Histoire de France, Patrimoine, Tourisme, Gastronomie, Librairie
LE 18 avril DANS L'HISTOIRE [VOIR]  /  NOTRE LIBRAIRIE [VOIR]  /  NOUS SOUTENIR [VOIR]
 
« Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du
peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (C. Nodier, 1840)
 

 
NOUS REJOINDRE SUR...
Nous rejoindre sur FacebookNous rejoindre sur XNous rejoindre sur LinkedInNous rejoindre sur VKNous rejoindre sur InstragramNous rejoindre sur YouTubeNous rejoindre sur Second Life

Centre : origine et histoire du département Cher

Vous êtes ici : Accueil > Départements français > Histoire du département du Cher
Départements français
Histoire des départements français. Les événements, histoire de chaque département : origine, évolution, industries, personnages historiques
Histoire du département du Cher
(Région Centre)
Publié / Mis à jour le jeudi 28 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 15 mn
 

Le département du Cher a été formé de la plus grande partie de l’ancienne province du Berry ; son histoire est donc celle de cette province, et naturellement elle remonte à celle des Bituriges, qui lui ont donné son nom. Les Bituriges étaient l’une des plus anciennes et des plus puissantes tribus gauloises ; ils habitaient sur les bords du Cher (Carus) et obéissaient s à un roi qui résidait à Avaricum (Bourges).

Au VIIe siècle avant J.-C., à l’époque où Tarquin l’Ancien régnait à Rome, ils avaient la souveraine puissance sur le pays des Celtes. Leur roi Ambigat, vieillard que recommandaient ses vertus et ses richesses, voyant que son peuple était devenu trop considérable, et que le sol, malgré sa fertilité proverbiale, menaçait de devenir insuffisant, engagea Sigovèse et Bellovèse, ses neveux, jeunes guerriers ennemis du repos, à aller chercher un autre séjour dans les contrées que les dieux leur indiqueraient par les augures, leur permettant d’emmener avec eux autant d’hommes qu’ils voudraient, afin que nulle nation ne pût repousser les nouveaux venus. Bellovèse s’établit dans cette partie de l’Italie que les Romains appelèrent dans la suite la Gaule cisalpine, et Sigovèse dans là Norique, pays qui forme aujourd’hui la Bohême et la Bavière. Les Bituriges envoyèrent dans la suite de nouvelles colonies en Italie, et il est probable que leur chant de guerre se fit entendre jusque sur le bords du Tibre, lorsque les Gaulois, conduits par Brennus, vinrent, en 390, brûler Rome naissante.

Quelques siècles plus tard, lorsque César voulut passer dans les Gaules, il prit avec lui des Gaulois cisalpins et les ramena dans leur ancienne patrie. Ces braves soldats l’aidèrent à vaincre Vercingétorix, que le général romain poursuivit à travers le pays des Arvernes, et jusque dans celui des Bituriges, où il forma le siège d’Avaricum. César lui-même, dans le septième livre de ses Commentaires, fait voir par la manière dont il décrit ce siège combien il fut meurtrier. La ville fut enfin prise et ruinée par les Romains. La plupart des Bituriges quittèrent le pays, qui était dévasté, et allèrent. s’établir dans d’autres contrées.

