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Coutumes et traditions. Chansons populaires, airs d'autrefois, refrains, succès chansonniers, cafés-concerts. Libert, Paulus, Bach (la Madelon)

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Chansons populaires ou comment
les siècles s’égrènent au rythme
d’airs marquant leur temps
(D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1921
Remerciements au site : « Du Temps des Cerises aux Feuilles Mortes »
pour les enregistrements sonores)
Publié / Mis à jour le mercredi 7 juillet 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
De la plus ancienne chanson populaire française qu’on connaisse, écrite en latin et composée à propos de la bataille gagnée par le roi des Francs Clotaire II sur les Saxons, en 623, à la Madelon créée juste avant la Première Guerre mondiale et consacrée par les Poilus qu’elle accompagna, l’habitude de dire qu’en France tout finit par des chansons est frappée au coin de la vérité. Retour sur quelques siècles émaillés d’airs parfois oubliés...

On pourrait dire que rien ne s’accomplit sans des chansons. De la chanson écrite pour célébrer la victoire de Clotaire II en 623, Hildegaire, évêque de Meaux, raconta que ce chant vulgaire se trouvait dans toutes les bouches et que les femmes le chantaient par les campagnes en dansant et en battant des mains. Les croisades alimentèrent longtemps la verve des chansonniers, ou, pour les nommer par leur nom, des trouvères. Ces poètes et ces interprètes des épopées populaires voyageaient à travers le pays, s’arrêtant dans les châteaux, assemblant le peuple au parvis des églises et chantant les exploits des croisés.

Libert

Vers 1875 : le chanteur Libert

Quant à la chanson satirique, elle date du XVIe siècle. Elle suivait le mouvement des idées. Auparavant, la chanson avait surtout été héroïque. Le perfectionnement de la langue, l’évolution des esprits lui ouvraient des voies nouvelles. Elle allait, dès lors, s’immiscer dans les affaires publiques et censurer à tout propos. C’est de cette époque que date la chanson La Palice, et aussi celle de Guilleri. Mais ce temps-là ne connut pas que des complaintes comme la premières de ces chansons ou des refrains satiriques comme la seconde. La tradition populaire nous en a conservé aussi maintes inspirations naïves et charmantes, telle la jolie chanson Avec mes sabots, dont un compositeur moderne fit la Marche Lorraine.

La période de la Renaissance et le XVIIe siècle virent une floraison abondante de chansons de tout genre. Mais les chansons guerrières furent les plus nombreuses. Pas une bataille, pas un siège, pas une prise de ville, pas une escarmouche sans une chanson. Le siècle de Louis XV favorise l’éclosion de la chanson grivoise. Puis, c’est la Révolution avec ses refrains enflammés.

Sous l’Empire, on ne chante guère ; on n’a que le temps de se battre ; et la satire n’est pas de mise. Le romantisme de 1830 crée la romance sentimentale... Mais la chanson va devenir un art, une forme de la poésie, une expression de l’art. La muse du peuple enfante Béranger, Pierre Dupont, Désaugiers, puis, plus tard, Nadaud, qui disait ses chansons avec une bonhomie si franche et un si parfait naturel.

Le chanteur Bach

Le chanteur Bach (début du XXe siècle)

Vers 1850, le premier café-concert – ou, pour parler la langue du temps, le premier café-chantant – s’établit dans un passage voisin du boulevard. C’est là que s’envoleront dorénavant les chansons destinées à devenir populaires. Les Parisiens qui entendirent Thérésa à cette époque pouvaient dire que jamais artiste n’avait eu un succès plus retentissant. Toutes les chansons interprétées par Thérésa devenaient immédiatement populaires. Les gens graves s’indignaient de cette vogue. « N’est-il pas indécent, écrivait l’un d’eux, de voir les entrepreneurs de concerts se disputer et couvrir d’or le nom de Mlle Thérésa, devenue inopinément une célébrité, une mode, une fureur ? »

Couvrir d’or... Thérésa ne gnagna jamais plus de 30000 francs par an. Et pourtant, cela faisait scandale. Veuillot lui-même avait trempé sa plume dans le fiel pour stigmatiser le répertoire de la chanteuse : « Cela, disait-il, n’est d’aucune langue, d’aucun art, d’aucune vérité ; cela se ramasse dans le ruisseau... » A l’en croire, rien de plus canaille et de plus corrompu. Parmi ses chansons à succès, il y eut le Rossignolet du Bois sauvage ou la Gardeuse d’ours, Rien n’est sacré pour un sapeur ou la Vénus aux carottes, chansons innocentes lorsqu’on les compare à tout ce qu’on nous a chanté depuis lors.

