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16 janvier 1827 : séance de l'Académie française relative au projet de loi sur la police de la Presse

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16 janvier 1827 : séance de l’Académie française relative au projet de loi sur la police de la Presse
Publié / Mis à jour le vendredi 20 novembre 2009, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 

Un projet de loi, dans lequel on reconnaissait l’œuvre d’une faction ennemie de toute pensée et de toute liberté, menaçait la littérature. (Voy. 30 décembre 1826 et 18 Avril 1827.) Du sein de l’Académie française, instituée pour veiller à son salut non moins qu’à sa gloire, s’éleva une noble et courageuse réclamation. Dans la séance du 11 janvier, M. de Lacretelle proposa à l’Académie de s’assembler pour délibérer sur la démarche qu’elle avait à faire dans l’intérêt des lettres. La proposition, vivement appuyée par M. Villemain, fut adoptée, et le jour de la délibération fixé au mardi suivant 16 janvier.

Cette séance mémorable, dont l’objet avait quelque chose de si intéressant et de si national, réunit un concours extraordinaire de membres de l’Académie : parmi ceux qui se rendaient le moins assidûment à ses séances habituelles, on remarquait monseigneur l’évêque d’Hermopolis,M. le marquis de Lally et M. le comte Desèze.

Après la lecture du procès-verbal, M. le marquis de Laplace, directeur de l’Académie, donna la parole à M. de Lacretelle ; cet écrivain distingué développa sa proposition dans un discours plein de force et de mesure, qu’il termina en demandant qu’une humble supplique fût présentée au roi, pour lui faire connaître les craintes et les vœux d’une compagnie dont il est lui-même le protecteur.

Lorsque M. de Lacretelle eut achevé cet exposé éloquent, dont il improvisa quelques parties, M. Auger, secrétaire perpétuel, avant d’ouvrir la discussion, annonça qu’il avait à communiquer à l’Académie une lettre d’un de ses honorables membres, monseigneur l’archevêque de Paris. Cette lettre, adressée particulièrement à M. Auger, commençait par quelques expressions de bienveillance générale, bienveillance qui, disait la lettre, inspirait à monseigneur l’archevêque le désir de communiquer à son collégue, pour en faire part à l’Académie, son opinion sur une démarche dont les suites pouvaient compromettre gravement l’existence de ce corps littéraire.

A ces mots, dont l’impression fut vive dans l’assemblée, M. Villemain, prenant tout-à-coup la parole : « Messieurs, dit-il, par espect pour l’Académie et pour l’auteur même de la lettre qui nous est communiquée, je demande que la lecture en soit immédiatement interrompue. Tout conseil, toute menace, toute insinuation même sur la durée et l’existence de ce corps littéraire seraient un obstacle à la franchise et à la liberté de nos entretiens. Permettez-moi de rappeler ici une de ces citations que l’habitude de l’enseignement m’a rendues familière ! : Non tutum est rescribere ad eum qui potest proscribere. »

Ces paroles excitèrent un assentiment presque universel : on demande de toutes parts l’interruption de la lecture. Quelques membres, sans approuver la lettre, cherchent à en expliquer le motif. Monseigneur L’évêque d’Hermopolis, en avouant lui-même que les expressions sont peut-être impropres, ajoute que monseigneur l’archevêque de Paris n’a certainement eu aucune intention de blesser l’Académie. M. de Chateaubriand rend également hommage aux intentions et à l’urbanité du prélat : quoi qu’il en soit, la lecture est interrompue, et la discussion commence.

L’apologie du projet de loi ne fut essayée par personne : le débat s’établit uniquement sur la convenance de la démarche proposée. Plusieurs membres en contestaient l’avantage ; quelques-uns même la légalité. MM. Lemercier, Destutt de Tracy traitèrent la question avec précision et noblesse, en se prononçant pour la supplique. MM. Auger, Roger et Cuvier soutinrent au contraire qu’elle ne devait pas être présentée.

M. Raynouard fit connaître à l’Académie un précédent, qui pouvait éclairer sa conscience. En 1778, à l’occasion d’un règlement de librairie, oppressif et ruineux, l’Académie délibéra d’humbles représentations, qui furent transmises au roi par M. de Duras, et qui reçurent une réponse consignée dans- les registres de l’Académie.

M. Villemain, s’emparant de ce fait, le fortifia de quelques considérations générales, dans une improvisation rapide et brillante. MM. Michaud ; Andrieux, de Ségur, Briffaut parlèrent avec force dans le même sens.

Malgré cette imposante réunion de sentiments et de personnes, M. de Lally, qui d’ailleurs se récusait comme pair et comme ministre d’état, déclara que la mesure lui paraissait ; insolite et sans résultat possible ; M. de Chateaubriand opposa cette réponse remarquable à l’opinion et aux scrupules de son noble collègue : « La conscience, dit-il, ne se détermine pas par les chances plus ou moins probables d’un résultat utile. On risque tous les jours sa fortune et sa vie sans espoir de succès, et l’on fait bien : on remplit un devoir dont le résultat est au moins l’estime publique. » Beaucoup d’autres éclairs de talent et d’indépendance signalèrent cette discussion, que M. de Lacretelle avait ouverte, en demandant si l’esprit en France était devenu, taillable et corvéable à merci et miséricorde, et dans le cours de laquelle M. Laine, tout en s’abstenant de voter sur la supplique, protesta qu’il défendrait la liberté de la presse jusqu’à extinction de voix.

M. le marquis de Laplace, directeur de l’Académie, s’étant récusé, M. Auger, secrétaire perpétuel, occupa le fauteuil, et reçut les votes : la supplique fut adoptée à la majorité de dix-huit voix contre six, et l’assemblée en confia la rédaction à MM. de Chateaubriand, de Lacretelle et Villemain.

L’unanimité de l’Académie, clans la réprobation du projet de loi, représentait celle de la France. Le ministère, qui commençait à s’en douter, voulut punir la Franco dans l’Académie. Le mot de dissolution fut prononcé ; mais il effraya ceux mêmes qui osèrent s’en servir. Il fallut se rabattre sur un coup d’état plus faible sinon en scandale, du moins en audace. Le lendemain, 17 janvier, le Moniteur apprit à la France que M. Villemain n’était plus maître des requêtes, M. Michaud lecteur du roi, M. Lacretelle censeur dramatique.

Cette exécution orientale produisit tout l’effet qu’elle devait produire. Si le ministère eût cherché un moyen d’ajouter à la gloire, à la reconnaissance qui environnaient déjà les trois académiciens, il n’en aurait pas trouvé de plus ingénieux que leur disgrâce. Tout ce que l’opinion publique chez une nation vive et généreuse peut imaginer de dédommagements flatteurs, de délicates indemnités pour un châtiment qu’elle réprouve, fut prodigué aux trois nobles victimes du plus méprisable courroux. Les louanges impartiales de l’étranger accueillirent la conduite de l’Académie ; en France, elle reçut un hommage encore moins équivoque : elle fut imitée (voy. 24 janvier 1827.)

Le ministère n’en persista pas moins dans son aveugle système d’oppression. Tandis que l’Académie se préparait à déposer aux pieds du roi son humble supplique, une lettre du premier gentilhomme de la chambre lui annonça que sa députation ne serait pas reçue. Heureusement pour l’Académie, le mérite des belles actions n’est point dans le succès ; le souvenir de la séance du 6 janvier, et des vengeances qui en furent la suite, honorera éternellement son histoire. — Édouard Monmais.

 
 
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