Les traces de la civilisation naissante de ces temps reculés sont très rares aujourd’hui dans la département ; quelques tombelles ou tumuli, aux environs de Bourges, aux lieux dits : la Butte-Barral, la Butte-des-Prés-Fichaux et celle des Vignes-du-Château ; les menhirs ou pierres levées de Graçay, que l’on nomme dans le pays les Pierres folles ; quelques tumuli à Pierrefitte, dont le nom lui-même est l’indice de monuments mégalithiques, tels sont les seuls témoins muets de ces temps éloignés. Les Bituriges avaient vaillamment résisté à l’invasion romaine ; ils succombèrent et restèrent fidèlement soumis à leurs vainqueurs. Sous la domination romaine, leur pays fit partie de l’Aquitaine, et, sous Auguste, leur ville, qui avait été rebâtie et s’était considérablement agrandie, fut la métropole de cette province et servit constamment de résidence au préfet romain ; c’est alors que cette capitale perdit son nom d’Avaricum ; elle obtint le droit de cité, accordé aux villes privilégiées, et fut désignée sous le nom civitas Biturigensium, puis simplement de Bituriges. Lors de la division de l’Aquitaine en trois parties, sous Honorius, le Berry forma la première Aquitaine, et Bourges en fut toujours la capitale. C’est à peu près vers le milieu du IIIe siècle que le christianisme fut prêché dans le pays qui nous occupe ; son premier apôtre fut, dit-on, saint Ursin ; il fut favorablement accueilli par la population, et le sénateur Léocadius lui donna une des salles de son palais pour établir une église.

La période gallo-romaine a laissé quelques traces dans le département du Cher ; la vieille enceinte de Bourges est encore visible, et cette ville dut, ainsi que les grandes cités de l’empire posséder un cirque, des naumachies, des palais et des portes triomphales. Le cirque occupait l’emplacement de l’ancien couvent des Ursulines, et l’on voit encore dans les caves de cet établissement les restes des loges qui renfermaient les animaux féroces. On trouve aux environs de Bourges les ruines d’un aqueduc souterrain qui, probablement, conduisait les eaux de quelque source éloignée à la ville.

A Alichamps, lieu autrefois considérable, où venaient se croiser trois voies romaines, des fouilles ont fait découvrir des inscriptions, des colonnes miliaires, des vases, etc. A Drevant, sur le Cher, on montre l’emplacement d’un théâtre : on y a trouvé, en outre, des fragments de statues, des tombeaux, des pierres sculptées, des chambres pavées ou revêtues de marbre. A Alléan, près de Bau-, on voit encore les vestiges d’un camp ; à Maubranches, à Soye, à Celle-sur-Cher, on a trouvé des inscriptions, des poteries. Mais nous nous garderons bien d’attribuer à Vercingétorix les restes d’un vieux camp que l’on rencontre entre Maubranches et Nohant ; l’antiquaire doit être très sobre de ces pompeuses attributions, basées sur des témoignages trop légers, et dont la fragilité n’a servi que trop souvent à battre en brèche la science qu’il chérit.

Lors de la chute de l’empire romain et de l’invasion des barbares, les plaines de la fertile et plantureuse Aquitaine tombèrent au pouvoir des Wisigoths ;. Euric, leur roi, en rit la conquête vers l’an 475 ; ce ne fut pas sans résistance de la part des Bituriges, car il n’entra. dans leur capitale qu’après avoir échoué dans un premier siège. Mais les Wisigoths se rendirent bientôt odieux aux populations chrétiennes de la première Aquitaine par les persécutions de toute nature qu’ils leur firent endurer ; ils étaient ariens, c’est-à-dire qu’ils niaient la divinité de Jésus-Christ ; ils dévastèrent donc les églises et les monastères, en haine des chrétiens.

Aussi, lorsque Clovis eut, en 511, battu et tué Alaric Il, fils d’Euric, à la bataille de Vouillé, les évêques des villes d’Aquitaine ouvrirent-ils avec empressement les portes de leurs cités à ce prince, qui venait de reconnaître le Dieu de Clotilde et d’être baptisé par l’archevêque de Reims saint Remi. Dans les partages que firent entre eux les descendants de Clovis, le pays qui nous occupe fit toujours partie du royaume d’Orléans, et il fut gouverné par un comte qui résidait à Bourges. Les ducs d’Aquitaine s’en emparèrent vers la fin de la première race ; mais ils en furent chassés par Charles Martel . Bourges s’étant de nouveau déclarée pour les Aquitains et leur duc Waïfre, qui lui avait donné Cunibert pour comte, Pépin accourut et, après un siège de peu de durée, s’empara de la ville, la ruina et jeta Cunibert dans un cloître. Charlemagne établit dans le Berry des gouverneurs ou comtes, qui, dans la suite, rendirent leur gouvernement héréditaire, comme la plupart de ceux des autres grandes villes.

