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Roi Louis IX ou Saint-Louis, capétien. Naissance, mort, couronnement, règne. Capétiens

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Rois, Présidents
Biographie des rois, empereurs, présidents français. Vie des souverains, faits essentiels, dates-clés. Histoire des règnes
Louis IX ou Saint-Louis
(né le 25 avril 1214, mort le 25 août 1270)
(Roi de France : règne 1226-1270)
Publié / Mis à jour le jeudi 4 février 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 16 mn
 

Louis IX ou Saint-Louis, fils de Louis VIII et de Blanche de Castille, naquit à Poissy le 25 avril 1214, et succéda le 8 novembre 1226 à son père, n’étant que dans sa douzième année. C’était la troisième minorité depuis Hugues Capet, et la première régence exercée par une femme. La reine Blanche s’empara de l’autorité aussitôt après la mort de Louis VIII ; et connaissant l’aversion des Français pour le gouvernement des femmes, elle se hâta d’assembler des troupes, conduisit et fit sacrer son fils à Reims, avant que les seigneurs eussent pu s’entendre pour réclamer contre le pouvoir qu’elle s’arrogeait.

Le roi saint Louis

Louis IX ou Saint-Louis (1226-1270)

A beaucoup d’ambition et de fierté, Blanche unissait tant d’élévation et de ressources dans l’esprit, un courage si grand, des principes si austères, qu’on doit penser qu’elle fut déterminée par la conviction que seule elle pouvait conserver et agrandir l’héritage de son fils pendant la minorité. Elle n’accorda une entière confiance qu’à Romain Bonaventure, cardinal-légat, sans doute parce qu’étant étranger il ne pouvait avoir d’autres intérêts que les siens.

Mais ce fut pour les seigneurs un motif de plus de se révolter, ne pouvant souffrir d’être conduits par une reine castillane et un ministre italien. Les grands vassaux avaient encore un autre motif ; ils brûlaient de se venger de l’humiliation et de l’espèce d’abaissement dans lequel ils étaient tombés depuis la bataille de Bouvines.

A la tête de la ligue qui se forma contre la régente, l’histoire distingue Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, qui aimait mieux reconnaître pour souverain le roi d’Angleterre que le roi de France ; Hugues de Lusignan, comte de la Marche, sur l’instigation de sa femme Isabelle d’Angoulême, veuve de Jean Sans terre ; Raymond VII, comte de Toulouse, à qui Louis VIII avait fait la guerre, et qui perdit une grande partie de ses États pour avoir voulu se venger contre le fils de ce monarque ; et enfin Thibault, comte de Champagne, tour à tour entraîné à la rébellion par la vengeance, et ramené à l’obéissance par l’autorité royale plutôt que par un amour dont on a contesté la réalité.

Ces seigneurs, après avoir formé leur ligue, présentèrent leurs demandes. Blanche accorda tout ce qui n’était pas contraire à son autorité et fit marcher le roi à la tête d’une armée, afin de joindre la force aux négociations. Louis IX avait à peine treize ans, et déjà on aurait pu croire qu’il gouvernait par lui-même, tant sa mère avait soin de le mettre en avant dans toutes les occasions, même lorsqu’il s’agissait de parler.

Mais cette politique ne trompait pas les ligués, qui essayèrent plusieurs fois d’enlever le roi, sachant bien que ceux qui seraient les maîtres de sa personne le feraient expliquer selon leur volonté. La fortune leur offrit une occasion dont ils ne purent profiter, et qui ne servit qu’à faire éclater l’amour des Français pour leur roi. Le jeune roi revenait d’Orléans dans la capitale avec la reine Blanche, lorsqu’il fut surpris et entouré par des confédérés. Les hommes de sa suite le défendirent vaillamment et lui donnèrent le temps de se réfugier dans la tour de Montlhéry : bientôt le bruit du danger qu’il courait parvint à Paris ; tous les habitants, ayant pris les armes, volèrent à son secours, et le ramenèrent en triomphe.

