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Histoire faune et flore. Orme de Sully à Vernou-sur-Brenne. Palais de Pépin le Bref. Pâques autour de l'orme

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Faune, Flore
Arbres célèbres, vertus des plantes, croyances liées aux animaux. Faune et flore vues par nos ancêtres. Balade au coeur des règnes animal et végétal
Orme (L’) de Vernou planté par Sully
et Palais de Pépin le Bref
(D’après « Pages oubliées. Légendes et traditions », paru en 1909)
Publié / Mis à jour le mercredi 27 mars 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
« Les promeneurs vont au-delà de l’histoire chercher de la fantaisie dans les broderies des légendes », écrit Gaston Bonnery au début du XXe siècle, qui évoque avec émotion quelques « figures » de Vernou (Indre-et-Loire), non seulement son orme, que l’on affirme avoir été planté par l’illustre Sully, ministre du roi Henri IV, mais encore le « Palais de Pépin de Bref »

Les arbres remplissent un rôle dans notre vie, tantôt historique, tantôt légendaire. On aime les vieux arbres feuillus, auxquels les habitants originaires d’un pays donnent parfois un nom comme à de bons géants ; nos ancêtres non évangélisés, leur rendaient un culte ainsi qu’à une divinité. On conserve encore sur notre sol une coutume, vestige des superstitions gauloises, de demander des étrennes au jour de l’an avec l’antique formule : « au gui l’an neuf ». On sait que le gui est une plante parasite du chêne, qu’il est toujours vert et qu’il est pour nos pays un symbole de joie et d’immortalité.

L'orme de Sully

L’orme de Sully

Les arbres historiques deviennent de plus en plus rares, quelques vétérans superbes aux proportions phénoménales et dont l’énorme tronc se profile sous le parasol gigantesque de leur feuillage ombreux, demeurent encore debout, victorieux des événements et des siècles. C’est le chêne de la Vierge en forêt de Château-la-Vallière ; le chêne-pommier sous les hautes futaies de Champ-Chevrier, où résonnent les bruyants hallalis annonçant que les bêles fauves sont aux abois ; les cèdres qui ornent de leurs longues chevelures de vert émeraude la terrasse de Rochecottes et la cour de l’ancien archevêché ; le marronnier planté par François Ier au château de Loches, ainsi que quelques autres plusieurs fois séculaires dont les restes ont été oubliés par la hache du bûcheron. La longévité de nos arbres ne remonte pas au-delà du VIIe siècle, le vingt-et-unième canon du Concile de Nantes en 658, ayant enjoint aux évoques de faire abattre et brûler les arbres que le peuple révérait encore.

C’est à l’ombre de ces monuments de verdure que selon les vieilles traditions, Saint-Louis avait faim et soif de la justice. Là, qu’il inspira une crainte salutaire des châtiments temporels et spirituels encourus par ceux qui outrageaient la Divinité. De son temps, en effet, proférer un blasphème, comme faire un faux serment, inspiraient une horreur générale. Nous sommes loin de ces époques héroïques où l’on se signait au seul nom de Dieu. Les rois et les grands personnages avaient une certaine façon de tenir des discours où le saint nom de Dieu se trouvait toujours mêlé.

A citer ce quatrain de Brantôme en ses nombreux écrits naïfs et piquants :

Quand la Pâque – Dieu décéda (Louis XI).
Par le jour Dieu lui succéda (Charles VIII).
Le diable m’emporte s’en tint près (Louis XII).
Foi de gentilhomme vint après (François Ier).

C’était encore à l’abri protecteur de l’ombrage des arbres que les coupables étaient livrés à la justice, et les innocents rendus à la liberté. Par ce moyen le mal était changé en bien et le faux en vrai. De là que s’est perpétué jusqu’à nos jours cette expression : « Clameur de Haro », cri de justice qui faisait suspendre tout acte commencé. A notre époque la justice humaine réprime, c’est fort bien ; mais prévenir ou réparer ce serait mieux. Jadis la prophétesse Debora ne jugeait-elle pas le peuple juif sous un palmier qui portail son nom. Sur la montagne d’Ephraïm, les enfants d’Israël montaient vers elle, pour faire juger leurs différends.

Il est à Vernou, sur les rives riantes de la Loire, un orme, coq du village, dont la sève se dessèche et montre un tronc noirci par de longs sillons entr’ouverts. Un corset de fer soutient sa lige noueuse, chaque cinquantaine détache une nouvelle branche préparant lentement sa décrépitude ; les béquilles de fer qui servent d’appui à son front de verdure se courbant péniblement en voûte, n’empêcheront pas la nature de décomposer ce que l’homme a cherché à sauvegarder. On sait que Sully avait proposé au roi Henri IV d’obliger les particuliers à mettre des ormes le long des chemins pour les orner. C’est une tradition locale que cet orme a été planté par Sully, Baron de Rosny, ami et ministre de Henri IV, seigneur de Béthune, qui fut créé duc par son illustre maître, en souvenir de sa collaboration à l’Edit de Nantes.

L'orme de Sully

L’orme de Sully

À l’ombre de cet orme, combien de mortels sont nés, combien sont descendus dans la tombe, que de serments d’amours buissonnières, que d’échos du fracas de la guerre ou d’étincelles de liberté ? Les habitants paraissent éprouver pour ce vieil arbre un sentiment tout particulier ; car, si sa longévité intéresse comme celle d’un être vivant, il évoque aussi un souvenir de réconciliation entre catholiques et protestants. Les promeneurs vont au-delà de l’histoire chercher de la fantaisie dans les broderies des légendes. Aujourd’hui, que tout est prose en comparaison de la poésie du passé, un tramway à vapeur conduit de Tours à Vouvray, d’où l’on gagne à pied Vernou, mais la promenade est fort belle et l’on est dédommagé amplement de la fatigue.