Le premier de ces comtes de Berry ou de Bourges fut Humbert, nommé en 778. Depuis cette époque jusqu’en 926, on en compte dix-huit, parmi lesquels on cite Gérard, qui régnait dès l’an 838. Dépouillé de son comté par Charles le Chauve en 867, il fut momentanément remplacé par Egfried ; mais ses hommes mirent le feu à la maison où était le nouveau comte, lui coupèrent la tète et jetèrent son corps dans les flammes. Gérard rentra ainsi en possession de son comté, malgré la volonté royale, frappée alors d’impuissance par la turbulence des comtes et les invasions incessantes des Normands. Il était encore comte de Bourges en 872, époque à laquelle il fut remplacé dans sa dignité par le duc Boson, beau-frère de Charles le Chauve et grand chambellan de Louis le Bègue, roi d’Aquitaine.

Louis le Bègue ayant succédé à son père, Charles le Chauve, au trône de France, Boson crut le moment favorable pour se déclarer indépendant ; mais il fut renversé, en 878, par Bernard Ier marquis de Septimanie. Celui-ci, parent de cet Egrried tué par Gérard en 867, réclama son héritage ; il fut appuyé par le comte du Maine et Gozlin, évêque de Paris, son oncle, et parvint à s’emparer du comté de Bourges. Mais bientôt il en chassa l’évêque Frotaire, s’empara des biens de l’Église et exigea des habitants un serment de fidélité contraire à celui qu’il devait lui-même au roi ; aussi fut-il excommunié par le concile de Troyes et attaqué, en 879, par une armée que Louis le Bègue avait donnée à Boson, son oncle, rentré en grâce auprès de lui. Boson, maître de Bourges, le fut bientôt de tout le pays. Dans la suite, il fit la paix avec Bernard et lui donna un fief.

A sa mort, arrivée en 886, il eut pour successeur Guillaume Ier le pieux qui était déjà comte d’Auvergne. Guillaume II, qui succéda à ce dernier, fut souvent en guerre avec la roi Raoul ; ce dernier lui enleva même son comté et le lui rendit en 927, après l’avoir forcé à lui rendre hommage. Après la mort de Guillaume Il, arrivée en 926, .le roi Raoul supprima le titre de comte de Berry, donna la propriété de Bourges au vicomte de cette ville et décida qu’à l’avenir ce vicomte, le seigneur de Bourbon, le prince de Déols et les autres barons du Berry relèveraient immédiatement de la couronne.

Geoffroy, dit Papabas, que quelques historiens font fils de Guillaume II, fut le premier vicomte de Bourges. C’est pendant son gouvernement que la France fut envahie et dévastée par les Hongrois, dont les contemporains nous ont fait un portrait si effroyable que le souvenir s’en est conservé dans la tradition de l’Ogre, terreur de notre enfance. Geoffroy eut trois successeurs du même nom que lui : Geoffroy II, dit Bosebebas ; Geoffroy III, le Noble ; Geoffroy IV, le Meschin ; tous prirent part aux grands événements qui signalèrent l’enfantement de la monarchie capétienne.

Étienne, fils de Geoffroy IV, était vicomte de Bourges en 1061 et mourut sans postérité. Eudes Herpin ou Arpin lui succéda dans la vicomté de Bourges ; il avait épousé Mahaud de Sully, fille et héritière d’Étienne ; d’ailleurs, il prétendait lui-même descendre de Guillaume Ier, le Pieux. Ce sixième et dernier vicomte de Bourges vivait en 1090, lors de la ferveur des premières croisades. En 1101, se disposant à partir pour la terre sainte avec le duc d’Aquitaine, il vendit au roi Philippe Ier sa vicomté pour soixante mille sous d’or. Il se distingua pendant la croisade, fut pris à la bataille de Rama, le 27 mai 1102, et eut beaucoup de peine à se racheter. Enfin il revint en France et se fit moine dans la célèbre abbaye de Cluny, fondée par Guillaume Ier environ 180 ans auparavant ; il n’y mourut qu’en 1109 et y fut enterré. Le Berry fut la première province réunie au domaine de la couronne.

