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Légendes, croyances, superstitions. Chiffons au bord de sources, sur les buissons. Sou main des morts. Sécher le mal. Entrée du Paradis

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Chiffons au bord de sources ou sur
les buissons et sou dans la main des morts
(D’après « Bulletin de la Société préhistorique française »,
paru en 1917, 1918, 1919)
Publié / Mis à jour le lundi 26 juillet 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
Dans les années 1917-1919, Edouard Harlé, membre éminent de nombreuses sociétés scientifiques, ingénieur des Ponts et Chaussées ayant su acquérir des connaissances en géologie, paléontologie et archéologie, publie le résultat de ses recherches menées en Gironde et relatives aux chiffons placés au bord de sources ou sur des buissons et permettant de sécher le mal, ainsi qu’au sou dans la main des morts pour payer l’entrée du Paradis

J’en ai signalé à la source de Las sègues, aux environs de Bagnères-de-Bigorre, écrit Edouard Harlé. Depuis, je me suis souvenu que mon fils Jacques, ayant été à pied de Cazaux à Lugos (limite de la Gironde et des Landes), pour rechercher et étudier les dunes créées par l’étang de Sanguinet, m’avait raconté être passé à une source avec chiffons sur les buissons.

Impossible d’avoir par lui d’autres renseignements : le pauvre Jacques a été tué à l’ennemi, en mai dernier. J’ai cherché sur ses cartes et j’y ai trouvé, écrits à la main, à un kilomètre et demi à l’est de Sanguinet (Landes), les mots « Hount sant », qui signifient, en langue du pays, « Source sainte ».

Une des nombreuses sources miraculeuses de Gironde

Une des nombreuses sources miraculeuses de Gironde

J’ai été au point ainsi désigné, rapporte notre narrateur. Il y a là deux sources saintes : Sainte Rose et Saint Basile, toutes deux près du moulin de la Grande Mole, sur le ruisseau de La Gourgue, et toutes deux issues de petits marais. La source de Sainte Rose est au nord du ruisseau. C’est celle où mon fils avait vu des chiffons sur les buissons. Elle est insignifiante. Pas de chiffons, quand je l’ai visitée.

La source de Saint Basile est renommée et l’on y a mis une croix en fer. Elle est au bord et au sud de La Gourgue. J’y ai vu un chiffon blanc sur la croix, un tombé au pied de la croix, et cinq sur les branches des buissons voisins. La vieille femme qui m’a guidé m’a dit :

« II y avait beaucoup de chiffons sur les buissons des deux sources ; mais, depuis la guerre, on n’en met pas : la guerre arrête tout. Quand mon fils était tout petit enfant, il lui est venu une mauvaise plaie à la figure. J’ai pensé que c’était le Mal de Saint Basile et j’ai été chercher de l’eau à la source de Saint Basile dans un petit flacon. J’ai lavé la plaie avec cette eau trois jours de rang. Le premier jour, la plaie a blanchi ; le second, elle a diminué ; le troisième, elle a disparu. Mon mari est très malade. Je l’ai lavé avec de l’eau de la source de Saint Basile et de toutes les sources du pays ; mais cela ne lui a rien fait. Par malheur, je ne sais pas de quel saint est son mal. »

Pourquoi met-on des chiffons ? Les nombreuses personnes des environs que j’ai interrogées m’ont répondu, explique Harlé : les unes, que c’est par superstition ; les autres, que c’est pour se débarrasser des chiffons, après leur emploi pour panser les plaies. Il me semble que le fait qu’on place les chiffons sur les branches des buissons, au lieu de les jeter simplement à terre, indique autre chose que le seul désir de s’en débarrasser.