Autrefois le territoire était couvert de bois et la forêt de Brimars s’étendait sur la Brenne. Au XVIe siècle encore, les moyens de communication n’étaient pas faciles, témoin l’extrait d’une lettre de Henri IV à son ministre. Le roi de France n’avait qu’une coche ; or, quand Marie de Médicis s’en servait, Henri était obligé de rester au logis. « Je ne pourray, écrivait-il à Sully, aller vous trouver, ma femme ayant pris ma coche. » Et quant à Sully, il n’allait au Louvre qu’en housse, c’est-à-dire à cheval. Il trottait après le roi. Parler de l’orme de Sully, c’est évoquer une des pages les plus vivifiantes de notre histoire nationale. Au courage et à la grandeur d’âme, le ministre habile entre tous, joignait autant de science et d’éloquence que le comportait le siècle où il vivait.

L émigration des ouvriers agricoles vers les grandes villes ne se faisait pas encore sentir d’une manière aussi douloureuse que de nos jours ; aussi Sully protégeait-il l’agriculture. Il aimait à répéter ces paroles : « Labourage et pastourage, sont les deux mamelles dont la France est alimentée, les vrayes mines et trésors du Pérou. » Il s’endormit comme un ouvrier robuste, à la fin de sa tâche. A Nogent-le-Rotrou s’élève le tombeau de Sully, construit par Rachel de Cochefilet sa veuve. De ce ministre, qui eut la fortune de bien servir la France, et de laisser un nom respecté, la part qu’il a faite aux pauvres de sa fortune, est la seule qui soit arrivée à sa vraie destination.

Pour en revenir à l’arbre qui est l’objet de ce récit, cet orme de Vernou a remplacé un chêne qui au Moyen Age prêtait son ombrage à certaines réjouissances publiques au lendemain des pompes religieuses de Pâques. Un vieux chroniqueur se plaît à nous en raconter un de ces usages. Dans les fêles populaires du Moyen Age, on remarque un mélange de gravité et de plaisanterie. Ces réjouissances mi-religieuses, mi-profanes ne pouvaient être innocentes que grâce à la naïveté de nos pères.

« Chaque année, à celte époque, dit-il, autour de l’arbre s’assemblaient les femmes mariées depuis la Pâque précédente, puis M. le Curé, revestu de son surpely, étole et bonnet carré, venait saluer la société. Les jeunes femmes exécutaient autour de lui, un branle ou danse en rond, en chantant une mélopée naïve comme « Attendez-moi sous l’orme », chanson qui réveille un vieil usage remontant au temps même des patriarches. Ensuite, la dernière mariée de l’année, allait saluer le Pasteur du troupeau et luy donnait un baiser, puis M. le Curé, saluait les autres et donnait à son tour le baiser à celle des femmes qu’il voulait, et il était obligé de lui donner un denier argent. »

La Brenne coulant à Vernou-sur-Brenne

La Brenne coulant à Vernou-sur-Brenne

Cette scène originale se terminait par un léger goûter auquel prenaient part le clergé, et la jeunesse du pays ; bourgeois et hommes de guerre, matrones et gentes bachelettes revêtues de leurs plus beaux atours se confondaient dans une même gaieté. Il n’y a que le malheur qui rend soupçonneux et défiant. Non loin de I’orme, près du portail de l’église, on voyait naguère une large pierre avec quelques degrés dite le Perron. Cette pierre servait à monter à cheval et à descendre. Au Moyen Age, en effet, on mettait une semblable pierre servant de montoir, près des édifices publics, châteaux et maisons particulières. Si les vieux nobles dissimulaient le culte orgueilleux de leur naissance, leurs femmes en faisaient aisément parade par vanité. C’était une coutume que les gens d’une certaine noblesse fissent usage d’une mule, alors que les femmes voyageaient dans des charrettes avec bonne paille fraîche, et que les chambrières suivaient à âne, accompagnées des gens de bagages marchant pédestrement.

Il est encore à Vernou une ruine qui présente un caractère antique connu sous le nom de « Palais de Pépin le Bref ». C’est un pan de mur en pierres régulières de petit appareil sans chaînes, de briques, mais unies par un ciment plus dur que les pierres elles-mêmes. Les arcades en plein cintre ont leurs voussoirs formés de briques accolées, séparés par des claveaux. L’obscurité qui enveloppe parfois les premiers temps de notre histoire monumentale, n’est pas si impénétrable qu’on ne puisse la forcer, pourtant il est nécessaire de marcher prudemment, de recueillir avec soin les moindres renseignements, d’interpréter les textes sans jamais les prendre à la lettre. Aussi que d’images historiques surgissent en face de ces pierres noircies par le temps.

Les uns ont voulu voir les restes d’un monument du maire du palais de Neustrie. Pépin le Bref, en effet, après sa conquête de l’Aquitaine sur Hunald, aurait établi en ce lieu une résidence à l’un de ses gouverneurs. Suzerain de l’Aquitaine, Pépin le Bref acquit de plus un titre de reconnaissance de la part de la chrétienté, en donnant la Pentapole italienne qu’il venait de conquérir sur les Lombards au Saint-Siège, donation qui créa la puissance temporelle des papes, et que Charlemagne, son fils, confirma, mais qu’une main sacrilège a osé ravir.

D’autres ont voulu voir les débris de la basilique de Vernadum fondée par saint Perpet au Ve siècle. Ne faudrait-il pas y voir les ruines d’un château ayant appartenu aux archevêques de Tours, qui étaient barons de Vernou, maison seigneuriale incendiée par les troupes d’Hugues d’Amboise à son retour de la croisade entreprise par Godefroy de Bouillon.

 
 
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