A l’époque où la vicomté de Bourges rentrait ainsi au domaine royal, sa juridiction ne s’étendait pas sur tout le Berry ; les possesseurs des grands fiefs du pays s’étaient rendus indépendants, et l’on avait vu s’élever les seigneurs de Sancerre, de Montfaucon, de Charenton, de Germigny, de Vierzon, de Mehun, etc. Les maîtres de ces fiefs, suzerains eux mêmes d’un grand nombre de vassaux, couvrirent le pays d’un réseau de forteresses, destinées à la fois à protéger les campagnes et à les maintenir dans l’obéissance. Les rois, devenus maîtres du Berry, durent forcer ces fiers barons à rentrer dans le devoir et à leur prêter hommage.

En 1140, le diocèse de Bourges fut violemment troublé à la mort de l’archevêque Albéric. Dès le temps de Charlemagne, les évêques de Bourges avaient pris le titre d’archevêques et de primats d’Aquitaine, ce qui leur donnait des droits sur les quatre archevêchés de Bordeaux, d’Auch, de Narbonne et de Toulouse. Les chanoines du grand chapitre, dont l’institution remontait à Charlemagne, ayant demandé au roi la permission d’élire un nouvel archevêque, celui-ci les y autorisa, à condition qu’ils ne nommeraient pas Pierre de La Châtre, neveu du chancelier de l’Église romaine ; mais le pape Innocent II investit lui-même ce prélat du pallium, prétendant qu’il fallait « accoutumer ce jeune homme (le roi de France) à ne pas prendre la licence de se mêler ainsi des choses de l’Église. »

Louis VII, furieux, jura que, tant qu’il porterait la couronne, Pierre ne posséderait l’église de Bourges ni autre en son royaume. Il ordonna la confiscation du temporel de l’archevêché et mit garnison dans le château de Saint-Palais et dans plusieurs autres places. Pierre de La Châtre, à son retour de Rome, se vit donc refuser l’entrée de Bourges par les gens du roi et fut obligé de se retirer sur les terres que possédait en Berry le vieux comte de Champagne Thibaut, grand ami du clergé et brouillé alors avec le roi. Le pape, de son côté, fulmina une bulle contre Louis le Jeune et mit en interdit tous les lieux habités par ce prince, qui, de même que son aïeul Philippe Ier, ne put, trois ans durant, mettre le pied dans une ville ou dans une bourgade sans que le service divin y fût à l’instant suspendu.

Louis VII, pour se venger, dévasta la Champagne, prit d’assaut la forte place de Vitry et l’incendia ; plus de treize cents personnes qui s’étaient retirées dans la principale église périrent alors dans les flammes. Cependant, après trois ans de résistance, le roi se soumit et rétablit lui-même Pierre de La Châtre dans son siège. Depuis ce temps, ils vécurent en bonne intelligence, et le roi abolit même en sa faveur une coutume des temps barbares, qui permettait de piller la maison de l’archevêque après sa mort et d’en emporter les meubles. Les guerres suscitées entre Louis VII et Henri Il d’Angleterre, à la suite de la répudiation d’Éléonore de Guyenne, eurent des suites sanglantes pour les pays du Cher, qui alors limitaient les possessions françaises et anglaises. Les citadelles furent souvent prises et reprises, les villes et les villages livrés aux flammes, les campagnes ravagées. Des bandes de pillards, connues sous les noms de cottereaux, routiers, brabançons, parcouraient le pays, dévastant et tuant sans pitié. Les seigneurs du Berry, effrayés, prirent les armes pour les repousser et les mirent complètement en déroute près de Dun-le-Roi, en juillet 1183. Au XIVe siècle, les combats recommencèrent avec les Anglais. Le Prince Noir, fils d’Édouard III, ’traversa le Berry, brûla les faubourgs de Bourges. Mais le duc Jean, dont nous allons parler, aidé par le comte de Sancerre et Du Guesclin, les chassa du pays.

