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Un humoriste dépeint la comédie automobile à l'occasion du Salon de l'Auto 1924. Caricature : économie et secteur automobile. Coût de l'automobile

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Anecdotes insolites
Petite Histoire de France et anecdotes, brèves et faits divers insolites, événements remarquables et curieux, événements anecdotiques
Haro sur l’utilisation excessive
et onéreuse de l’automobile !
(D’après « Lectures pour tous », paru en 1924)
Publié / Mis à jour le lundi 2 novembre 2015, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
A mesure que l’automobile entrait davantage dans les mœurs, le Salon de l’Auto, créé en 1898, devenait pour tous un événement. C’est en quelque sorte la « comédie automobile » que l’humoriste Hervé Lauwick, ami de Tristan Bernard et de Sacha Guitry, esquisse en 1924, à l’occasion d’une édition de ce Salon, avec une fantaisie dont ceux-là même qui en font les frais ne peuvent être que les premiers à se divertir

Le premier caractère du Salon 1924, écrit Hervé Lauwick, c’est que le constructeur s’est enfin efforcé de mettre sa voiture, quelle qu’elle soit, à la portée du client. Jusqu’après 1921, on a gardé la coutume de louer un chauffeur lorsqu’on achetait une automobile. Rien ne coûtait plus cher que le chauffeur. On en vit parfois qui consommaient jusqu’à deux litres de vin blanc aux cent kilomètres. Une telle dépense ne s’accordait pas avec les idées d’économie qui sont à présent les nôtres.

Qu’est-ce qu’un chauffeur ? C’est un être humain qui, lorsqu’il fait froid, l’hiver, ressent le besoin très naturel de se chauffer les pieds. Il invente des pannes, et il tend ensuite à son maître la note des réparations. En Allemagne, l’usage du chauffeur a persisté, car un Allemand repousse généralement avec dédain et dégoût une note de réparations. Mais en France, où nous payons nos dettes, cet accessoire devenait encombrant ; et sa suppression fut décidée. Tous les châssis actuels sont construits pour que le propriétaire puisse les casser, les plier en deux lui-même.

Affiche publicitaire pour les cycles et automobiles Clément (1902)

Affiche publicitaire pour les cycles et automobiles Clément (1902)

Le moteur de 1924, quel qu’il soit, est prévu pour enlever à son possesseur le souci des réparations. La magnéto est blindée, la dynamo vissée sous un couvercle, le carburateur plombé, la boîte de direction cachée. Les clés en sont déposées chez les agents de la marque, et il est absolument interdit de les donner à un simple particulier.

Signalons à ce propos, car les dix dixièmes des accidents d’automobile sont causés par des débutants, un ingénieux appareil nommé le Temporisateur Armide, explique notre malicieux humoriste. C’est un cadenas à système d’horlogerie, qui bloque le volant de la voiture le jour de la livraison au client. Celui-ci, fou d’impatience, continue à prendre des leçons ; il loue une voiture, il roule par n’importe quels moyens, jusqu’au jour où le cadenas se débloque de lui-même, après un prudent délai de trois mois. Le client n’obtient donc sa voiture que le jour où il est capable de s’en servir ; il paraît que la vie des piétons croisés par les autos Armide est très sensiblement prolongée, et la durée des moteurs en bénéficie assurément. Un autre ingénieux appareil est le bidon de Citroënade. Il contient un liquide composé de sable et d’eau, mêlé de sirop de citronnade, qu’une femme justement effrayée peut verser dans le réservoir d’essence de la cinq-chevaux conjugale. L’effet de ralentissement est prononcé, en même temps que des phrases fortes et sonores.

