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Mort de l'Impératrice Eugénie le 11 juillet 1920, épouse de Napoléon III et dernière Impératrice

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
11 juillet 1920 : mort d’Eugénie
à 94 ans, dernière Impératrice
et épouse de feu Napoléon III
(D’après « Le Gaulois » du 12 juillet 1920)
Publié / Mis à jour le lundi 19 décembre 2011, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Au lendemain de la mort de l’Impératrice Eugénie survenue le 11 juillet 1920, l’académicien Frédéric Masson brosse le portrait d’une femme qui, ayant entamé sa quatre-vingt-quinzième année après avoir affronté désastres et connu triomphes, conservait un esprit alerte, curieux, continuant de voyager et ayant subi une opération de la cataracte pour pouvoir continuer d’assouvir une de ses passions : la lecture...

Celle qui fut l’Impératrice des Français est morte hier, à Madrid, écrit Frédéric Masson dans Le Gaulois du 12 juillet 1920. Elle avait quatre-vingt-quatorze ans accomplis. Jusqu’à sa fin elle avait si bien conservé l’intégrité de son intelligence et la verdeur de sa volonté, qu’elle seule avait résolu et préparé l’opération qui peut-être fut pour quelque chose dans sa mort.

L'Impératrice Eugénie, par Franz Xaver Winterhalter

L’Impératrice Eugénie, par Franz Xaver Winterhalter

Lors de son dernier voyage à Paris, elle avait fait venir des spécialistes qui avaient été unanimes à déconseiller une intervention qui, disaient-ils, ne pouvait avoir un résultat heureux. Partout où elle avait consulté, la réponse avait été pareille, mais l’Impératrice voulait voir ; elle avait décidé qu’elle verrait, et, en effet, elle revit, avant de mourir, les horizons, les palais, les champs, les églises de son pays.

Elle meurt en Espagne pleine de jours, laissant dans la mémoire des peuples le souvenir de la destinée la plus traversée qui ait été vécue, où les pires désastres se sont tramés aux plus éclatants triomphes. Mais aux désastres comme aux triomphes, l’Impératrice a opposé le même courage intrépide et une pareille force d’âme. Elle vécu les jours où la France victorieuse accueillait de ses acclamations les soldats de Crimée et d’Italie et elle a vécu cette journée de septembre où une poignée de politiciens, profitant de la victoire de l’ennemi, escalada les barrières, chassa quelques vieux serviteurs désarmés, aux cris de « Vive la paix ! », remporta sur une femme une facile victoire.

Un homme, alors, violant le triple serment de fidélité qu’il avait spontanément prêté, avait pris contre l’Impératrice la conduite des émeutiers. C’était sa façon d’organiser ta défense ; mais elle, l’Impératrice, quand la France était aux abois, quand l’ennemi avançait sur Paris sans trouver un obstacle, elle qui avait régné dans la splendeur et dans la joie, ne consulta que son patriotisme ; elle ne leva pas un doigt pour résister, elle ne s’employa que pour sauver quelque partie du territoire national.

Depuis cinquante ans, constamment fidèle à ce pays dont elle avait embrassé la cause et subi l’attrait, elle a déployé pour le servir toutes les ressources de son intelligence et de son cœur. Elle a été prête, durant cette dernière guerre, à un continuel et ultime sacrifice aux blessés ; elle a ouvert sa maison de Farnborough, dont elle a fait la mieux outillée des ambulances ; aux pauvres, elle a tendu sa bourse ; seuls, ceux-là qui ont surpris ses largesses, savent combien de mendiants l’ont sollicitée, combien elle en a secourus, sans jamais les contenter ; à ceux qui avaient la responsabilité de la défense, elle a adressé les papiers qu’elle avait sauvés jadis et qui lui semblaient être des armes. Et comme elle était bien inspirée, Clemenceau lui-même, l’a reconnu solennellement.

Elle semblait convaincue qu’elle ne devait point mourir. Au dernier automne, lorsqu’elle traversa Paris, elle disait à l’un de ses serviteurs qui lui demandait les ordres pour l’achèvement du monument dédié au Prince Impérial : « Je vous verrai à mon retour, l’été prochain. » Et comme on insistait, car la mort est prompte à frapper, elle dit d’un ton qui n’admettait point de réplique : « Non, à mon retour ! »

A présent, du Champ-de-Mars, où il avait été érigé, le petit temple attendra longtemps à Malmaison la terminaison suprême. Les pierres gélives achèveront de tomber tout autour et le piédestal préparé demeurera vide. Il faut ainsi que la destinée continue à poursuivre ce jeune homme, si beau, si noble, si profondément aimé, dont l’effigie périt comme la chair, mais dont on n’arrachera pas le souvenir des mémoires à jamais dévouées.

L’Impératrice avait trouvé à cultiver la race des Bonaparte, dans les derniers rejetons, un intérêt, une affection, peut-on dire une passion ? La jeune Princesse qui fut le premier enfant du prince Napoléon et la princesse Clémentine avait, durant la guerre, qui avait chassé ses parents de la Belgique, égayé et distrait celle qui devait penser qu’elle avait pour jamais perdu le sourire, et le jeune prince Louis Napoléon, auquel elle s’était si justement attachée, avait éveillé dans son cœur de mère les ressouvenirs de l’enfant perdu. Si dans ces derniers jours lui a manqué, en même temps que les Napoléon, son neveu, le comte Primoli, qui lui avait consacré une partie de son existence, elle a trouvé près du duc d’Albe et de ses parents d’Espagne une communion d’âmes dans l’amour de la France et dans la juste dévotion de la victoire.