Le Berry, rentré sous le gouvernement royal, demeura pour toujours partie intégrante de la France ; les rois le firent administrer par des baillis, des prévôts et des gouverneurs ; Bourges conserva cependant quelques privilèges de son ancienne juridiction municipale jusqu’en 1474, époque à laquelle le Berry fut assigné comme apanage par le roi Jean à son troisième fils, Jean, après avoir été érigé en duché-pairie. Il y eut alors à Bourges deux juridictions : celle du duc, qui était exercée par son sénéchal et ses autres officiers, et celle du roi, qui était représentée par le bailli de Saint-Pierre-le-Moutiers, qualifié juge des exemptions du Berry, et qui siégeait pour cela à Sancoins. Les causes d’exemption concernaient les cas royaux et les procès des principales églises et monastères du diocèse de Bourges.

Jean Ier, duc de Berry, était né en 1340. Ce jeune prince s’était trouvé à la désastreuse bataille de .Poitiers, n’y avait pas été fait prisonnier, mais avait été donné en otage pour son père. Il resta neuf ans en Angleterre et n’en revint qu’en 1365, après la mort du roi Jean. Pendant tout le cours du règne de Charles V, son frère, il combattit les Anglais en Guyenne comme lieutenant du brave Du Guesclin. Sous Charles VI, il fut gouverneur du Languedoc, et il exerça de grandes vexations dans cette province et dans quelques autres qui n’étaient pas de son apanage ; mais il ménagea toujours le Berry comme son patrimoine et y rit même beaucoup de bien en le dotant de grands établissements et de bâtiments considérables. C’est à lui que la ville de Bourges fut redevable d’une Sainte-Chapelle, bâtie, dit-on, sur le modèle de celle de Paris, et d’un palais magnifique dont il ne reste plus de, traces. Pendant les premiers accès de la terrible maladie de Charles VI, son neveu, il gouverna absolument le royaume.

Lorsque la funeste rivalité des Armagnacs et des Bourguignons eut éclaté au commencement du XVe siècle, le haut Berry, qui compose le département du Cher, fut le théâtre de grands événements. Jean, duc de Berry, alors fort âgé, ayant pris parti pour le duc d’Orléans, concentra à Bourges toutes ses forces militaires, et tint garnison dans toutes les places fortes du pays. Alors Jean sans Peur, duc de Bourgogne, sous prétexte de faire respecter l’autorité royale, amena l’infortuné Charles VI à la tête d’une armée considérable pour soumettre le duché.

Après avoir pris les villes de Montfaucon et de Dun-le-Roi, les châteaux de Beaugy, de Fontenay et plusieurs autres, il arriva devant Bourges en juin 1412 et en fit le siège, qui dura jusqu’au mois d’octobre suivant. Alors les deux partis s’accordèrent, au grand déplaisir des Anglais, qui comptaient profiter de cette triste rivalité pour s’emparer de la province. Le duc Jean étant mort sans enfants mâles en 1416, le Berry retourna à la couronne, mais non pour longtemps ; Charles VI le donna d’abord au troisième de ses fils et ensuite au quatrième, qui fut depuis le roi Charles VII. Ce prince fit de Bourges son séjour ordinaire et conserva même, étant dauphin, le Berry, qui fut son asile et le centre de ses possessions. A la mort de son père, en 1422, le roi de Bourges, comme l’appelaient par dérision les Anglais, se mit en devoir de recouvrer l’héritage de ses aïeux. Les barons du Berry demeurèrent, en cette occasion, loyalement dans son parti et contribuèrent puissamment au rétablissement de son autorité.

