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Histoire des Français. Voies navigables, canaux et rivières. Dessèchement marais, navigation. Adam de Craponne

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Histoire des Français
L’Histoire des Français : systèmes politiques, contexte social, population, économie, gouvernements à travers les âges, évolution des institutions.
Canaux artificiels (Premiers)
et voies navigables
(D’après « Histoire anecdotique de l’industrie française » paru en 1861
et « Histoire de l’administration en France et des progrès
du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste
jusqu’à la mort de Louis XIV » (Tome II) paru en 1848)
Publié / Mis à jour le jeudi 22 septembre 2011, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Le creusement de canaux visant à offrir de nouvelles voies navigables et des moyens de communication intérieure, bien que connue de l’Antiquité mais peu pratiquée à grande échelle, fait en France l’objet de projets dès Charlemagne, mais ne trouve sa traduction concrète que dès le XVe siècle, à l’instigation des évêques, puis bientôt de ministres comme Sully ou Colbert, qui y voient une condition sine qua non au développement économique

On a longtemps cru que la force des armes était le principal soutien de la puissance d’un empire ; mais si les combats donnent quelquefois de la gloire, il n’est personne qui ne reconnaisse aujourd’hui qu’on est plus certain de faire découler d’un travail soutenu les sources fécondes de la richesse et du bonheur. Sully fut peut-être le premier qui vit dans la production du sol le principe de la fortune de l’État ; et, en agissant puissamment sur les progrès de l’économie rurale, il chercha à entretenir le labourage et le pastourage, qui étaient à ses yeux les véritables mamelles de la France.

Adam de Craponne

Adam de Craponne

Après lui Colbert, sans négliger l’agriculture, trouva la prospérité réelle du pays dans le développement industriel, et ce fut dans ce but qu’il établit ou encouragea la fondation de nouvelles manufactures. Puis, pour faciliter les communications intérieures, qui donnent la vie au commerce et à l’agriculture, il soutint ou provoqua lui-même la création de divers canaux dans l’intérieur du royaume. La France, à cette époque, avait encore peu fait pour la navigation intérieure, et si les voies de communication sont devenues une affaire d’intérêt général de nos jours, au Moyen Age, il s’en fallait de beaucoup qu’il en fût ainsi.

Des îles et des bas-fonds embarrassaient trop souvent le cours des rivières ; des sables et des terres amoncelées formaient presque partout des obstacles à leur embouchure ; enfin les inondations, comme les eaux trop basses, s’opposaient constamment à la navigation. Cependant on savait, au XVIIe siècle, que les canaux artificiels faisaient disparaître une partie de ces inconvénients, puisqu’on possédait deux ou trois canaux, et on n’ignorait pas que les eaux des sources rassemblées et retenues au sommet des montagnes y pouvaient fournir à la navigation dans des temps de pénurie. Aussi s’occupait-on sur tous les points du royaume, soit des moyens de créer des voies navigables, soit de dessécher les marais par l’écoulement des eaux, soit aussi de tracer des petits canaux ou rigoles d’irrigation, pour répandre la fertilité dans les terres desséchées.

Colbert, qui était convaincu de l’utilité de ces travaux, les encouragea puissamment. Non content d’ordonner les réparations nécessaires à diverses rivières, tant pour les retenir dans leur lit que pour les rendre navigables, il autorisa encore la création de quelques canaux, et laissa en ce genre un modèle qui a servi depuis à tous ceux dont on a doté la France.

En voyant les bienfaits répandus autour de nous depuis cette époque par la création des voies navigables, on est vraiment étonné que notre pays en ait été si longtemps privé. Les Égyptiens sont les premiers qui aient établi des canaux comme voies de communication, et encore la plupart de ces travaux avaient surtout pour but d’employer la surabondance des eaux du Nil à l’irrigation des terres desséchées par le soleil brûlant de l’Égypte. Les plus importants de ces canaux furent le grand canal qui réunissait Alexandrie au lac Maréotis, et le canal de l’isthme de Suez. Ces grands travaux se dégradèrent faute d’entretien ; ils ne permettaient même plus la circulation des barques de pêcheurs à la fin du XVIIIe siècle, lorsqu’à l’époque de l’expédition d’Égypte, les ingénieurs français rétablirent le canal d’Alexandrie.

Dans l’antiquité, on ne connaît guère, en fait d’entreprise de ce genre, que le projet de jonction des golfes qui resserrent l’isthme de Corinthe qu’on ait tenté d’effectuer en ouvrant un canal. Les Étrusques procurèrent à leur tour le dessèchement des marais qui avoisinaient le bas Pô, en creusant les célèbres fosses Philistines ; puis Rome creusa le canal des marais Pontins et exécuta les émissaires, pour assurer le niveau de plusieurs lacs en Italie : dans ce nombre, il faut citer celui qui devait abaisser le niveau du lac Albano, près de Veïes. Un autre ouvrage analogue, mais bien plus important, fut exécuté sous le règne de Claude (Ier siècle ap. J.-C.). Il avait pour but d’opérer le dessèchement du lac Fucin. Trente mille hommes furent employés pendant dix ans à cette immense entreprise ; mais Claude, impatient de voir son œuvre, causa la ruine des travaux qu’il avait fait exécuter, en faisant trop tôt ouvrir les digues, qui renversèrent tout sur leur passage.

