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1er mars 1699 : entrée en vigueur du droit des pauvres prélevé sur la recette des théâtres

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1er mars 1699 : entrée en vigueur
du droit des pauvres prélevé
sur la recette des théâtres
(D’après « L’État et les théâtres » (par Jean Rouxel) paru en 1877,
« Éphémérides universelles, ou tableau religieux, politique, littéraire,
scientifique et anecdotique, présentant, pour chaque jour de l’année,
un extrait des Annales de toutes les nations et de tous les siècles, depuis
les temps historiques jusqu’à nos jours » (Tome 3) édition de 1835,
« Causes de la décadence des théâtres à Marseille » paru en 1859
et « Réclamation de MM. les directeurs des théâtres de Paris, au sujet
de l’impôt établi sous le nom de droit des pauvres » paru en 1833)
Publié / Mis à jour le vendredi 1er mars 2024, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
Un siècle et demi après une première expérience, depuis abandonnée et oubliée, de prélèvement d’un impôt sur le théâtre en faveur des pauvres, l’arrêt de 1699 enjoint aux comédiens de donner le sixième de la recette aux pauvres de l’hôpital général, les directeurs d’établissements détournant aussitôt la loi en augmentant le prix des places

Au Moyen Age, il n’y avait point de droits des pauvres sur le théâtre. Le premier monument de la misère en France est la Complainte du pauvre commun et des pauvres laboureurs de France, que l’on attribue généralement à Enguerrand de Monstrelet, qui pourtant ne la donne point comme sienne, ni même comme nouvelle ; il suffit, en effet, de la lire pour voir qu’elle remonte plus haut, et que c’est le prélude de la Jacquerie ; on y trouve :

Hélas ! comment ces tailles grans
Qu’avez fait passa quinze ans
Par chacun ou trois fois ou deux
Et des monnaies les tombements,
Et les griefs de vos sergents, etc.

Antérieurement à cette complainte il n’y avait point de misère ; en effet, outre que les lois ne s’en occupent point, on trouve dans ladite complainte :

« Vivre ne pouvons plus ensemble...
Perdu avons soulas et joie...
Car plus n’avons ni blé ni vin... etc.

Ce qui sous-entend qu’avant celte époque nous pouvions vivre ensemble, nous avions blé et vin, soulas et joie. On ne peut perdre que ce dont on jouit.

La comédie à l'hôtel de Bourgogne au début du XVIIe siècle. Chromolithographie de 1895

La comédie à l’hôtel de Bourgogne au début du XVIIe siècle.
Chromolithographie de 1895

Le premier impôt sur le théâtre en faveur des pauvres date du 27 janvier 1541. Le Parlement motiva son arrêt sur ce que les représentations des Confrères, en détournant les fidèles de l’Église, diminuaient le produit des aumônes.

Si c’était là le vrai motif, on ne voit pas pourquoi on n’aurait pas établi cet impôt plus tôt, car il y avait longtemps que cet état de choses existait, et le clergé ne disait rien ; au contraire, il était le plus empressé d’aller au théâtre et même d’y jouer ; il avançait l’heure des vêpres pour n’y pas manquer. Il paraît donc vraisemblable que le clergé eut son intérêt en vue plus que celui des pauvres, et qu’il ne fit soumettre les Confrères à cet impôt que parce que leurs représentations donnaient matière à hérésie.

Quoi qu’il en soit, il est bon de remarquer que les Confrères qui gagnaient beaucoup d’argent — puisqu’on les impose à 1 000 livres tournois, ce qui ne les empêche pas, en 1548, de construire à leurs frais l’hôtel de Bourgogne —, sont restés cent quarante ans avec leur monopole sans rien donner aux pauvres.

À partir de cette époque, le théâtre, continuellement persécuté par le clergé et le Parlement, tomba en décadence, et lorsqu’en 1572 le curé de Saint-Eustache, messire René Benoît, obtint que les Confrères n’ouvriraient leur théâtre qu’après vêpres dites, c’est-à-dire presque au moment où ils devaient le fermer, les Confrères, dans leur réclamation au Parlement, n’accusent plus que 300 livres tournois de rente qu’ils paient aux Enfants de la Trinité, tant pour le service divin que pour l’entretien des pauvres. Il est même probable qu’ils exagéraient leur charité pour se rendre le Parlement favorable, car le privilège, renouvelé en 1548, ne parle plus du droit des pauvres, il dit seulement que la chapelle de la confrérie est entretenue par les Confrères.