Il nous semble tout à fait incontestable que l’idée maîtresse de la construction actuelle, ce soit l’économie d’achat, de fonctionnement et d’entretien. Deux écoles nous offrent des ordres très différents de solutions mécaniques. Exposons impartialement les deux thèses, explique notre humoriste :

Une première théorie aborde de front le problème. Ses adeptes conseillent d’afficher dans tous les garages : Pourquoi sortir ? Où allez-vous ? Il pleut. Il va pleuvoir. Les Untel sont des raseurs. Quand on crève, il faut pomper et se donner très chaud, etc. Neuf fois sur dix, sous l’influence de tels avertissements le chauffeur se décourage et reste chez lui. Les frais de sa voiture se réduisent donc à 10% de ce qu’ils étaient. Si cependant il sort quand même, il peut :

1° Adopter un réglage d’essence si serré que le moteur ne marche plus. Le chauffeur rentre bien avant dîner.
2° Réduire la quantité d’huile jusqu’à grippage. Le chauffeur rentre chez lui pour goûter ; et il reste après cela un mois au moins sans sortir.
3° Monter sur les pneus une soupape centrifuge qui les crève à quarante à l’heure. De ce train, il ne va pas loin, et il rentrera probablement pour déjeuner.
4° Ne pas graisser les organes. La dépense de graisse est donc supprimée. Et l’on ne perdra rien à la revente de la voiture ; le monsieur qui l’achètera d’occasion ne pourra savoir si elle a été graissée ou non, et deviner que la boîte de vitesse est plus vide que le Sahara un dimanche.

On nous dit : « L’Amérique a une voiture pour trois personnes. La France ne peut-elle avoir une voiture pour dix habitants ? » Mais si. Bien sûr ! Et cet état de choses est éminemment désirable. Il est nécessaire au bien de l’industrie automobile. Il est bon que la France puisse se vanter d’avoir une voiture pour dix habitants. La seule question qui se posera désormais sera d’empêcher ces idiots de s’en servir.

La deuxième théorie à laquelle nous avons fait une piquante allusion ne va pas jusqu’à réduire l’usage du moteur, supprimer la carburation, ou diminuer le graissage de la voiture ; elle se borne à serrer, à « comprimer » les mille dépenses accessoires, qui grèvent durement le budget de toute automobile. Le châssis Grotacco, qu’on trouvera dans la galerie d’entrée, s’il n’a pas été volé, est un bon exemple de cette volonté dans l’orientation de la technique. Son radiateur, son moteur, ses pneus, sa direction, tout y est prévu pour un travail normal. « Mais, s’est dit M. Grotacco, la plus forte partie du rendement d’une voiture est absorbée par la résistance de l’air. Employons cette résistance ! » Une mince turbine sert à rendre à toute la voiture l’air comprimé à l’avant par sa marche. Ainsi le coupé le plus clos devient aussi venté que la torpédo la plus découverte. Et la turbine peut actionner un petit éventail, souffler sur le café trop chaud, éteindre un allume-cigare, donner le lumbago à un raseur, etc.

Le châssis Grotacco fourmille, à vrai dire, d’idées neuves. M. Grotacco ayant remarqué que beaucoup d’accidents ont lieu après le déjeuner, et que d’autre part c’est une des grandes dépenses du voyage que des repas trop copieux, a monté sur sa voiture un volant extensible. Le chauffeur qui se méfie de lui-même peut en augmenter le diamètre, un peu avant déjeuner, de façon à être obligé à la sobriété.

Le châssis court 10 HP Decidre, pour ménages modernes, ne donne pas la moindre place pour les enfants. Ici encore, c’est un but d’économie qu’on a cherché à atteindre. Plus de berceau, plus de nurse, plus de farine d’orge, plus de livres et de bottines, et plus de frais de lycée ! Le type sport Turco ne laisse de place que pour les bagages les plus réduits, ceux qui conviennent au tourisme. Pas de smoking, pas de robes du soir. Il devient impossible d’aborder les grandes plages, le casino ou le baccara... Économie ! Économie ! Tel est à tous points de vue le mot d’ordre de la construction actuelle.