Dés les premiers temps de notre histoire, on s’occupa de creuser des canaux. Ces importants travaux furent poussés avec vigueur par les évêques, alors premiers magistrats du pays, et l’on sait que Félix, évêque de Nantes, détourna le cours d’une rivière en Bretagne, tandis que Sidonius, archevêque de Mayence, arrêta par une digue le débordement des eaux du Rhin. Ces prélats travaillaient ainsi au bien de leur diocèse, et ils rappelaient les pontifes de l’antiquité qui avaient jadis tiré leur nom de la construction des ponts, dont ils s’occupèrent si activement.

Charlemagne conçut le projet d’unir par un canal le Rhin au Danube. Ce canal aurait fait communiquer l’Altmühl, qui se jette dans le Danube, non loin de Ratisbonne, avec la Rezat de Souabe, qui se rend dans la Rednitz, affluent du Mein. Le monarque français voulait ainsi réunir les extrémités de son vaste empire ; mais les guerres perpétuelles qu’il eut à soutenir s’opposèrent à la réalisation de ce projet, et l’anarchie des temps qui suivirent éloigna pour plusieurs siècles l’exécution de travaux qui auraient été si utiles au commerce.

Vers le XIe siècle, les villes de la Lombardie s’attachaient déjà à construire des canaux de navigation et d’irrigation. Elles portaient ainsi l’abondance et la fertilité dans des contrées jusqu’alors assez mal cultivées ; mais il faut arriver jusqu’au roi Charles V (fin du XIVe siècle) pour avoir un premier essai de canalisation en France. Christine de Pisan nous apprend que ce prince avait projeté de relier par un canal la Seine à la Loire. Les études furent commencées ; mais la mort du roi fit abandonner ce dessein, qui ne fut repris qu’après un intervalle de plus de deux siècles. Le plus ancien canal de France, celui de la Loire et du Cher, qui n’avait que quelques centaines de toises de long, ne fut creusé qu’au XVe siècle.

Dareste de Chavanne nous apprend dans son Histoire de l’administration en France et des progrès du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste jusqu’à la mort de Louis XIV (Tome II, 1848) que « les premières grandes associations de capitaux pour l’achèvement des travaux publics, dit Dareste de la Chavanne, ne commencèrent que sous les règnes de Charles VII et de Louis XI, et le premier objet qu’elles se proposèrent fut d’améliorer le cours des rivières et de faciliter la navigation. L’Eure fut ainsi rendue navigable en 1472, et la Seine le fut à la remonte jusqu’à Troyes. Ces entreprises étaient l’œuvre de compagnies de marchands qui obtenaient l’autorisation de s’imposer à cet effet, achetaient des droits de péage perçus jusqu’alors par les seigneurs riverains, les percevaient à leur tour et en réglaient l’emploi dans un but d’utilité commune. »

Canal de Durance à Orgon, 1784

Canal de Durance à Orgon, 1784

En 1484, les Etats-Généraux assemblés à Tours avaient énoncé le vœu de la construction d’un canal en Berry. Ce projet, longtemps étudié, fut présenté en 1545 et approuvé en 1554. Malheureusement il ne put encore être mis à exécution ; mais, à la même époque, un ingénieur remarquable, le célèbre Adam de Craponne, put entreprendre et terminer en quatre années le canal qui porte encore son nom.

Adam de Craponne, descendant d’une famille originaire de Toscane, avait vu le jour en 1519, dans la petite ville de Salon en Provence. Né avec la plus heureuse aptitude pour les sciences mathématiques, et surtout pour celle de l’hydraulique, il ne tarda pas à se faire connaître comme ingénieur et géomètre. Bientôt, convaincu que la Provence, avec d’assez nombreux cours d’eau, était pourtant privée d’arrosage, il porta tous ses efforts vers les moyens de doter sa patrie d’un canal d’irrigation, et un jour, persuadé de la réalisation possible du projet qu’il avait conçu, il adressa au roi une demande pour obtenir l’autorisation d’établir un canal de jonction de la Durance au Rhône.

Depuis quelque temps, Henri II s’était attaché ce grand ingénieur. Il lui avait donné la direction de tous les travaux considérables qui s’exécutaient alors, et, à ce moment, il présidait au dessèchement de plusieurs marais sur le littoral de la Méditerranée, depuis Arles jusqu’à Nice. Le roi écouta donc favorablement la requête d’Adam de Craponne, et, par lettres patentes de 1554, il lui concéda le droit de faire et d’établir un canal qui réunirait les eaux du Rhône à celles de la Durance, en passant par la ville de Salon et communiquant avec l’étang de Berre. Aussi prompt à exécuter qu’à concevoir, Craponne se mit aussitôt à l’œuvre : il dirigea les travaux , pourvut à tout, et parvint enfin, en moins de quatre ans, à ouvrir son canal depuis la prise d’eau jusqu’au delà du territoire de Salon.