Charles VII affectionna toujours le Berry et y mourut en 1461, au château de Mehun-sur-Yèvre, sa résidence favorite, des soucis que lui causait la mauvaise conduite de son fils, le dauphin Louis. L’année même de sa mort, il l’avait donné le Berry en apanage à son second fils Charles. Ce prince, qui, à l’avènement de Louis XI, avait à peine seize ans, était d’une grande faiblesse de caractère ; il s’ennuyait à la cour de son frère, sérieuse et économe, de laquelle avaient disparu les somptueux banquets, les bals et les tournois qui, au temps du roi Charles VII, répandaient la richesse et la joie dans les campagnes du Berry ; il se laissa entraîner dans la révolte que les princes et seigneurs ourdirent contre Louis XI, sous prétexte du bien public.

Louis déploya beaucoup d’activité dans ce moment critique et vint lui-même en Berry à la tète d’une vingtaine de mille hommes ; il soumit successivement les villes et les châteaux du pays, mais il échoua devant Bourges et ne put s’emparer de la Grosse-Tour. On sait comment se termina cette ligue du Bien publie les traités de Saint-Maur et Conflans, qui, en 1465, suivirent la bataille de Montlhéry, satisfirent momentanément l’ambition et la rapacité des seigneurs. Charles reçut un autre apanage, et le Berry rentra encore une fois aux mains de la royauté, à laquelle il fut fidèle. Louis XI constitua cependant cette province tour à tour en apanage pour François son troisième fils, qui mourut jeune, et pour sa seconde fille, Jeanne, qu’il avait mariée à Louis d’Orléans. Lorsque ce dernier parvint à la couronne sous le nom de Louis XII, en 1498, il répudia Jeanne et dut lui restituer son domaine du Berry, où elle se retira, pratiquant les bonnes œuvres et répandant autour d’elle les bienfaits de la charité la plus sincère ; elle mourut en 1504, après avoir fondé l’ordre des religieuses Annonciades. Elle fut dans la suite béatifiée sous le nom de sainte Jeanne de Valois. Elle était petite, contrefaite, niais d’une grande douceur de caractère et d’une éducation aussi solide que variée.

Après la mort de cette princesse, le duché de Berry étant encore retourné à la couronne, le roi François Ier en donna l’usufruit, l’an 1527, à sa soeur Marguerite de Valois, épouse de Philibert-Emmanuel de Savoie, et qui mourut en 1574. Cette femme célèbre, l’un des plus beaux esprits de son siècle, et que son frère chérissait et qualifiait de Marguerite des Marguerites, fut la protectrice de Calvin, qui étudiait alors dans la célèbre université que le saint roi Louis IX avait créée à Bourges. A l’aide de la faveur dont il jouissait, il essaya, avec succès, de répandre ses idées réformatrices dans le village d’Asnières et dans la petite ville de Lignières ; enhardi bientôt par le succès, il s’avança jusqu’à Sancerre et essaya de gagner à la cause dont il se faisait l’apôtre les habitants de cette importante cité ; cette fois, le clergé s’émut, de vives remontrances furent faites aux magistrats, et bientôt il fallut que Calvin quittât la province ; il laissait derrière lui des germes nombreux de sa doctrine.

Ce ne fut qu’en 1561 que, pour la première fois, un prêche fut ouvert à Bourges ; les protestants n’y étaient pas encore les plus forts ; en mai 1561, lorsque le massacre de Vassy eut donné le funèbre signal de ces guerres civiles, dites de religion, les calvinistes, réunis en nombre dans les villes voisines, marchèrent sur Bourges, sous la conduite du comte de Montgomery s’emparèrent de la ville et la saccagèrent. Alors furent commises bien des profanations sacrilèges ; les églises et les monastères furent pillés, on dispersa les prêtres et les moines, et, lorsque les victimes humaines vinrent à manquer, les fanatiques s’en prirent aux tombeaux : les cendres de saint Ursin, l’apôtre du Berry, furent jetées au vent, ainsi que celles de sainte Jeanne de France.

