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Histoire de France par Jacques Bainville. Louis XIV. Partie 2

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Histoire de France
L’Histoire de France par Jacques Bainville : 2000 ans d’Histoire de notre pays, des Gaulois jusqu’au début du XXe siècle. Événements, contexte historique.
Louis XIV
(Chapitre 13 - Partie 2/3)
(par Jacques Bainville)
Publié / Mis à jour le dimanche 10 juillet 2011, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Les historiens aiment tant à blâmer et contredire qu’ils reprochent en général à Louis XIV d’avoir été trop timide à ce moment-là, avant de lui reprocher d’avoir été plus tard téméraire. Ils disent qu’en 1668 la France pouvait s’étendre d’un coup jusqu’à Anvers, c’est-à-dire écraser dans l’œuf la future Belgique.

Louis XIV jugea mieux qu’eux. Il savait que l’Angleterre n’avait renoncé à Calais qu’à contre cœur et nous souffrait difficilement à Dunkerque. À Anvers, c’était une hostilité certaine et la politique française avait besoin que l’Angleterre restât neutre pour exécuter un plan qui n’était en somme, que le plan de sécurité de Vauban. Les Français de cette époque rêvaient peu, ou leur imagination était réaliste. Ils se souciaient moins d’agrandir leur pays que de le protéger. La possession de Lille leur apparaissait surtout comme celle d’une bonne place de couverture. À chaque ville prise, Vauban creusait des fossés, construisait des courtines et des demi-lunes, et, depuis, ses travaux ont servi chaque fois que nous avons été attaqués. On comprend que Louis XIV ait écouté distraitement Leibniz qui lui conseillait de laisser les bicoques de la Meuse et de l’Escaut pour conquérir l’Égypte et l’Inde. On a même écrit avec dédain que la politique de Louis XIV avait été d’esprit terrien, c’est-à-dire terre à terre. On veut dire que, malgré le style ample du siècle et la manière majestueuse dont Louis XIV a parlé de sa gloire, cette politique était celle du bonhomme Chrysale, qui préférait la bonne soupe au beau langage.

Nous nous sommes étendu sur la première grande opération politique et militaire que Louis XIV ait entreprise parce que le reste y est en germe. Que résultait-il de cette expérience ? Que, pour compléter la France du nord, il fallait venir à bout des Hollandais. Pour venir à bout des Hollandais, il fallait d’abord dissoudre leurs alliances. Le Stuart fut repris, en main. Pour la Suède, on mit l’enchère sur les florins de la Hollande. Les princes allemands furent en grand nombre gagnés par des subsides et nous étions comme chez nous chez notre allié l’électeur de Cologne. C’est ainsi qu’en 1672 la Hollande put être envahie par une puissante armée française. Cette campagne, qui s’annonçait comme facile, fut pourtant le début d’une grande guerre qui dura six ans.

Tout eût peut-être été fini en quelques semaines si, par un excès de prudence, nous n’étions arrivés trop tard à Muyden où se trouvaient les principales écluses. La Hollande s’inonda pour se sauver et mettre Amsterdam hors d’atteinte. Elle fit plus : elle renversa la République bourgeoise, où nous gardions encore des amis, pour donner le stathoudérat, c’est-à-dire la monarchie, à Guillaume d’Orange, notre adversaire obstiné. Tout changea par la résistance de cette petite nation passée du régime républicain au régime monarchique et militaire. La France fut tenue en échec. Guillaume d’Orange s’appliquait partout à lui susciter des ennemis. Il travaillait l’Angleterre protestante contre Charles II. Il s’alliait à l’électeur de Brandebourg (la Prusse de demain), à l’empereur, à l’Espagne même, à tout ce qui avait des rancunes contre nous, à ceux qui auraient bien voulu détruire les traités de Westphalie et des Pyrénées. Ainsi se forma une première coalition, encore faible et chancelante, à laquelle la France résista victorieusement et sans grande difficulté. L’abstention de l’Angleterre ne nous créait pas de péril maritime et, sur le continent, il nous était facile de lancer la Suède et les Polonais contre les Brandebourgeois, les Hongrois contre l’empereur, et de nourrir des insurrections contre le roi d’Espagne, sans compter les États allemands qui nous restaient fidèles, comme la Bavière, ou qui le redevenaient soit par crainte des Habsbourg, soit à prix d’argent.