Voici comment l’historien de la Provence, César de Nostredame, rend compte de l’œuvre de ce célèbre ingénieur : « Adam de Crappone entreprend une entreprise l’an cinquante-septième du siècle, dont l’histoire doit faire compte et mémoire à tout jamais. En ce temps ce gentilhomme cognoissant que sa ville estoit en une extrême nécessité de moulins, et que son territoire (...) par les pointes aspres et violentes des mois plus bruslants et des plus violentes chaleurs, souffrait maintes fois des soifs et sécheresses extrêmes, dont les fruits et les herbages se trouvoient tout eslangorez, arides, transis et sans liqueur, perte aux habitans inestimable, pensa de suppléer au deffaut des eaux et pluyes du ciel, et par l’art de subvenir à la nature. Et comme il estoit d’un vif et très noble entendement, il s’advisa de tirer de l’immaniable, turbulente et limoneuse Durance, un petit bras d’eau au lieu de la Roque, qu’il mena par un petit canal environ trois ou quatre lieues jusques aux portes de Salon.

« Là tout le peuple assemblé (...) receut cette eau avec applaudissement, estonnement, et joye autant croyable qu’inespérée. En ce principalement que plusieurs sages avoient creu, voire mesme semé que Crappone avoit entrepris l’infaisable et l’impossible. Ce premier et noble essay fut apperceu un dimanche 23 de may, et peu après conduit par un fossé de huit à dix pans de large, de diverse profondeur, selon les lieux plans ou montueux et les diverses tortuosités et volume de son passage, tellement à son niveau que le dernier jour d’avril de l’an cinquante-neufviesme, il fut à sa perfection, et passa dans Salon, à l’usage d’infinis moulins et d’innombrables, plaisants et fructueux arrousements qui furent construits et tirés dès lors par mille diverses branches, ruisselets et saignées du maistre et principal canal. Pour l’excellence de son esprit et de ses ouvrages, le roy fit un don de ceste eau, comme d’un fief perpétuel à Crappone et aux siens. Ce canal qui porte encore aujourd’huy le propre nom de son autheur, le mit en telle estime et tel bruit qu’il ne se parloit que de luy. »

Mais il arriva que le fondateur du canal avait alors épuisé ses ressources. Manquant de fonds, ne pouvant plus emprunter, il aliéna sa propriété, moyennant de très faibles sommes d’argent comptant, et abandonna à ses créanciers les principales concessions d’eau qui devaient en faire un jour le revenu. Ainsi, cet homme de génie, qui de prime abord s’était placé au rang des plus célèbres ingénieurs de son temps, se trouva obéré par sa première entreprise. Il fut forcé de l’abandonner inachevée, et ses créanciers, s’étant réunis longtemps après, formèrent, par transaction du 20 octobre 1571, une société par laquelle ils répartirent entre eux les bénéfices du canal, en s’engageant également à fournir les frais nécessaires tant à sa continuation qu’à son entretien.

Ce fut à peu près vers le temps où il venait de traiter de la cession de ses droits qu’Adam de Craponne fut envoyé à Nantes par Henri II, pour y vérifier des travaux qu’on avait dû faire à la citadelle. Le savant ingénieur crut devoir remplir sa mission loyalement et en véritable sujet dévoué au roi. Il examina avec conscience, repoussa les offres des entrepreneurs pour garder sa liberté, et n’hésita pas à signaler des vices de construction et des matériaux défectueux qui réclamaient impérieusement la démolition des ouvrages. Mais ce rapport trop consciencieux lui fut fatal. A quelque temps de là, un peu après la mort d’Henri II, en 1559, il fut empoisonné par ceux mêmes dont il avait dénoncé l’ignorance et la mauvaise foi.

Ainsi mourut Adam de Craponne, dont Henri II avait su apprécier le caractère et les talents. Il était à peine âgé de quarante ans, et déjà il avait créé une œuvre qui devait transmettre son nom à la postérité. Il avait en outre conçu la pensée de joindre les deux mers en unissant la Saône à la Loire par un canal qui aurait traversé le Charolais. Cette entreprise, adoptée par Henri II, fut abandonnée à la mort de ce prince, et remplacée sous Henri IV par le canal de Briare. Il forma aussi le projet du grand canal de Provence, qui devait porter les eaux de la Durance, depuis le rocher de Cante-Perdrix, au-dessus du village de Peyroles, jusqu’à l’étang de Berre, en passant, par la ville d’Aix.

Ce projet, repris sous Louis XIII et sous Louis XIV, était un des plus utiles et des plus grands qui eussent pu illustrer un règne ; mais l’exécution n’en fut commencée qu’en 1752, et bientôt on dut l’abandonner faute de fonds.

 
 
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