En dépit des indignations, le succès du café-concert va s’affirmant de plus en plus. Il est vrai qu’après 1870, les malheurs du pays ont épuré son répertoire. Les chansons qui deviennent populaires sont surtout les chansons patriotiques, les chanson de Villemer et Delormel sur les provinces perdues, et notamment cet hymne superbe : « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine », mis en musique par Ben-Tayoux, et qui exalta les enthousiasmes au jour de la revanche comme il avait ému les cœurs au jour de la défaite. Toutes ces chansons étaient alors créées à Paris par Mme Aminti, une grande femme brune au masque tragique douée du contralto le plus impressionnant.

Mais la gaieté ne tarde pas à reprendre ses droits. Peu de temps après la guerre, le chanteur Libert lance la fameuse chanson l’Amant d’Amanda en 1876, dont le refrain est :

Voyez ce beau garçon-là
C’est l’amant d’A
C’est l’amant d’A
Voyez ce beau garçon-là
C’est l’amant d’Amanda...

C’est un succès fou (CLIQUEZ ICI pour l’écouter, chantée par Caudieux en 1910, cliquez ici - format MP3). En quelques jours, on en vend 150 000 exemplaires. Un autre refrain du même genre, la Canne à Canada, rencontre la même faveur auprès du public. D’autres chansons deviennent rapidement populaires ; une scie : Je m’nomme Popaul ; un refrain bachique : Le P’tit Bleu.

Paulus à l'affiche de la Scala en 1890

Paulus à l’affiche de la Scala en 1890

La romance, cependant, ne cesse pas de passionner les foules ; les Regrets de Mignon sont tirés à 150 000 exemplaires ; le Premier bouquet de lilas à 100 000 ; l’Heure du rendez-vous monte à 70 000 ; le Rossignol n’a pas encore chanté à 50 000 ; les Blés d’Or à 100 000 ; la Chanson des Peupliers à 150 000.

Mais voici Paulus (de son vrai nom Jean-Paul Habans), le chanteur dont on peut dire que presque toutes les chansons devinrent populaires. Son nom seul sur l’affiche d’un café-concert avait, vers 1885-1890, la vertu magique d’emplir la salle d’une foule enthousiaste. Les refrains de Paulus étaient toujours bien rythmés, ses chansons amusantes, relevées parfois d’une petite note gauloise, mais sans grossièreté, toujours de bon goût. De là une immense vogue. Paulus créa, au café-concert, un genre qui a disparu avec lui.

Son premier succès date de 1875, avec Si j’étais fleur, un refrain que tout Paris fredonna bientôt. Alors la vogue d’un chanteur prit des proportions inouïes. Cela dura vingt ans. Pendant dix années, de 1880 à 1890, Paulus chantait tous les soirs dans quatre concerts, allant de l’un à l’autre dans sa voiture qui lui servait de loge d’artiste, et il touchait dans chaque concert des cachets de 250 francs ; sans parler des soirées mondaines et des tournées où son cachet était doublé et même triplé.

Entre Si j’étais fleur et le Père la Victoire, son dernier triomphe (CLIQUEZ ICI pour l’écouter, chantée par Henri Weber en 1908), Paulus créa plus de deux mille chansons dont cinq cents furent de grands succès populaires, comme la Chaussée Clignancourt, Derrière l’Omnibus, les Statues en goguette, la Boiteuse, le Tambour-major amoureux, le Cheval du Municipal, Un Tour de Valse, les Gardes municipaux. Les premiers tirages de la plupart de ces chansons montèrent à plus de cent mille. Le Père la Victoire, du premier coup, atteignit un tirage de 100 000.

Mais le triomphe du répertoire Paulus, ce fut En revenant de la Revue, la chanson qui consacra la popularité du général Boulanger... L’été de 1887, Paulus la chanta aux Ambassadeurs : on s’injuriait, les coups de canne et les coups de poing pleuvaient. Les Pioupious d’Auvergne que créa Bourgès, exploitèrent la même veine et eurent, dans les masses, un succès égal à celui du célèbre refrain de Paulus.

Quand Madelon

Quand Madelon...

Depuis lors, on peut citer parmi les chanson populaires quelques chansons de Polin, entre autres la Petite Tonkinoise, la Boiteuse du Régiment ; puis quelques chansons du répertoire de Mayol. Viens Poupoule, adaptation d’une scie berlinoise, qui rapporta, dit-on, plus de cent mille francs à l’auteur et à l’éditeur. Quelques chansons de Dranem eurent aussi la grande vogue, entre autres Ah ! les p’tits pois.