Il n’en est pas moins vrai que la situation était renversée la France dut se mettre sur la défensive. Un moment, l’Alsace, que l’empereur rêvait de nous reprendre, fut envahie et c’est là que périt Turenne. Mais la France était forte sur terre et sur mer et elle était riche. Notre armée progressait, lentement, mais sûrement, dans la Flandre, qui restait notre objet principal. Notre marine, l’œuvre de Colbert, s’aguerrissait et l’illustre Ruyter était battu par Duquesne. Malgré la ténacité du stathouder, les Hollandais se lassaient, commençaient à prendre peur et nos amis du parti républicain demandaient la paix. De son côté, Louis XIV désirait en finir. Il ne cessait d’avoir les yeux fixés sur l’Angleterre qui nous échappait : Charles II, cédant peu à peu à l’opinion publique, venait de donner sa nièce Marie en mariage à Guillaume d’Orange. Enfin, la paix étant mûre fut signée à Nimègue en 1678 et Louis XIV put y imposer ses conditions, toujours inspirées des mêmes principes : des agrandissements calculés en vue de la sécurité de nos frontières. Des places trop avancées furent restituées à l’Espagne : Gand, Charleroi, Courtrai. Mais nous gardions Valenciennes, Cambrai, Saint-Omer, Maubeuge, soit la moitié de la Flandre, plus la Franche-Comté qui couvrait la France à l’est. La France prenait ainsi sa figure et ses dimensions modernes. D’autres dispositions du traité, subies par l’empereur, préparaient l’annexion du duché de Lorraine. D’autres encore, mettant à notre discrétion la rive gauche du Rhin, nous protégeaient, de ce côté vulnérable, contre les invasions. Tout cela était conforme à un système de prévoyance et de prudence auquel la postérité a bien mal rendu justice. On honore le nom de Vauban sans savoir que les conquêtes de Louis XIV, conquêtes de sûretés et de places fortes, ont été pour ainsi dire réglées par lui.

La ceinture de la France était à la fois élargie et mieux fermée : ce résultat avait été acquis grâce aux traités de Westphalie et des Pyrénées qui nous avaient affranchis de la pression allemande et de la pression espagnole, grâce encore, c’est un point sur lequel on ne saurait trop insister, aux circonstances soignées et exploitées par notre action diplomatique, qui avaient tenu l’Angleterre à l’écart. Si l’Angleterre s’était tournée contre nous un peu plus tôt, il n’est pas certain que notre entreprise de Flandre eût mieux réussi que sous les Valois. Mais nous approchons du moment où l’Angleterre s’opposera à la politique française, prendra la tête des coalitions et les rendra redoutables. Nous entrerons alors dans une période de difficultés et de périls, une sorte de nouvelle-guerre de Cent Ans, qui ne sera pas plus que l’autre une guerre de tous les jours, mais qui ne se terminera qu’au dix-neuvième siècle, à Waterloo.

Il y eut, en attendant, un répit pendant lequel l’État français, ayant en somme dicté ses conditions à Nimègue, parut dans toute sa puissance. Louis XIV en profita pour fermer encore quelques trouées, supprimer les enclaves gênantes et choquantes qui subsistaient au milieu de nos possessions nouvelles. La méthode adoptée fut de prononcer l’incorporation au royaume par des arrêts de justice fondés sur l’interprétation des traités existants et appuyés au besoin par des démonstrations militaires. C’est ainsi qu’il fut procédé en Franche-Comté, en Alsace et en Lorraine. C’est ainsi qu’en 1681 Strasbourg devint français, par arrêt de justice avant de l’être de cœur, ce qui ne tarda pas.

