut brisé dans la pièce et sortit en éclats nombreux, mais qui ne s’enflammèrent pas.

« Au 2e coup, la charge fut réduite à 2 livres (1/5 environ du poids du boulet) et l’on fit usage d’un sabot conique. Le boulet, après avoir ricoché à 5 toises en avant du but, traversa les massifs en bois sans les incendier, s’enterra dans la butte contre des boulets en fer, s’y brisa en trois morceaux qui mirent le feu à quelques fagots. La flamme de la matière incendiaire était assez vive. L’odeur qu’elle exhalait indiquait la présence de résines, du phosphore et du camphre. L’enveloppe du boulet paraissait être un alliage extrêmement cassant de plomb et de zinc. »

Quatrième expérience, à Lorient, en 1829
« ... Pour les secondes épreuves faites à Lorient, en septembre 1829, une commission de 7 officiers de marine ou d’artillerie de marine fit encore usage d’une pièce de 30. Un massif en bois servait toujours de but. M. Lefortier présenta d’abord 11 boulets de ce calibre qu’il avait chargés à Lorient. Ils pesaient de 14,5 à 16 kg. L’épaisseur de l’enveloppe métallique était de 10 à 12 lignes. Les diamètres de ces projectiles étaient dans les limites prescrites. Leur aspect était celui de boulets fabriqués avec un alliage où le plomb paraissait dominer et qui était légèrement dur et sonore. 2 de ces boulets projetés d’une hauteur de 75 pieds environ, sur des gueuses en fer, éprouvèrent un applatissement de 2 lignes, mais sans être déformés.

« La commission commença par essayer séparément deux espèces de matière incendiaire dont les boulets étaient chargés ; l’une d’un blanc grisâtre, sèche et ressemblant à de la grosse sciure de bois mêlée d’un peu d’étoupe, et l’autre noire et en pâte, paraissait contenir des corps gras et résineux mêlés de grains de poudre. Ces matières furent jetées sur des copeaux qui ne s’enflammèrent que lorsque M. Lefortier répandit dessus des parcelles d’une autre matière inflammable contenue dans une petite fiole en verre. La flamme produite n’avait pas une grande intensité. Elle fut facilement éteinte en la couvrant de terre, ou seulement en l’étouffant sous les pieds, ou avec un peu d’eau. La fumée qui en sortait avait une forte odeur de soufre et de camphre.

« La matière inflammable liquide fut aussi essayée isolément. 2 petites fioles en verre, qui en contenaient à peu près une once, furent jetées l’une après l’autre entre les deux murailles du massif. Les parcelles de cette matière ainsi éparpillée brillèrent d’une flamme vive et claire aussitôt qu’elles se trouvèrent en contact avec l’air. (...) Il résulte des dernières épreuves de Lorient que, sur 7 boulets tirés à la distance de 100 m du but et avec 2 kg de poudre, 4 éclatèrent avant d’arriver au massif en bois. Quelques débris de ces 4 boulets et les 3 autres frappèrent bien le massif, mais sans y laisser aucune trace de feu.

« Aussi, après ce résultat, M. Lefortier, convaincu de l’insuccès de sa matière incendiaire, déclara à la Commission renoncer à en poursuivre les effets. Il ne présenta plus le restant de ses projectiles que comme boulets éclatants et capables d’introduire entre les murailles d’un vaisseau la matière inflammable dont l’effet, annoncé par lui, serait de corroder, de carboniser les corps qu’elle atteint sans les mettre en combustion et de produire une fumée abondante et âcre propre à asphyxier les individus exposés à les respirer. »

 
 
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