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6 février 1556 : abdication de Charles-Quint, empereur et roi d'Espagne

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6 février 1556 : abdication de Charles-Quint
Publié / Mis à jour le mardi 23 février 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 

L’abdication du pouvoir est une espèce de suicide qui étonne et étonnera toujours les hommes, parce qu’on suppose qu’il faut une grande force d’âme pour renoncer au trône, comme à la vie. Et cependant l’histoire atteste que de faibles princes ont souvent rejeté un fardeau qui les accablait, et que, par une faiblesse plus déplorable encore, ils n’ont pas tardé à le reprendre, malgré l’expérience du passé. Cet acte, si haut, si magnanime, si sublime au jugement du vulgaire,-peut donc n’avoir d’autre motif que le sentiment de l’incapacité : il peut n’être inspiré que par un caprice, que bientôt un autre caprice efface. Robertson remarque avec raison que Dioclétien est peut-être le seul prince, capable de tenir les rênes du gouvernement, qui l’ait quitté par une volonté lentement et mûrement formée, et qui ait vécu plusieurs années dans la retraite sans regretter l’empire.

Charles-Quint n’a rempli ni l’une ni l’autre de ces conditions. Chassé du trône par la douleur et le dégoût, la douleur et le dégoût le suivirent dans la solitude, et il y mourut avant la fin de la seconde année de son éloignement des affaires, non pas sans avoir éprouvé plus d’une fois des repentirs. Mais si ces circonstances, alors ignorées, rabaissent le mérite de son abdication, quelle dût être la surprise de ses contemporains, en apprenant que le prince dont la main réunissait tant de sceptres dans l’ancien et dans le nouveau monde, que le monarque absolu dont l’amour du pouvoir avait été l’unique passion, déposait la couronne à l’âge où l’ambition brûle plus ardente que jamais dans le cœur de l’homme, à l’âge de cinquante-six ans ! On s’épuisa en conjectures pour trouver les raisons secrètes d’une résolution si extraordinaire : le temps les a révélées, et l’historien célèbre que nous avons déjà nommé les développe à peu près en ces termes.

Charles avait été tourmenté de bonne heure par des attaques de goutte, sur lesquelles l’art des médecins s’était exercé vainement et dont l’âge accroissait la violence ; non-seulement la vigueur de sa constitution en souffrit, mais ses facultés morales en furent altérées. Pendant la durée des crises de la maladie, il ne pouvait se livrer à aucun travail sérieux, et dans les intervalles même de l’une à l’autre, il éprouvait le besoin d’occupations frivoles et presque enfantines, pour délasser son esprit usé par la souffrance. Dans cette alternative continuelle de douleurs aiguës et d’abattement profond, Charles sentit que la suprématie de l’Europe lui échappait, qu’il fallait renoncer à son idée favorite, à son rêve de monarchie universelle ; ne pouvant plus tout voir par ses yeux, tout diriger comme autrefois, dans l’immense étendue de son empire, il s’accusait avec amertume du moindre revers qui ébranlait sa fortune. Il se plaignait d’avoir à lutter dans sa vieillesse contre un rival jeune et vigoureux. « Le roi de France, disait-il, peut exécuter lui-même les résolutions qu’il a prises, et moi, je ne puis plus même concourir à en prendre dans le conseil. » Craignant-dom ; de compromettre la gloire qu’il avait acquise par quarante ans de règne, voulant dérober aux yeux de ses peuples le spectacle d’un roi souffrant comme un autre homme, il embrassa le parti de l’abdication et de la retraite.

On sait d’ailleurs que cette résolution s’était plusieurs fois présentée à lui dans le cours de ses prospérités ; mais peut-être alors ne l’envisageait-il que comme un moyeu de produire une impression nouvelle sur le théâtre où il avait tant de fois frappé les esprits par des coups extraordinaires, et tenu l’Europe dans l’attente de ceux qu’il préparait encore. Après la défection de Maurice, électeur de Saxe, qui vint l’attaquer comme ennemi, au lieu de le défendre comme allié ; après l’humiliation d’avoir été réduit à fuir par une nuit orageuse devant un si faible ennemi, qui faillit faire prisonnier, dans Inspruck, le plus puissant monarque de la chrétienté ; après l’invasion de la Lorraine par Henri II et la levée du siège de Metz (voy. 1er Janvier 1554), Charles envisagea l’abdication comme sa seule ressource, et comme une pressante nécessité.

