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Traque de célébrités par les paparazzis. Photographes indiscrets. Clichés volés pour des journaux. Procès et indemnités

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Anecdotes insolites
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Paparazzis : déjà à l’affût du cliché
lucratif et conspués il y a un siècle
(D’après « Les Annales politiques et littéraires. Revue
universelle paraissant le dimanche », n° du 29 janvier 1911)
Publié / Mis à jour le lundi 12 décembre 2016, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
La traque, par des photographes indiscrets, de Marthe Steinheil, fille de la célèbre maîtresse de Félix Faure, donne en 1911 l’occasion aux Annales politiques et littéraires de dénoncer les amendes minimes infligées aux persécuteurs dont c’est le gagne-pain, et de fustiger tant l’abus qui, réitéré, a ainsi acquis une sorte d’impunité, que la complaisance de magistrats flattés d’être croqués tout vifs par ces mêmes « paparazzis » lors de ces retentissants procès

Une étrange mésaventure vient d’être infligée à Mlle Marthe Steinheil. Comme elle sortait de son domicile, impasse Ronsin, elle aperçut deux objectifs braqués sur elle, et qui la guettaient. Déjà, la veille, pour les fuir, elle avait dû se réfugier dans une maison voisine. Elle voulut de nouveau se dérober à cette importunité irritante.

Enfin seule et à l'abri des regards indiscrets

Enfin seule et à l’abri des regards indiscrets

Mais l’un des photographes la saisit par les épaules, la maintint de force au milieu de la chaussée, tandis que l’autre opérait... Le lendemain, elle eut le désagrément de voir son portrait — et quel portrait ! — reproduit dans les journaux. Mlle Steinheil est une personne réservée, discrète. Elle a beaucoup souffert du procès dont sa mère fut l’héroïne, du bruit fait autour de son nom. Un moment, elle songea à embrasser la vie monastique. Elle désirerait au moins qu’on la laissât en paix, qu’on l’oubliât, qu’on ne révélât pas au public les petits secrets de son humble et modeste existence de travailleuse.

Nous concevons l’indignation qu’elle éprouve. Elle a déposé une plainte entre les mains du commissaire de police. Qu’en adviendra-t-il ? Ses persécuteurs seront condamnés à une amende minime. Ils recommenceront. Ils ne renonceront pas à ces procédés désobligeants. C’est leur métier, leur gagne-pain... Vainement, en pareil cas, a-t-on recours à la loi. La loi est inefficace. Fût-elle même plus rigoureuse, qu’elle serait impuissante contre un usage maintenant établi. Les mœurs évoluent. Elles excusent, elles autorisent certaines pratiques qui, autrefois, eussent été proclamées scandaleuses.

Voilà quinze ans environ, parut un livre qui souleva de piquantes polémiques. L’auteur, un jurisconsulte d’outre-Rhin, M. Keysner, développait cette thèse : « Mon image, disait-il, n’appartient qu’à moi ; j’ai le droit de la saisir chez tous ceux, qui, sans ma permission, la détiennent et de leur réclamer des dommages-intérêts. »

On lui fit observer que son argumentation, théoriquement juste, était, dans la réalité, paradoxale et chimérique. Un peintre vous met sur la toile. Pouvez-vous lui défendre de conserver un crayon de son tableau ? Quelqu’un s’amuse à tirer de vous un instantané. Pouvez-vous l’empêcher de coller sur son album une épreuve de cette photographie ? Voyez-vous un huissier venant instrumenter au domicile de l’amateur et lui intimant l’ordre de détruire sa collection de clichés ? L’officier ministériel serait immédiatement jeté à la porte, avec les bonnes injures dont Dorine gratifie M. Loyal...

Le sévère M. Keysner dut avouer qu’il poussait un peu loin l’intransigeance. Il ne se tint pas pour battu. « J’ai, du moins, reprit-il, un droit, un droit absolu... C’est d’interdire l’exposition publique et la reproduction de mes traits, ou de subordonner cette publication à mon consentement préalable. »

Ce terrain est plus solide. En effet, il semble excessif qu’un quidam se permette, sans autorisation, d’user à son profit d’un document destiné à un autre objet et obtenu, le plus souvent, par surprise... Ce délit flagrant comporte une sanction. Mais, dans le train ordinaire de la vie, cette sanction devient illusoire. L’abus réitéré et multiplié acquiert une sorte d’impunité. Sa fréquence désarme la conscience des juges.

Comment séviraient-ils contre un acte qui s’accomplit quotidiennement et n’éveille aucune ! protestation ? Frapper les feuilles qui s’en rendent coupables, grand Dieu ! mais elles ne vivent que de cela ! Elles ne s’alimentent que d’informations, d’interviews, de commérages. Les reporters envahissent l’enceinte même de la justice, les couloirs du Palais, les salles d’audience ; ils s’insinuent parmi les jurés, assistent à l’instruction, parfois la dirigent. Le président d’assises, le ministère public, l’avocat, l’accusé, les témoins, sont croqués tout vifs.

Tel est pris qui croyait prendre

Tel est pris qui croyait prendre

Et le malheur, c’est que beaucoup d’entre eux ne haïssent pas ce débordement d’indiscrétion qui flatte leur amour-propre et leur donne, pour un jour, l’illusion de la gloire... Comment des magistrats réprimeraient-ils l’excès de cette publicité dont ils sont friands ? Dernièrement, ils formulèrent un arrêt qui emplit de joie les photographes et les journalistes. Ils décidèrent qu’on avait le droit de faire paraître le portrait de « tout individu qui, par sa fonction ou sa profession, l’éclat de ses services, sa notoriété présente ou passée, au point de vue de l’histoire, de l’intérêt ou de la curiosité, est entre dans le domaine de la critique ou appartient à l’art ».

Ce jugement, c’est la proclamation officielle d’un état de choses définitivement acquis. Oui, certes, les us et coutumes ont changé. Jadis, les femmes du monde eussent trouvé de mauvais ton que l’on parlât d’elles dans les gazettes. Maintenant, elles sont ravies d’y voir citer leurs noms et les noms de leurs invités, d’y lire la description de leurs dîners et de leurs bals.

Celles — j’en connais — qui désapprouvent ces agissements, n’osent, par timidité ou faiblesse, s’y soustraire. Elles craignent qu’on ne les accuse de se singulariser, qu’on ne les traite de poseuses. Elles protestent antérieurement, puis se résignent... Il faudrait réformer les moeurs. Cette réforme ne dépend ni de vous, ni de moi. Chacun, bon gré mal gré, suit le courant. Je crois que le mal est sans remède...

Note : le mot paparazzi n’existait pas en 1911, et sa naissance le dut au film La Dolce Vita (1960) de Federico Fellini, dans lequel le héros est souvent accompagné d’un jeune photographe du nom de Paparazzo.

 
 
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