Après 1572, on ne voit plus de traces du droit des pauvres ; il est vraisemblable qu’il tomba de lui-même, les comédiens étant les premiers pauvres, comme le prouve cette épitaphe de Mernable par Ronsard :

Tandis que tu vivais, Mernable,
Tu n’avais ni maison, ni table,
Et jamais, pauvre, tu n’as veu [vu]
En ta maison le pot au feu ;
Ores, la mort t’est favorable,
Car tu n’as plus besoin de table
Ni de pot, et si désormais
Tu as maison pour tout jamais.

En effet, le 20 décembre 1577, les Confrères sont autorisés à jouer comme par le passé ; on leur enjoint de ne commencer qu’à trois heures, afin de ne pas gêner le service divin ; on les rend responsables des scandales qui pourraient advenir, on prononce une amende de 1 000 livres parisis contre ceux qui les troubleraient, mais on ne parle nullement du droit des pauvres.

L’édit de Henri IV du 12 novembre 1609, qui entre dans tant de détails et fixe le prix des places à 5 sous au parterre et 10 sous aux loges ; la déclaration de Louis XIII du 16 avril 1641 ne parlent point non plus du droit des pauvres ; et, lorsqu’en 1699 Louis XIV le rétablit, le souvenir même de cette aumône forcée était perdu, car il n’aurait pas manqué d’invoquer les précédents s’il en eût eu connaissance.

Signalons qu’au XVIIe siècle, le théâtre se releva, et, libre, n’attendit pas qu’on lui imposât le droit des pauvres : il fit l’aumône de sa bonne volonté. En effet, Édouard Fournier explique dans Théâtres et pauvres que « si les comédiens étaient charitables, c’était à leur aise, et jamais par ordre. Ils ne mettaient que plus d’empressement à l’être. On le sait par les lettres que leur écrivirent quelques communautés religieuses, et aussi par les mentions d’aumônes presque journalières qui se trouvent sur le registre de la troupe de Molière tenu par Lagrange. »

La Salle de théâtre. Peinture de Jean-Baptiste Coulom (1714)

La Salle de théâtre. Peinture de Jean-Baptiste Coulom (1714)

En 1696, les comédiens établis dans la rue Saint-Germain-des-Prés décidèrent qu’on percevrait, tous les mois sur leurs recettes, une somme qui serait partagée entre les couvents les plus pauvres de Paris. Les Cordeliers n’ayant pas été admis au partage, adressèrent la requête suivante aux comédiens :

« Chers frères,

« Les Pères Cordeliers vous supplient très humblement d’avoir la bonté de les mettre au nombre des pauvres religieux à qui vous faites la charité. Il n’y a point de Communauté à Paris qui en ait un plus grand besoin, eu égard à leur nombre et à l’extrême pauvreté de leur maison. L’honneur qu’ils ont d’être vos voisins, leur fait espérer que vous leur accorderez l’effet de leurs prières, qu’ils redoubleront pour la prospérité de votre chère Compagnie. » Les comédiens accédèrent à la demande des Cordeliers.

On doit croire que les autres théâtres ne faisaient pas moins d’aumônes, car les cordeliers et les augustins n’auraient pas manqué de leur proposer pour modèle la troupe de Molière, ce qu’ils ne semblent pas avoir fait.

Le 25 février 1699, Louis XIV, « voulant contribuer au soulagement des pauvres, dont l’hôpital-général est surchargé, a cru devoir leur donner quelque part aux profits considérables qui reviennent des opéras de musique et comédies qui se jouent à Paris par sa permission, ordonne qu’à partir du 1er mars suivant, il sera perçu un sixième en sus de la recette au profit des pauvres. »

Si les aumônes avaient continué après le rétablissement des privilèges, les comédiens n’auraient pas manqué d’en faire l’observation, et Louis XIV, au lieu de dire qu’il voulait donner quelque part aux pauvres, aurait dit qu’il voulait augmenter la part des pauvres. Les privilégiés de 1672 et 1680 ne furent donc pas plus délicats que les Confrères, et cela se comprend : à quoi servirait le privilège ?