La ligue des seigneurs échouait ainsi dans toutes ses tentatives. Tour à tour soutenus et abandonnés par le comte de Champagne, les principaux confédérés tournèrent enfin leurs armes coutre lui, et Blanche fit marcher le roi à sa défense : mais dès qu’elle n’eut plus besoin des secours du comte, elle ne pensa qu’à rabaisser cette maison de Champagne, dont le pouvoir portait depuis si longtemps ombrage à la couronne, et Thibault fut contraint de partir pour la terre sainte avec le duc de Bretagne.

Un autre événement important de cette première régence de la reine Blanche fut le soulèvement de l’université de Paris en 1229. Quelques disputes entre les bourgeois et les écoliers ayant obligé d’envoyer des soldats pour les apaiser, plusieurs écoliers furent tués, et l’université demanda vengeance à la régente : mais celle-ci aima mieux voir l’université se dissoudre que de faire fléchir son pouvoir.

Ce corps ne fut rétabli que trois ans après, sur la demande du pape Grégoire IX. Blanche termina aussi avec gloire cette fatale guerre des Albigeois, qui durait depuis le règne de Philippe-Auguste ; elle maria Louis IX à Marguerite, fille de Raymond Béranger, comte de Provence ; et la fin de sa régence fut aussi calme que les commencements en avaient été agités.

Mais le plus éclatant service que cette reine ait rendu à la France est sans doute d’avoir formé un monarque si accompli, qu’il serait difficile de trouver dans l’histoire à qui le comparer. Présidant elle-même à son éducation, elle ne laissait approcher de lui que des hommes estimables par leur vertu : elle lui inspira pour la gloire do Dieu un zèle si ardent et si éclairé, qu’il fut à la fois le plus grand des héros, le plus juste des monarques et le plus simple des hommes. Elle lui répétait souvent dans son enfance : « Mon fils, j’aimerais mieux vous voir mort que souillé d’un péché mortel. »

Ce prince fut déclaré majeur en 1234, à l’âge de vingt ans. Poussé par cet esprit d’ordre et de justice qui l’animait sans cesse, il maintint longtemps son royaume dans le calme, et fit tous ses efforts pour rendre la paix à l’Europe, alors troublée par les divisions du pape et de Frédéric II. Il s’offrit plusieurs fois pour médiateur ; et s’il ne parvint point à se faire écouter, il obtint du moins l’estime et la confiance de ceux que ses discours et son exemple ne purent désarmer.

Dans la seconde année de son gouvernement (1238), il signala sa pieuse ferveur en allant jusqu’à Sens pour recevoir la couronne d’épines de Jésus-Christ, qu’il venait de faire racheter des Vénitiens, entre les mains desquels elle avait été mise en gage par Baudouin, et la portant lui même depuis le bois de Vincennes, la tête et les pied nus, jusqu’à Notre-Dame ; et de là à la chapelle qu’ il avait fait bâtir dans son palais, dite depuis la Sainte-Chapelle, où elle fut déposée.

En 1239, Louis refusa pour son frère, le comte d’Artois, la couronne impériale qui lui fut offerte par le pape Grégoire IX ; et ne voulant donner aucun sujet de plainte à l’empereur Frédéric II, que le pontife avait excommunié et qu’il menaçait de déposer, le monarque français arrêta les deniers que Grégoire levait en France pour lui faire la guerre. Le respect de Louis pour le chef de la chrétienté, loin de le soumettre aux ecclésiastiques dans les affaires qui intéressaient le trône, lui apprit que la discipline extérieure de l’Église a besoin d’être réglée et maintenue par l’autorité publique ; et ses ordonnances tendirent toujours à séparer entre les évêques et les seigneurs, entre la papauté et la royauté, des droits et des pouvoirs que les malheurs du temps avaient confondus.

Trop occupé de hautes pensées pour ne pas mépriser le luxe, il administra ses domaines avec tant d’économie, qu’il ne manqua jamais d’argent pour les accroître. En 1241 il tint à Saumur une cour plénière qui fut nommé la non pareille, à cause de sa magnificence. II y donna la ceinture militaire à son frère Alphonse, l’investit du comté de Poitou, de celui d’Auvergne, de l’Albigeois, cédé par le comte de Toulouse, et lui fit rendre hommage par ses vassaux.