Mais la Madelon a effacé tout cela. On croit généralement que cette chanson, entre toutes fameuses, a été créée pendant la guerre. Il n’en est rien. Madelon fut chantée au début de 1914 à la Scala par le chanteur Bach (de son vrai nom Charles-Joseph Pasquier). Les auteurs, Bousquet pour les paroles, Camille Robert pour la musique, ne prévoyaient pas alors la merveilleuse destinée qu’aurait leur chanson.

La guerre éclata. « J’ai chanté Madelon... au front, pour la première fois, raconta le chanteur Bach, à Etival, près de Raon-l’Etape... Il y eut un peu de surprise parmi les soldats, mes auditeurs. Ce n’était plus la banale chanson de café-concert. Il y avait quelque chose de mieux et de plus qu’ils saisirent. Ils me redemandèrent la chanson et tous reprirent en chœur : Madelon, Madelon, Madelon ! Et ce fut l’entrée dans le monde militaire de Madelon. En somme, on peut dire que c’est le poilu qui l’a créée. Il l’a faite sienne tout de suite ». (CLIQUEZ ICI pour l’écouter, chantée par son créateur)

Pendant ce temps, au concert, à Paris, Polin, l’as des tourlourous, chantait également Madelon. Et ce fut pour elle la consécration définitive. Or, il paraît que des soldats du 12e d’artillerie, qui se trouvaient au début de la guerre à Fontenay-sous-Bois, furent les premiers vulgarisateurs de la célèbre chanson. Ils la chantaient en chœur et, partout où ils passaient, ils en semaient au vent les notes joyeuses.

Voici les paroles de la Madelon :

Pour le repos, le plaisir du militaire,
Il est là-bas à deux pas de la forêt
Une maison aux murs tout couverts de lierre
Aux vrais poilus (*)c’est le nom du cabaret
La servante est jeune et gentille,
Légère comme un papillon.
Comme son vin son œil pétille,
Nous l’appelons la Madelon
Nous en rêvons la nuit, nous y pensons le jour,
Ce n’est que Madelon mais pour nous c’est l’amour
(*) Au tourlourou dans la version d’avant-guerre

Refrain
Quand Madelon vient nous servir à boire
Sous la tonnelle on frôle son jupon
Et chacun lui raconte une histoire
Une histoire à sa façon
La Madelon pour nous n’est pas sévère
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c’est tout le mal qu’elle sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !

Nous avons tous au pays une payse
Qui nous attend et que l’on épousera
Mais elle est loin, bien trop loin pour qu’on lui dise
Ce qu’on fera quand la classe rentrera
En comptant les jours on soupire
Et quand le temps nous semble long
Tout ce qu’on ne peut pas lui dire
On va le dire à Madelon
On l’embrasse dans les coins. Elle dit : « Veux-tu finir... »
On s’figure que c’est l’autre, ça nous fait bien plaisir.

(refrain)

Un caporal en képi de fantaisie
S’en fut trouver Madelon un beau matin
Et, fou d’amour, lui dit qu’elle était jolie
Et qu’il venait pour lui demander sa main
La Madelon, pas bête, en somme,
Lui répondit en souriant :
« Et pourquoi prendrais-je un seul homme
Quand j’aime tout un régiment ?
Tes amis vont venir. Tu n’auras pas ma main
J’en ai bien trop besoin pour leur verser du vin. »

(refrain)

La municipalité de Fontenay a voulu fixer ce petit point d’histoire. Sur le mur de l’école elle décida d’apposer en 1921 une plaque portant ces mots : C’est ici que partit la « Madelon » pour faire le tour du monde. Elle fit mieux encore. Il fut d’usage, en maintes villes de Franc, d’élire des muses ou des reines choisies parmi les jeunes filles les plus méritantes, héritières des rosières d’autrefois : à Fontenay, on élit une Madelon. Mlle Louise Bérault fut choisie pour remplir ce rôle.

En elle, la commune de Fontenay avait décidé d’honorer la grâce juvénile, l’entrain, l’action réconfortante, le charme miraculeux de la bonne chanson qui avait soutenu nos soldats dans les pires détresses, les avait entraînés dans les luttes héroïques, et avait été, une fois de plus, dans cette guerre, comme la baïonnette, une arme française.

Note : pour en savoir plus sur la chanson française du Second Empire aux années 1950, nous vous conseillons la visite du site Du Temps des Cerises aux Feuilles Mortes, très bien fourni en documents visuels et sonores

 
 
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