Mais ils poussèrent l’indélicatesse plus loin. En effet, à compter du 1er mars 1699, le prix des places fut augmenté : on paya trois livres dix sols pour être placé sur le théâtre, trente-six sols pour aller aux secondes loges, dix-huit sols au parterre : jusque là, ces dernières places n’avaient coûté que quinze sols. Or, lorsque les comédiens donnaient une pièce qui leur avait occasionné des frais, ils sollicitaient et obtenaient du lieutenant civil la permission d’augmenter le prix de leur entrée pendant le cours des représentations de la pièce nouvelle.

Pour se soustraire au nouvel impôt qui devait être payé par abonnement, à savoir : 40 000 livres par l’Opéra et 25 000 par la Comédie Française, on augmenta donc le prix des places, et c’est pour remédier à cet abus qu’en 1701 l’impôt fut prélevé sur la recette brute ; mais le prix des places ne fut point réduit, et les comédiens eurent encore l’effronterie de réclamer. Le président de Harlay répondit à Dancourt, leur avocat : « Nous avons des oreilles pour vous entendre, des mains pour recevoir, mais nous n’avons point de langue pour vous répondre. »

On voit par l’ordonnance de 1699 que cet impôt suppose des profits, règle élémentaire pour tout impôt. Mais il ne s’ensuit pas qu’il doive être prélevé sur les bénéfices nets plutôt qu’autrement. Édouard Fournier, cité précédemment, a pourtant cherché, après bien d’autres, à le prouver, s’appuyant pour cela sur un arrêt du Parlement du 10 décembre 1541.

En supposant (ce qui n’est pas) que cet arrêt dise en effet que l’impôt des pauvres sera prélevé sur le bénéfice des acteurs, il serait détruit par un autre arrêt du 27 janvier 1542 qui dit que « Ch. Leroyer et ses consorts sont imposés à 1 000 livres tournois pour la représentation du mystère de l’Ancien Testament, dont 500 livres avant de commencer ledit jeu, et le surplus à la moitié d’iceluy, suivant ce que par ci-devant a été par ladite cour ordonné, sauf à ordonner par ci-après de plus grande somme. » En même temps, le Parlement fixe le prix des places à 2 sols par personne, et pas plus de 30 écus pour le louage des loges.

Le théâtre français sous Louis XIV. Représentation d'une pièce de Molière. Chromolithographie réalisée vers 1900

Le théâtre français sous Louis XIV. Représentation d’une pièce de Molière.
Chromolithographie réalisée vers 1900

Un arrêt du Conseil, du 18 juin 1757, réduisit ce droit au neuvième de la recette en faveur de l’hôpital-général. L’impôt des pauvres fut aboli par la loi des 4, 5 et 6 août 1789 ; mais à peine était-il aboli que le législateur le fit revivre par des voies indirectes : la loi des 16 et 240août 1790 chargeait l’autorité municipale d’autoriser les exploitations théâtrales à la condition d’établir une redevance en faveur des pauvres, redevance indéterminée et dont la quotité devait varier suivant l’importance des théâtres. Un arrêté du 2 nivôse an IV (23 décembre 1795) invita les théâtres à donner tous les mois une représentation au profit des pauvres.

Cet état de choses fut maintenu jusqu’à la publication de la loi du 7 frimaire an V (27 novembre 1796), et enfin généralisé par celle du 8 thermidor an V (26 juillet 1797). L’article 1er de la loi du 7 frimaire portait : « Il sera perçu un dixième par franc en sus du prix de chaque billet d’entrée pendant 6 mois, dans tous les spectacles où se donnent des pièces de théâtre, des bals, feux d’artifices, concerts, courses et exercices de chevaux, pour lesquels les spectateurs payent. » L’article 2 de la loi du 8 thermidor éleva l’impôt au quart de la recette, pour les bals, feux d’artifices, concerts, courses et autres fêtes où l’on est admis en payant.

Ce droit de perception qui n’était d’abord établi que pour les six premiers mois, fut prorogé depuis par des lois et décrets, jusqu’au décret du 9 octobre 1809, qui déclara le maintenir indéfiniment.

Notons que le législateur fixe qu’il sera perçu un décime par franc, en sus, au profit des pauvres. Donc, que cet impôt soit du dixième ou du quart, la loi le dit formellement : il sera payé en sus par le spectateur. L’entrepreneur ne donne rien du sien ; car il a eu le soin de le faire payer d’avance par le public.

 
 
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