Le comte de la Marche ayant refusé de remplir ce devoir, Louis l’attaqua avec une armée nombreuse ; et quoique le roi d’Angleterre Henri III fût accouru au secours du comte, il le battit deux fois en quatre jours, la première à Taillebourg, en Poitou, où il fit des prodiges de bravoure ; la seconde à Saintes, où il remporta une victoire décisive. Louis dicta la paix et pardonna au comte. qui était venu s’humilier devant lui. Cette clémence fut d’autant plus remarquable, que le monarque n’ignorait pas que la femme de ce rebelle avait tenté de le faire empoisonner.

Loin d’être considéré comme un acte de faiblesse, ce pardon après la victoire fit connaître aux grands vassaux qu’ils pouvaient sans honte se soumettre à un roi qui, à vingt-sept ans, défendait ses droits avec tant de courage et traitait ses ennemis avec tant de générosité. Aussi depuis cette époque ils ne songèrent plus à se révolter, et le prirent même souvent pour juge de leurs différends. La guerre contre le comte de la Marche avait été suivie d’un traité avec l’Angleterre. Vivement poursuivi par l’armée française, le monarque anglais demanda une trêve de cinq ans ; et cette trêve ne lui fut accordée qu’en payant à la France 5 000 livres sterling.

Louis IX avait éprouvé dans cette campagne une maladie grave dont il ressentait encore les suites. Dans l’année 1244, il retomba malade. Plus on appréciait les bienfaits de son règne, plus on craignait de le perdre. Comme le mal faisait des progrès effrayants et qu’on désespérait de sa vie, peuple et le clergé accouraient aux églises pour implorer la miséricorde du ciel ; on pleurait déjà sa mort, lorsque tout à coup il parut se ranimer, et prononça ces mots : « La lumière de l’Orient s’est répandue sur moi par la grâce du Seigneur, et m’a rappelé d’entre les morts. »

Saint Louis partant en croisade

Saint Louis partant en croisade

Le premier usage qu’il fit de la parole fut de demander la croix et de prononcer le serment d’aller combattre les infidèles. On venait d’apprendre en Occident que les Kharismiens, peuple chassé de la Perse par les Tartares, avaient pris Jérusalem et dévasté la Palestine. Cette nouvelle jetait la consternation parmi les fidèles ; et Louis IX, vivement affecté du malheur qu’éprouvaient les chrétiens de la terre sainte, voulut partir lui-même pour y porter remède.

En vain l’évêque de Paris, la reine Marguerite et la reine Blanche réunirent, à plusieurs reprises, leurs vives instances pour le détourner de son entreprise ; Saint-Louis resta inébranlable, renouvela son serment, et s’occupa des préparatifs de la croisade dont il devait être le chef. Il assembla à Paris un parlement auquel assista le légat du pape, et dans lequel il prêcha lui-même la guerre sainte.

Ses trois frères, un grand nombre de barons et de chevaliers, le comte de la Marche, le comte de Bretagne et plusieurs autres grands vassaux qui avaient troublé le royaume prirent la croix et promirent de suivre le roi en Asie. Les revenus de ses domaines, les tributs volontaires des villes, les décimes levés sur le clergé, lui fournirent l’argent nécessaire pour l’expédition.

Rien n’est plus touchant que de voir, à l’époque de son départ, les tendres sollicitudes, les soins multipliés du monarque pour ne laisser dans le royaume qu’il allait quitter aucun sujet de plainte, aucune trace d’injustice, aucun germe de trouble et de discorde. Il confia la régence à la reine Blanche, manda à Paris tous les barons de France, leur fit jurer fidélité. Le 12 juin 1248, il alla prendre à Saint-Denis l’oriflamme, le bourdon et la panetière, et accompagné de la reine Marguerite, des comtes d’Artois et d’Anjou, se rendit à Aigues-Mortes pour s’embarquer ; il prit et rasa sur sa route le château de Roger de la Roche-Gluy, qui pillait et détroussait les marchands et les pèlerins.