Ces annexions en pleine paix, selon une méthode fort économique pour nous, et que l’on appela d’un mot très juste des « réunions », causèrent du mécontentement en Europe. L’Allemagne s’émut. Mais ni l’empereur, menacé par les Turcs jusque sous les murs de Vienne, ni les pacifiques bourgeois hollandais, revenus à leur négoce, n’étaient en état ou en humeur d’entreprendre la guerre. L’Angleterre était toujours neutre, notre diplomatie dissuada les princes allemands d’intervenir, et, par la trêve de Ratisbonne, les « réunions » furent provisoirement acceptées par l’Europe. C’était encore un succès, mais fragile. Le péril d’une coalition était apparu et l’on découvrait que l’Europe n’acceptait pas les agrandissements de la France, qu’à la première occasion elle s’efforcerait de nous ramener à nos anciennes limites. Dans cette situation, les ressources diplomatiques n’étaient pas négligées mais elles s’épuisaient. Louis XIV pensa que le seul moyen était d’imposer, car « si la crainte qu’il inspirait venait à cesser, toutes les puissances se réuniraient contre lui ». C’est ainsi que, dans plusieurs affaires qui se présentèrent alors (par exemple le bombardement de Gênes, qui mettait ses navires au service de l’Espagne), on reproche au roi d’avoir bravé l’Europe, de même qu’on lui reproche d’avoir manqué d’audace dans la première campagne de Flandre. Il est facile de blâmer à distance. Sur le moment, le parti à prendre n’est pas si commode. On dit que Louis XIV a provoqué la coalition. Est-on sûr qu’il ne l’eût pas encouragée en donnant une impression de timidité et de faiblesse ? Déjà Guillaume d’Orange et l’empereur Léopold s’entendaient secrètement. La révocation de l’Édit de Nantes, sur ces entrefaites, donna un aliment à la propagande anti-française dans les pays protestants. Mais les protestants n’étaient pas nos seuls ennemis. L’empereur, de son côté, se chargeait d’exciter les. pays catholiques en accusant Louis XIV d’être l’allié des Turcs. Le roi eut même un grave conflit avec le pape Innocent XI. Avignon fut occupé et il s’en fallut de peu que le marquis de Lavardin, entré à Rome avec ses soldats, n’imitât Nogaret : c’est la curieuse ressemblance, que nous avons déjà signalée, de ce règne avec celui de Philippe le Bel.

La ligue d’Augsbourg se forma dans ces circonstances. Elle fut loin, au début, de comprendre toute l’Allemagne et toute l’Europe. Elle devait bientôt se compléter. La chose la plus grave était en voie de s’accomplir : l’Angleterre tournait du côté de nos ennemis. L’opposition contre Jacques II grandissait et sept membres de la Chambre des lords avaient pris l’initiative d’offrir le trône à Guillaume d’Orange. Quand Louis XIV proposa à Jacques II de le soutenir, il eut la désagréable surprise d’être repoussé par le Stuart, qui, de crainte d’être définitivement compromis par l’alliance française, se priva de son unique secours. Ne pouvant plus compter sur Jacques II, Louis XIV prit le parti de laisser faire, dans l’idée que l’usurpation de Guillaume d’Orange entraînerait une longue guerre civile et immobiliserait l’Angleterre et la Hollande à la fois. Ce calcul se trouva faux. Le prince d’Orange débarqua en Angleterre et détrôna son beau-père, sans difficultés. (1688) Les efforts des Stuarts pour reprendre leur couronne seront vains. Désormais l’Angleterre nous est hostile. Elle ne fait plus qu’un avec la Hollande. Toute la politique de l’Europe est changée.

Louis XIV, qui pressentait ces événements, n’avait pas voulu les attendre. Étant donné l’attitude qu’il avait prise, son dessein était d’user d’intimidation et de précaution. Sans déclarer la guerre, il annonça qu’il était obligé d’occuper la rive gauche du Rhin et une partie de la rive droite afin que l’Empire ne pût s’en servir comme d’une base militaire contre la France. En dévastant le Palatinat de l’autre côté du Rhin, ravage que les Allemands nous reprochent encore comme s’ils n’en avaient pas commis bien d’autres, Louvois suivit brutalement la logique de cette conception défensive : pour se donner un glacis plus sûr, il mit un désert entre l’Empire et nous. Louis XIV blâma ces violences contraires à notre politique d’entente avec les populations germaniques. Par le fait, pendant toute la guerre, qui dura de 1689 à 1697, le glacis fut infranchissable, malgré le nombre de nos ennemis, et l’importance des forces qui nous attaquaient. D’ailleurs ces préparatifs en pays rhénan étaient accompagnés de grands travaux sur les autres parties de la frontière. La politique de Louis XIV restait fidèle à son principe : entourer la France de forteresses et de tranchées, fermer toutes les trouées, barrer les routes d’invasion. C’est pourquoi le roi voulut, dès le début de la campagne, s’emparer de Mons et de Namur, qui couvrent la vallée de l’Oise. Ne pouvant emporter de front ce système imprenable, l’ennemi songea à le tourner par la Suisse. Les traités d’amitié conclus avec les cantons nous mirent encore à l’abri de ce côté-là.

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