Réfugié à Bruxelle, il médita long-temps son projet, le confia à ses sœurs, reines douairières de France et de Hongrie, qui non- seulement l’approuvèrent, mais offrirent d’accompagner leur frère partout où il voudrait fixer sa résidence. Enfin, le a5 octobre 1555, dans_ une assemblée convoquée avec solennité, Charles, entouré des États des Pays-Bas, des grands d’Espagne et des princes de l’Empire, monta pour la dernière fois sur le trône, entre son fils et sa sœur, la reine de Hongrie ; le président du Conseil des Pays-Bas expliqua par son ordre et en peu de mots la cause de cette réunion extraordinaire ; ensuite il donna lecture de l’acte par lequel Charles résignait, en faveur de son fils Philippe II, tous ses droits de juridiction et d’autorité sur le territoire des Pays- Bas, déliant ses sujets de leur serinent d’obéissance.

Charles se levant alors, et s’appuyant sur l’épaule du prince d’Orange, prononça un long discours, dans lequel il rappelait avec dignité, mais sans ostentation, toutes les grandes choses qu’il avait faites. « Tant que mes forces me l’ont permis, continua-t-il, j’ai rempli mes devoirs ; aujourd’hui je me vois attaqué d’une maladie incurable, et mes infirmités m’ordonnent le repos : le bonheur de mes peuples m’est plus cher que l’ambition de régner : au lieu d’un vieillard près de descendre dans la tombe, je vous donne un prince dans la fleur de l’âge, un prince doué de sagacité, actif et entreprenant. Quant à moi, si j’ai commis quelques erreurs dans le cours d’un long règne, ne l’imputez qu’à ma faiblesse, et je vous prie de me les pardonner. Je conserverai à jamais une vive reconnaissance de votre fidélité ; et votre bonheur sera le premier des vœux que j’adresserai au Dieu tout puissant, auquel je consacre le reste de ma vie ». Puis se tournant vers Philippe, qui se prosterna aux pieds de son père et lui-baisa les mains : « Si je vous avais laissé seulement après ma mort ce riche héritage que j’ai tant agrandi, vous me devriez encore quelque reconnaissance ; mais aujourd’hui, que je vous cède de mon plein gré ce que je pouvais conserver, j’ai lieu d’attendre de vous les remerciements les plus vifs. Cependant je vous en dispense, et je regarderai vos soins pour le bonheur de vos peuples, comme le plus doux témoignage de votre gratitude envers moi. » Après avoir rappelé à son fils que les moyens de mériter la faveur insigne dont il devenait l’objet étaient de protéger la religion, de la maintenir pure et inaltérable, et de ne se permettre aucune entreprise sur les droits du peuple, l’empereur ajouta : « Quand le temps sera venu, où, à votre tour, vous voudrez goûter le repos de la vie privée, puissiez-vous, avoir un fils dont les qualités vous permettent de lui confier le sceptre avec autant de plaisir que je vous l’abandonne ! »

A peine Charles eut-il fini ce discours, qu’il tomba sur son siège et parut près de s’évanouir. L’assemblée exprima son admiration et ses regrets par des larmes. Philippe, qui était resté à genoux pendant toute l’allocution paternelle, prit la parole d’une voix douce et timide, pour remercier l’empereur. Après lui, Macs, avocat doué d’une grande éloquence, prit la parole au nom des États Dans les premiers jours de l’année suivante (1556), le nouveau roi fit et reçut les serments d’usage.

L’abdication de la couronne d’Espagne suivit de près celle du gouvernement des Pays-Bas : elle eut lieu avec la même pompe et dans une assemblée non moins brillante que la première. De toutes ses possessions du monde ancien et nouveau, Charles ne se réserva qu’une pension annuelle de cent mille écus, pour sa dépense, pour celle de sa famille, et pour ses œuvres de charité.

Longtemps avant cette époque, Charles, visitant la vallée de Saint-Just en Espagne, s’était écrié : « Voilà une belle retraite pour un autre Dioclétien ! Ce fut là, dit Hohertson, qu’il ensevelit dans la solitude et le silence sa grandeur, son ambition et tous les vastes projets, qui, pendant la moitié d’un siècle, avaient rempli l’Europe d’agitations et d’alarmes. Ses amusements se bornaient à des promenades sur un petit cheval, le seul qu’il eût conservé, et à des ouvrages de mécanique. » La religion et ses austérités remplirent le reste de la carrière de Charles-Quint ; mais elles ne purent calmer les inquiétudes, les ennuis, les révoltes de cette âme qui brûlait de remonter au faîte du pouvoir, après avoir tant aspiré à en descendre. On assure que cette espèce de tourment, d’autant plus dévorant que Charles n’osait l’avouer, contribua beaucoup à lui inspirer la haine de la vie et l’idée bizarre de la cérémonie funèbre, qui fit succéder la mort réelle à la représentation de ses funérailles anticipées. (voy. 21 Septembre 1558. )

P.-F. Tissot.

 
 
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