Il mit à la voile le 28 août 1248, et le 17 septembre aborda à Chypre, où il passa l’hiver. Au mois de mai suivant, Louis donna le signal du départ ; et la flotte qui portait les croisés français, après avoir essuyé une tempête, parut à la vue des côtes de l’Égypte. On assembla un conseil pour savoir si l’on opérerait sur-le-champ une descente : Louis parla avec tant de force et d’énergie, qu’il enflamma le courage de tous ceux qui l’écoutaient ; l’armée entière descendit ou plutôt se précipita sur le rivage en présence des Sarrasins.

Louis animait les croisés par son exemple : l’armée musulmane fut mise en déroute ; et le lendemain du combat, le roi de France, précédé du clergé, marchant les pieds nus, entra dans Damiette, que les ennemis avaient abandonnée. Comme on approchait du temps marqué pour l’accroissement des eaux du Nil, on résolut de séjourner quelque temps à Damiette, et d’attendre l’arrivée du comte de Poitiers, frère du roi, qui devait venir avec l’arrière-ban de la France.

Ce séjour corrompit les mœurs des croisés, altéra parmi eux la discipline, et fit naître des désordres dont la piété du monarque fut vivement affectée. Enfin, le comte de Poitiers arriva ; l’armée chrétienne, n’ayant plus à craindre les débordements du Nil, marcha sur le Caire. Parvenue au canal de Tanis, en face de Mansourah, elle trouva une armée musulmane qui lui disputa le passage.

Après avoir employé un mois à des travaux inutiles, on découvrit un gué, et les croisés, ayant traversé ce bras du Nil, remportèrent sur les Sarrasins une victoire que l’imprudence et l’inhabileté des chefs empêchèrent d’être décisive. Le comte d’Artois, frère du roi, poursuivant l’ennemi avec trop de chaleur jusque dans Mansourah, tomba au pouvoir des infidèles et perdit la vie. Dans cette terrible journée, Louis n’avait pas cessé de combattre ; il s’était toujours montré au plus fort de la mêlée, et on l’avait même vu un moment seul au milieu des Sarrasins.

Cette victoire lui coûta la moitié de sa cavalerie ; il eut beaucoup de peine les jours suivants à défendre le camp musulman dont on s’était emparé ; chaque jour il gagnait des batailles, mais il perdait l’élite de ses troupes ; enfin la disette et les maladies portèrent leurs ravages dans l’armée chrétienne comme le feu grégeois y avait répandu l’épouvante. Le roi se fit voir au milieu de l’épidémie et de toutes les calamités qui affligeaient les croisés. comme il avait paru sur le champ de bataille, bravant la mort et ranimant tout le monde par son exemple et par ses discours.

L’armée ne pouvait plus marcher vers le Caire : il fallut songer à la retraite. Louis fit embarquer sur le Nil les malades et les blessée ; il donna aux troupes le signal du départ. Quoique attaqué de la contagion et se soulevant à peine, il ne voulut partir qu’avec l’arrière-garde, et lorsqu’on le conjurait de monter sur un vaisseau comme le légat du pape, il ne songeait qu’a ses compagnons d’armes et disait : « Je suis venu avec eux ; je veux me sauver ou mourir avec eux. »

La retraite se fit dans le plus grand désordre ; ceux qui étaient partis les premiers, comme ceux qui étaient partis les derniers, ceux qui se trouvaient sur le Nil, comme ceux qui avaient pris la route de terre, tout fut atteint par l’ennemi, tout fut massacré ou fait prisonnier. Louis IX qui était arrivé presque mourant à Minieh, eut le sort des autres croisés ; et lorsque ses serviteurs s’occupaient de le rappeler à la vie, il fut entouré par des Sarrasins, qui le chargèrent de chaînes et le conduisirent à Mansourah.

Le monarque déploya dans sa prison toutes les vertus d’un chrétien, et l’excès de l’abaissement et du malheur ne l’empêcha jamais de parler en roi. Lorsque le sultan du Caire offrit de lui rendre sa liberté pour 8 000 besants, il répondit qu’un roi de France ne se rachetait pas pour de l’argent, qu’il donnerait la ville de Damiette pour sa personne, et les 8 000 besants d’or pour son armée.