La vache récalcitrante, par Georges Redon (1903)

La vache récalcitrante, par Georges Redon (1903)

Au stand Dupont, on notera la magnéto qui peut servir pour les massages électriques, le roulement à billes qui peut se démonter et être prêté aux enfants. Trois beaux châssis sont exposés par cette marque, et tous bien appropriés à leur destination.
1° Le châssis de pique-nique : six sièges dépliants ; pare-brise arrière s’ouvrant et formant table ; boîte à glace ; réservoir à insecticide ; levier de vitesse formant ouvre-boîte à conserves.
2° La torpédo d’enlèvement. Deux places. Echelle de soie roulée. Trompe-signal. Troisième place pour la femme de chambre. Sur 10 HP, la carrosserie 10000. Sur 20 HP, la carrosserie 15000. Le constructeur conseille de prendre, en règle générale, 10 HP de plus que n’a la voiture des parents.
Enfin, le châssis de guerre. Blindé, sans pneus, avec T.S.F. pour écouter la Tour Eiffel pendant la longue inaction du front. Ce tout dernier modèle n’a pas de marche arrière, une voiture de guerre ne devant pas reculer...

Un grand effort a été fait par les maisons d’accessoires, pour réduire les prix des objets utiles. Quant aux objets inutiles, leur prix importe peu. L’acheteur d’un accessoire inutile n’a jamais été arrêté par son prix.

CARROSSIERS. Les peintures les plus nouvelles se trouvent chez Durand et Cie. Les carrossiers désireux de séduire leur clientèle y trouveront les vernis les plus rares. Il ne faut pas oublier que si c’est l’homme qui paye la voiture, c’est la femme qui la choisit.

LA PINCE-PIÉTON HEURTAMEZ, brevetée S.G.D.G. Peu de piétons ont compris que si le trottoir, sauf erreur ou taxi emballé, était aux gens à pied, la chaussée était en principe aux voitures. La pince-piéton, placée à l’avant du radiateur, saisit le piéton avant qu’il ne soit accroché ; la pince accessoire lui remet un code de la route, et un phonographe, déclenché aussitôt, lui répète : « Si j’étais aussi négligent que vous, vous ne seriez plus de ce monde... »

LE FOUET À CHIENS, Lamasse et Pitoux, breveté S.G.D.G. Agité par l’arbre de cardan au moyen d’une démultiplication, cet amusant accessoire se passe d’explication.

LE MIROIR À POULETS, placé sur l’aile gauche, montre au chauffeur le poulet qu’il vient d’écraser. Si ce poulet est de bon aspect, et si la route est déserte, dix mètres de marche arrière fourniront à peu de frais le menu du déjeuner.

LE FREIN SIFFLEUR, donnant le son du tramway qui s’arrête, prévient le cycliste qui suit de trop près la voiture, et lui évite le saut périlleux.

LE COIN À PAYSAN, breveté, sert à prendre de biais le paysan qui arrive en face de l’auto, et à le pousser malgré lui sur sa droite.

LES PHARES AHURISSANTS ARGUS, licence Delettre. Le Code de la route a pour principe que chaque voyer de la route a une lanterne ou signale par un feu sa position la nuit. Chacun sait qu’il est naïf de l’espérer ; que jamais un cycliste, un cocher, ou un ivrogne, n’est précédé d’un point lumineux. Les phares Argus, rigoureusement non conformes au Code de la route, éclairent le parcours du chauffeur suffisamment pour que les autres électeurs puissent, comme toujours, se dispenser du lampion obligatoire.

Encore ébloui de toutes ces merveilles, et au moment de franchir les portes du Salon, on trouvera dès la sortie, au-dessous de la rotonde d’Antin, une agence de la Société générale de Crédit Laonnais, qui paye à vue les moindres chèques sous condition d’un dépôt préalable, et remet à toutes les personnes qui désirent acheter une automobile un petit opuscule très spirituellement rédigé, intitulé : Comment faire fortune !


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