Eugénie portant son fils Louis Napoléon, par Franz Xaver Winterhalter

Eugénie portant son fils Louis Napoléon,
par Franz Xaver Winterhalter

Ainsi disparaît-elle alors que la tache imprimée en 1870 sur l’écusson de la France par le crime de septembre disparaît dans l’apothéose et que nos drapeaux captifs vont nous revenir. L’ère ancienne est terminée : une ère nouvelle commence qui fera peut-être regretter le passé. A ce passé, une figure de beauté et de grâce, d’élégance et de noblesse, demeure pour jamais attachée, une figure de bonté, d’énergie et de patriotisme. Ceux qui lui ont été fidèles courbent le genou devant son souvenir et ceux qui lui furent hostiles lui doivent au moins un salut religieux, conclut Frédéric Masson.

Les derniers moments
Chez le comte Primoli. Quelques anecdotes. La hantise du dimanche
En nous apercevant, le comte Primoli comprend le but de notre visite et d’un geste attristé il nous tend la dépêche qu’il vient de recevoir : L’Impératrice a succombé ce matin à une attaque d’urémie. Baciocci.

« C’est un grand malheur auquel nous ne nous attendions pas, continue le comte Primoli ; car, bien qu’elle fût entrée dans sa quatre-vingt-quinzième année, l’Impératrice avait conservé une étonnante vigueur physique et intellectuelle. Ne venait-elle pas de subir avec succès l’opération de la cataracte ? Elle voyait de nouveau ; elle avait recommencé, à lire. Et cela lui était une grande consolation car, depuis de longues années, elle n’avait d’autre distraction que la lecture. Elle lisait avidement, toute la journée et la nuit lorsqu’elle ne dormait pas.

« Je l’ai vue pour la dernière fois à son passage à Paris, au mois de décembre le 24 exactement. Je devais l’accompagner au Cap Martin, où elle passait tous les hivers, dans sa propriété. L’obligation subite d’un voyage à Rome m’en empêcha. Elle resta dans le Midi pendant les mois de janvier, février et mars, puis au commencement d’avril elle partit pour l’Espagne. Elle voulait revoir son pays d’origine. Elle visita Gibraltar et plusieurs grandes villes avant de se rendre chez son neveu, le duc d’Albe, au Palais Linia, à Madrid, où elle vient de succomber. Elle avait tenu à faire ce voyage en bateau, car elle adorait la mer.

« L’Impératrice avait auprès d’elle son fidèle secrétaire, M. Baciocci, par qui j’ai appris la triste nouvelle, et M. et Mme d’Attainville. Elle comptait rentrer la semaine prochaine en Angleterre et je devais la voir à son passage à Paris. Elle y rentrera, mais je ne la verrai pas, et cela me cause un poignant regret. Elle rentrera en Angleterre, mais ce sera pour occuper, dans le caveau de Chislehurst, la place qu’elle avait fait préparer pour son cercueil, entre la tombe de son mari et celle de son fils.

« L’impératrice Eugénie, conclut le comte Primoli, avait la hantise du dimanche. Ce jour-là lui était néfaste, c’était un jour de malheur. Le 4 septembre était un dimanche ; c’est un dimanche qu’elle apprit la mort du Prince impérial, et elle-même meurt un dimanche. »

Chez Mme Carette. Un souvenir émouvant
Mme Carette, née Bouvet, qui fut dame d’honneur de l’impératrice Eugénie et qui, avec Mme la duchesse de Mouchy et le comte de Castelbajac, est la seule survivante de la cour impériale, reste atterrée en apprenant la douloureuse nouvelle. Ses yeux se voient de larmes et, le mouchoir appuyé sur son visage, elle étouffe un sanglot :

« Cinquante ans d’affection m’unissaient à l’Impératrice, dit-elle dès qu’elle peut retrouver la parole ; c’est un coup cruel pour moi, mais quelle délivrance pour cette admirable femme ! Vous ne savez pas, personne ne sait tout ce qu’elle a souffert et avec quelle surhumaine résignation. C’était une grande âme, une grande âme chrétienne, et elle puisait dans ses sentiments religieux la force de subir sans se plaindre et sans faiblir les outrages et les malheurs dont elle a été abreuvée.

« A Chislehurst, le jour du service funèbre du Prince impérial, elle était écrasée par le désespoir. Assise dans un fauteuil, sa tête allait convulsivement de droite et de gauche et elle s’écriait : – Mon Dieu ! Mon Dieu ! Faites que je meure ! Après le service, le chapelain s’approcha d’elle : – Madame, lui dit-il respectueusement, ne demandez pas de mourir ; vous avez encore beaucoup de bien à faire. Alors, l’Impératrice, se resaisissant, reprit toute son énergie et répondit : – Oui, si c’est pour faire le bien, Seigneur, donnez-moi cent ans !

« J’étais auprès d’elle. J’ai entendu ses paroles comme j’entends les vôtres. Mais que puis-je vous dire encore ? Dans la douleur où me plonge cet événement, tous mes souvenirs s’en vont à la dérive. » Et, de nouveau, les yeux de Mme Carette se remplissent de larmes.

 
 
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