Enfin, le traité fut conclu ; mais lorsqu’on allait l’exécuter, le sultan Almoadan fut assassiné dans sa tente par les mameluks. De là naquirent de nouveaux troubles pour l’Égypte et de nouveaux dangers pour Louis. Des meurtriers se présentèrent plusieurs fois devant lui ; ils furent près de massacrer ses plus fidèles serviteurs, et ils menacèrent de le tuer lui-même ; ce qui suffirait peur réfuter l’assertion des écrivains qui ont répété de nos jours, d’après un passage mal entendu de Joinville, qu’on avait proposé dans l’assemblée des chefs des mameluks d’offrir à Louis la couronne d’Égypte.

Le monarque français lassa par sa patience la fureur de ses ennemis, et les étonna par son courage ; ceux-ci, à la fin, consentirent à exécuter les traités déjà conclus, en disant qu’ils avaient affaire au plus fier chrétien qu’on eût jamais vu en Orient. Enfin le roi fut libre et s’embarqua pour la Palestine avec la reine Marguerite, ses deux frères Alphonse et Charles, et quelques croisés, reste de 35 000 qu’il avait amenés de France, et de 20 000 autres, qui étaient venus avec le comte de Poitiers.

Il séjourna trois ans et demi dans la terre sainte, attendant de l’Europe des secours qui n’arrivèrent point ; il ranimait le courage des chrétiens, faisait fortifier leurs villes, sollicitait la délivrance des prisonniers demeurés en Égypte, et soignait lui-même ses soldats malades d’une épidémie. Ce fut alors (1252) que, dans l’espérance de répandre la lumière de l’Évangile au centre de l’Asie, il envoya une ambassade au Grand Khan de Tartarie.

La nouvelle de la captivité du roi avait plongé la France dans la consternation. Louis à son départ avait prévenu tous les dangers que pouvait causer l’ambition des grands ; mais il n’avait pas songé aux égarements de la similitude ; une foule de bergers de laboureurs, d’hommes de la lie du peuple, auxquels se joignirent, sous le nom commun de pastoureaux, des vagabonds, des brigands, sous prétexte de voler au secours du roi de France, troublèrent la tranquillité du royaume.

Ces désordres furent apaisés par la régente, qui soupirait après le retour de son fils, le sollicitait sans cesse de revenir, et mourut sans le revoir. Louis IX, en apprenant la mort de sa mère (1252) ne put retenir ses larmes, et se jetant à genoux devant l’autel de sa chapelle : « O mon Dieu, s’écria-t-il, il est bien vrai que j’aimais ma mère plus que toutes les autres créatures ; mais que votre volonté soit faite, et que votre nom soit béni. » Peu de temps après il s’occupa de regagner la France.

S’étant embarqué au port d’Acre le 24 avril 1254, il débarqua aux Iles d’Hyères le 10 juillet, et arriva le 5 septembre à Vincennes. Partout on se réjouissait, on pleurait de joie sur son passage. Il signala son retour par plusieurs ordonnances, au nombre desquelles on doit remarquer celle qui défendait la guerre entre particuliers, celle qu’il fit contre la corruption des juges, et celle enfin par laquelle il organisa les corps de métiers.

Ce fut quelques mois après son retour d’Égypte qu’il reçut dans sa capitale le roi d’Angleterre. Il déploya dans cette circonstance une magnificence royale, et le 25 mars 1259 il conclut amer ce prince un traité par lequel il lui rendit tout ce qui lui restait au delà de la Garonne, le Quercy, le Limousin, l’Agenais et une partie de la Saintonge.

Un tel sacrifice ne fut arraché à Louis IX que par le plus ardent amour de la paix et du bonheur de ses sujets. « Je sais bien, disait-il, au rapport de Joinville, que le roi d’Angleterre a perdu tous ses droits par la conquête que j’ai faite ; mais je ne lui donne cette terre pour autre chose que pour mettre amour entre mes enfants et les siens. »