Si j’habitais Sanguinet, écrit notre ingénieur en 1917, je ferais des fouilles dans la vase et le sable de la source de Saint Basile, avec l’idée d’y trouver des offrandes de dévots du temps des romains, des gaulois, de l’Age du bronze ou de la pierre polie. La vieille m’a dit avoir vu, auprès de cette source, un tronc, où les dévots mettaient des sous ; mais les non-dévots volaient les sous ; on a transféré le tronc dans l’église.

Marcel Baudouin qui, comme Edouard Harlé, est membre de la Société préhistorique française, tient à rappeler que rien n’est plus comparable à la Source de Saint Basile que la Source de la Fontaine Saint-Gré, en Vendée, invoquant son mémoire sur la fontaine thérapeutique d’Avrillé, où l’on retrouvera la Croix de Fer, le Tronc transporté à l’Eglise, à cause des voleurs, etc. Tout se répète, constamment et partout, affirme-t-il encore.

L’année suivante, Albert Hugues, autre membre de cette Société, désireux d’apporter sa modeste contribution au même sujet, relève ce qu’il a pu observer dans le Gard. La Source d’Estauzens, placée à la limite des communes de Nîmes et de La Calmette, est renommée pour la guérison des maladies du foie, coulant au pied de la commune que surmonte l’Enceinte préhistorique, à quelques mètres des restes du vieux monastère de femmes de Notre-Dame d’Estauzens, prieuré rural déjà ruiné au XVIe siècle.

La Source d’Estouzïn (en patois languedocien) est connue des habitants de Nîmes et des villages environnants pour ses vertus médicinales. L’analogie de son nom lui donne une vertu particulière pour guérir les maladies du foie (estourïn dans le patois local) Pendant neuf jours consécutifs, et bien avant le lever du soleil, le malade est tenu de boire à la source et d’y faire ses ablutions. Eviter toute rencontre de quidam, à l’aller et au retour de ces visites, procure à celui qui peut y réussir une guérison plus rapide et plus sûre !

Quand je visitai la source pour la première fois, en 1904, poursuit Albert Hugues, je remarquai de nombreux chiffons, dans les alentours, soit à terre, soit sur les buissons de ronces ou de chênes kermès ; et je crus au séjour en cet endroit d’un campement de bohémiens ! Le valet de ferme à mon service, intelligent et très actif, qui m’avait signalé les vertus de la source pour avoir été guéri dans son enfance à la suite d’une neuvaine, me déclare que ces chiffons servaient à éponger les malades et restaient sur place, afin que chacun ne put emporter chez soi lou vérin (le venin) de la maladie expurgé par l’eau et dont le morceau d’étoffe se trouvait imprégné.

Source de Gazinet, en Gironde

Source de Gazinet, en Gironde

La coutume de glisser, en cachette, un sou dans la main du mort est d’usage assez fréquent chez les catholiques des villages des environs d’Uzès et du Malgoirès, ajoute-t-il, précisant que la pièce de monnaie doit être mise en cachette et que, dans sa région, à population mi catholique, mi protestante, si certaines pratiques sont communes aux adeptes des deux religions, il en est qui, acceptées par les uns, sont rejetées par les autres.

En 1919, Edouard Harlé revient sur les rites liés aux chiffons et au sou. Il y a deux sources guérisseuses à chiffons dans la commune de Mios, explique-t-il : l’une, dans le bourg, est sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste ; l’autre, près du hameau de Florence, sous celui de Saint- Jean-l’Evangéliste.

De cette dernière, le Dr Peyneau, maire de Mios, écrivait : « Il y a cinq ans, ma domestique ayant aux jambes des maux dont elle ne pouvait guérir, s’en fut à cette fontaine pour les laver. On lui avait recommandé de laver chaque plaque malade avec un chiffon distinct et d’étendre ensuite tous ces chiffons sur le petit mur qui entoure cette fontaine, afin de les y faire sécher. Elle se conforma scrupuleusement à ce rite et son mal sécha petit à petit et il disparut. »

Ceci explique probablement, conclut Harlé, pourquoi la plupart des dévots étendent leurs chiffons sur des buissons, au lieu de les jeter à terre : le mal doit sécher comme le chiffon. Selon le curé, bon nombre de dévots jettent en guise d’offrande des sous dans le puits où sourd cette fontaine ; les bergers volent ces sous.