Sans cesse animé du désir de travailler au bonheur des Français de toutes les classes, Louis s’occupa vers le même temps de secourir les familles dont les chefs s’étaient ruinés en le suivant à la croisade, et ses sollicitudes s’étendirent sur les laboureurs qui avaient souffert par suite de la guerre sainte, ou par les troubles suscités pendant son absence. Ce bon prince avait coutume de dire : « Les serfs appartiennent à Jésus-Christ comme nous ; et dans un royaume chrétien nous ne devons pas oublier qu’ils sont nos frères. »

Louis mettait principalement tous ses soins à réparer les injustices qu’on avait commises en son nom. Il parcourait sans cesse ses États pour entendre toutes plaintes ; on le voyait souvent en été rendre lui-même la justice, soit dans le jardin de son palais, soit dans le bois de Vincennes sous un grand arbre. Un jugement par lequel il condamna le comte d’Anjou son frère ; la sévérité qu’il exerça contre Enguerrand de Coucy ; la ferme résistance qu’il opposa à d’injustes prétentions du clergé annoncent assez que, quelque grandes que fussent sa piété et sa clémence, rien ne pouvait faire fléchir sa suprême équité.

Saint Louis rendant la justice

Saint Louis rendant la justice

Il fonda plusieurs établissements utiles, tels que les Hôtels-Dieu de Pontoise, de Compiègne, de Vernon, et l’hospice des Quinze-Vingts, non point, comme on l’a dit, pour y recueillir trois cents gentilshommes qui avaient perdu la vue en Égypte, mais trois cents aveugles appartenant aux classes pauvres. Louis IX avait appris en Syrie qu’un prince musulman faisait transcrire des livres et tenait une bibliothèque ouverte à tous les savants ; il suivit cet exemple, ordonna qu’on transcrivit les livres qui se trouvaient dans les monastères, fit ranger ces précieux exemplaires dans une salle voisine de la Sainte-Chapelle, et il allait souvent s’y délasser des travaux du gouvernement.

Enfin c’est à sa munificence que l’on doit la fondation de la Sorbonne. La France fut sous ses sages lois aussi tranquille que l’Europe était agitée ; il fit tous ses efforts pour rétablir la concorde entre les états chrétiens, et ses traités avec l’Aragon, l’Allemagne et l’Angleterre eurent toujours pour but de converser la paix. Sa modération envers le roi d’Angleterre fut vainement blâmée par les politiques du temps, et elle n’a trouvé que peu d’approbateurs parmi les historiens ; il faut dire cependant qu’elle produisit une telle impression sur les seigneurs anglais, qu’en 1264 ils le choisirent pour arbitre des différends qu’ils avaient avec leur souverain.

Louis, n’ayant plus de guerre à redouter ni au dedans ni au dehors, s’occupa de l’éducation et de l’établissement de ses enfants. Il surveillait lui-même leurs études, se faisait accompagner par eux dans ses œuvres de charité, et leur rappelait dans ses entretiens les actions des bons rois. Ce fut vers le même temps (1261), qu’il opéra dans l’administration de la justice des réformes dont les plus importantes sont : la suppression de l’épreuve par le duel en matière civile et criminelle, et l’établissement de la justice du ressort ou d’appel.

Après avoir rempli tous les devoirs d’un monarque, il se dégoûta des grandeurs, et si l’on en croit l’histoire, il songea un moment à ensevelir le reste de sa vie dans un cloître. Sa famille le fit revenir de cette résolution ; il continua d’être roi et se consola des ennuis du trône en faisant régner avec lui la religion et la justice. On tourna quelquefois en ridicule sa tendre piété : un l’appelait le roi des frères mineurs, le roi des frères prêcheurs, le roi des prêtres et des clercs.

Toutes ces satires n’altéraient point sa douceur ; et lorsque les courtisans le blâmaient de donner trop de temps aux exercices de dévotion, il se contentait de dire : « Si j’employais ces moments à la chasse, au jeu, aux tournois, aux spectacles, on ne dirait rien. » Dans le zèle qui l’animait pour le triomphe de la religion, il ne pouvait oublier les revers qu’il avait essuyés en combattant pour elle.

Depuis son retour de la Palestine il n’avait point cessé de porter la croix, et sa plus chère espérance était de combattre encore pour la cause de Jésus-Christ. Vers l’année 1267 on apprit que Bondocdar, sultan des mameluks, ravageait la Palestine, s’emparait des places fortifiées par Saint-Louis, et qu’il menaçait d’anéantir les colonies chrétiennes d’Orient.

Ces nouvelles répandirent la consternation en Europe ; le pape fit prêcher une nouvelle croisade. Louis, ayant convoqué un parlement à Paris, s’y présenta portant dans ses mains la couronne d’épines de Jésus-Christ, et il retraça le tableau des malheurs de la terre sainte. Le pieux monarque prononça de nouveau le serment d’aller combattre les infidèles. Plusieurs princes de sa famille, plusieurs seigneurs suivirent son exemple ; mais les souvenirs de la croisade précédente vivaient encore dans les esprits et réveillaient plus de tristesse que d’enthousiasme.

Joinville va jusqu’à dire que ceux qui conseillèrent au roi de se croiser une seconde fois « péchèrent mortellement » ; et, quelque attaché qu’il fût à la personne du monarque, il refusa de le suivre dans cette nouvelle expédition, aimant mieux, dit-il, rester dans ses domaines pour y réparer les malheurs causés par son éloignement.

Cependant Louis se disposait à partir, et s’occupa d’assurer la tranquillité de son royaume pendant son absence. Il voulut surtout compléter la législation qu’il avait donnée à ses peuples, et ce fut alors, si l’on en croit certains historiens, qu’il publia l’ordonnance connue sous le non de pragmatique sanction, par laquelle il rendit aux abbayes et aux cathédrales le droit d’élire leurs évêques ou abbés, réprima les entreprises du clergé sur l’autorité séculière, et le droit que s’arrogeaient les papes d’établir des impôts sur les églises de France.

Bossuet trouve dans celle célèbre ordonnance les vrais principes des libertés gallicanes. On croit que Louis IX publia dans le même temps le recueil d’ordonnances que nous avons sous le nom des Établissements de Saint-Louis. C’est un monument précieux, dont l’idée lui avait été suggérée par les Assises de Jérusalem, qu’il avait connues pendant son séjour en Palestine, et d’où il en avait apporté les premières copies.

Les préparatifs de la croisade étant achevés, Louis IX fixa les droits de ses enfants à son héritage, nomma pour gouverner pendant son absence l’abbé de Saint-Denis et le comte de Nesle ; leur substitua en cas de mort l’évêque d’Évreux et le comte de Ponthieu, et s’embarqua de nouveau à Aigues-Mortes en 1270, accompagné de ses trois fils, avec une armée de 60 000 hommes et une flotte de 1 800 vaisseaux.

Charles d’Anjou, roi de Naples, qui devait réunir ses forces à celles du roi de France, avait fait décider qu’on attaquerait le royaume de Tunis. La flotte se dirigea vers les côtes d’Afrique, et aborda près de l’ancienne Carthage ; l’armée débarquée sur ce point attaqua d’abord les troupes de Tunis ; mais comme on résolut d’attendre l’arrivée de Charles d’Anjou, l’ardeur du climat et la contagion eurent le temps de faire de grands ravages parmi les croisés.

Louis tomba malade, et les progrès du mal furent si rapides que l’on désespéra bientôt de sa vie. Ce fut alors que ce prince traça pour son successeur cette belle instruction sur les devoirs des rois, rapportée tout entière par Joinville. Cette pièce mémorable est d’un chrétien austère et du plus sage des monarques ; les philosophes n’ont rien exigé de plus de ceux qui gouvernent ; mais quelle différence entre des écrivains sans autorité et le souverain qui ne conseillait que ce qu’il avait lui-même pratiqué ?