Croisant dans le train une femme très âgée, à Gazinet, près de Bordeaux, Harlé lui demanda : « Vous venez sans doute, Madame, de consulter la fameuse sorcière de Gazinet ? – C’est moi, Monsieur ! », répondit la dame, furieuse... La sorcière refusa de lui faire savoir comment, en examinant le gilet de flanelle d’une personne éloignée, elle reconnaissait sa maladie, mais elle voulut bien lui dire que l’usage de munir les morts d’un sou est très répandu : « Et plutôt une pièce d’or qu’un sou, car, dans l’autre monde comme dans celui-ci, on obtient plus avec 20 francs qu’avec 5 centimes. »

Souvent, on met le sou dans la bouche du mort ; d’autres fois, dans sa poche (on habille les morts). L’essentiel est que, d’une manière ou d’une autre, le mort soit muni d’une pièce de monnaie. « A-t-il son sou ? » demandent les parents qui viennent le voir.

Déjeunant, à Bourg-sur-Gironde, chez un de ses amis, il demanda à sa vieille cuisinière si l’on enterrait les morts avec un sou : « Certainement, Monsieur ; et, il y a deux mois seulement, quand on a enterré ici Madame..., on lui a mis un sou dans la main. Ce ne sont pas ses parents qui ont fait cela, car ils n’y croient pas ; c’est sa domestique. » Et Edouard Harlé de confier s’être dit : « J’ai des bonnes dévouées ; pour sûr, moi aussi, je partirai pour l’autre monde avec un sou dans la main ! »

Un jeune homme de Bourg-sur-Gironde, mobilisé à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), ayant été très grièvement blessé par une bombe d’un avion allemand, sa femme, qui avait réussi à l’y rejoindre, assista à ses derniers moments et à ses funérailles. « Je n’ai guère de religion, dit-elle à son retour à Bourg ; mais cependant j’ai tenu à lui mettre un sou dans la poche, pour qu’il puisse payer l’entrée du paradis à Saint Pierre. »

L’usage de munir les morts d’une pièce de monnaie existe dans de nombreux pays civilisés, précise Harlé : Japon, Indochine, Siam, Inde, etc. La raison donnée diffère suivant les peuples et, souvent, elle est mal définie ; mais l’on est d’accord sur un point : pour qu’un mort entre dans l’autre monde en bonnes conditions, il faut qu’il y paye quelque chose à quelqu’un.

Baudouin, également membre de la Société préhistorique française, ajoute avoir lu dans O’Sullivan (Irlande, p. 11) : « Les Irlandais ont l’habitude de suspendre des haillons aux branches des arbres, près des fontaines, coutume dominante parmi les peuples de l’Orient ; l’olivier sauvage d’Afrique et l’Arbre sacré des Indous portent ordinairement ces marques d’adoration et rappellent l’Irlande... Charles O’Connor, dans sa 3e lettre signée Columbanus, dit qu’il a demandé pourquoi on suspendait des morceaux de linge aux branches des arbres : C’est pour s’attirer les faveurs des Daoini Mailhe (Les Fées), lui répondit-on. »

On lit dans les voyages d’Hauwaq : « Je vis près de l’eau une grande quantité de morceaux de linge, suspendus aux branches d’un arbre ». Les chiffons des Sources sont donc classiques en Irlande.

Et Baudouin de rappeler « qu’une pièce de monnaie n’est que la Rondelle à Animaux du Paléolithique et un objet du Culte stello-solaire, représentant le Pôle, c’est-à-dire l’empire des Morts ou les Enfers ; et le Soleil anthropomorphisé ! Qui se ressemble s’assemble... »

 
 
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