Au milieu de ses souffrances, Louis IX songeait surtout aux dangers de son armée : « O Dieu, s’écriait-il, ayez pitié de ce peuple qui m’a suivi sur ce rivage ; conduisez-le dans sa patrie ; faites qu’il ne tombe pas entre les mains de vos ennemis, et qu’il ne soit pas contraint de renier votre saint nom. » Lorsqu’il sentit que sa fin approchait, il se fit mettre sur un lit de cendres, et les bras croisés sur la poitrine, les yeux levés au ciel, il expira le 25 août 1270, après avoir fait entendre ces paroles : « Seigneur, j’entrerai dans votre maison ; je vous adorerai dans notre saint temple, et je glorifierai votre nom. »

Au moment où il rendait le dernier soupir, Charles d’Anjou arrivait devant Carthage ; il traversa l’armée, qui dans un morne silence pleurait la mort de son chef. Après avoir remporté quelques avantages sur les musulmans, on fit la paix avec le roi de Tunis, et l’armée rapporta en France les tristes restes d’un monarque regretté de l’Europe entière : ils furent d’abord déposés à Notre-Dame de Paris ; le roi Philippe le Hardi les porta ensuite lui-même sur ses épaules jusqu’à Saint-Denis.

Mort de saint Louis

Mort de saint Louis

On croit que son cœur fut déposé à la Sainte-Chapelle de Paris, où on a cru l’avoir retrouvé en 1844. Cette découverte donna lieu à une vive discussion parmi les érudits français. Louis IX avait eu de Marguerite, qui lui survécut, onze enfants, dont huit seulement parvinrent jusqu’à l’âge de majorité, quatre filles et quatre fils : Philippe le Hardi, son successeur, Jean Tristan, comte de Nevers, qui mourut en Afrique ; Pierre, comte d’Alençon ; Robert, comte de Clermont, duquel descendent les Bourbons, qui, plus de trois siècles après montèrent sur le trône dans la personne de Henri IV.

Louis IX fut canonisé en 1297 par le pape Boniface VIII. Louis XIII obtint de la cour de Rome qu’on célébrerait sa tête dans toute l’Église le 25 août. La vie de Saint-Louis a été écrite par son fidèle ami le sénéchal de Champagne, et par Guillaume de Nangis, son confesseur.

Avant la Révolution, l’Académie française faisait prononcer chaque année, au 25 août, un panégyrique de Saint-Louis, et cet usage avait été repris sous la restauration. Louis IX est celui des rois de France qu’on a le plus loué et qui méritait le plus de l’être. Parmi ses vertus on doit surtout remarquer cette passion pour la justice qui l’anima constamment, ce respect pour la vie des hommes dont il donna tant d’exemples au milieu des dangers, et qu’on trouve si rarement chez les maîtres de la terre.

Joinville, le compagnon de ses travaux et le confident de ses pensées, dit, en commençant son histoire : « Ainsi comme Dieu est mort pour tout son peuple, aussi semblablement a mis le bon roi Saint-Louis, son corps en danger et aventure de mort pour le peuple de son royaume. » Ce qui n’intéressait que lui ne pouvait l’émouvoir ; ce qui intéressait la religion et le bonheur des peuples l’élevait au-dessus de toute crainte et de toute considération.

Dans les circonstances où la justice ordinaire cède aux intérêts de l’État, il ne consulta jamais que sa conscience, et cette probité scrupuleuse a frappé le monde d’une si profonde admiration, que les publicistes les plus hardis n’ont pas encore osé juger ses actions par des règles contraires à l’équité qui les lui inspira. « Louis IX, dit Voltaire, paraissait un prince destiné à réformer l’Europe, si elle avait pu l’être ; il a rendu la France triomphante et policée, et il a été en tout le modèle des hommes. Sa piété, qui était celle d’un anachorète, ne lui ôta point les vertes royales ; sa libéralité ne déroba rien à une sage économie ; il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte ; et peut-être est-il le seul souverain qui mérite cette louange. Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant conne s’il n’avait jamais été que malheureux, il n’est guère donné à l’homme de pousser la vertu plus loin. »

On a reproché à Saint-Louis les deux croisades dont il fut victime. Les revers dont ces expéditions furent accompagnées n’ont point permis à la postérité d’apprécier les vues politiques qui, dans ces guerres lointaines, se trouvent mêlées aux idées religieuses. Si ces entreprises avaient réussi, l’Égypte serait devenue une colonie française et chrétienne ; on aurait vu s’établir une communication facile entre l’Europe et l’Asie, et le nom de Saint-Louis serait peut-être de nos jours béni sur les côtes d’Afrique, comme il l’est chez tous les peuples chrétiens.

 
 
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