Maîtres de Bourges, les calvinistes se répandirent dans les campagnes, ravageant les prieurés et les monastères, pillant les églises et incendiant les châteaux de la noblesse catholique. Il fallut que le duc de Guise en personne et le maréchal de Saint-André accourussent protéger le haut Berry. Bourges fut assiégée, tint quinze jours et se rendit. Rappelé sur les bords de la Loire, le duc de Guise abandonna le pays, et bientôt la guerre civile recommença avec toutes ses misères et ses excès.

Le Berry et plus particulièrement les pays qui composent le département du Cher se partagèrent en deux camps : Bourges fut le centre des catholiques, Sancerre devint la principale place d’armes des protestants. Cette guerre impie dura pendant les règnes de Charles IX et de Henri III (de 1560 à 1589). La Saint-Barthélemy eut, en août 1572, un funeste retentissement à Bourges ; malgré les efforts des catholiques les plus modérés, de grands massacres eurent lieu ; mais, proportion gardée, ils ne furent pas aussi multipliés que ceux qui avaient ensanglanté Paris. Quelques victimes purent s’échapper ; entre autres les jurisconsultes Hugues Doneau et François Hotman, qui parvinrent à gagner Genève.

Dès l’an 1568, et à l’imitation de la ville de Péronne et des autres villes du nord de la France, une ligue catholique s’était formée à Bourges pour défendre la religion catholique ; l’archevêque en fut le chef. Dès que la but de cette association fui connu, de toutes parts les communes et les bourgs du Berry voulurent s’y associer ; cependant quelques-uns restèrent fidèles aux prêches calvinistes ; d’autres furent tenus dans l’indécision par la conduite irrésolue et cauteleuse de Henri III. Mais lorsque ce malheureux prince fut tombé, en 1589, sous le couteau de Jacques Clément, le Berry se partagea en deux camps bien distincts : le sire de La Châtre, gouverneur de la province, tint pour la Ligue, ainsi que les villes de Bourges, de Dun-le-Roi, de Mehun-sur-Yèvre et de Vierzon ; tandis que le comte de La Grange-Montigny, les seigneurs de Gamaches, d’Arquian, de Marcilly et autres prirent le parti de Henri IV, ainsi que les villes de Sancerre et d’Issoudun, où ils se fortifièrent.

Pendant cinq années, le pays fut complètement ravagé ; les barons assouvirent les uns contre les autres leurs haines réciproques, détruisant les récoltes des fiefs de leurs rivaux, brûlaient les villages et ruinant les châteaux. C’est surtout de cette époque que date la destruction des forteresses féodales dont les ruines couronnent d’une manière si pittoresque les coltines, ou qui se cachent au fond des plaines, mirant leurs débris moussus et couverts de lierre dans les eaux qui jadis en défendaient les approches. Le jeune duc de Guise, fils du Balafré, vint en 1591 chercher un asile dans le Berry, après s’être échappé de prison ; le baron de La Châtre le reçut magnifiquement, et sa présence, qui dura plus d’un mois, servit à fortifier son parti.

Cependant l’archevêque Regnault, que l’on avait forcé de jurer fidélité à la Ligue, était parvenu à s’évader ; il rejoignit Henri IV, lui fit sa soumission, et ses sages conseils contribuèrent puissamment à faire rentrer le roi dans le giron de l’Église catholique. Ce fut entre ses mains qu’en 1594 Henri IV fit son abjuration à Saint-Denis. Cet événement dut nécessairement modifier la position des partis dans les pays qui composent le département du Cher, et la plupart des barons se soumirent individuellement à Henri IV. Le sire de La Châtre, qui était à la fois gouverneur de Bourges et d’Orléans pour la Ligue, traita avec le roi et lui remit les clefs de ces villes, moyennant huit cent quatre-vingt-dix-huit mille neuf cents livres.

Sous la sage administration de ce prince, le Berry jouit d’un repos dont il avait bien besoin. Henri IV affecta les revenus de cette province à l’entretien de Louise de Lorraine, veuve de Henri III. A la mort de cette princesse, en 1601, le Berry fit de nouveau retour à la couronne, et le roi en donna le gouvernement à Henri de Bourbon, prince de Condé. Le sage et intègre Sully contribua, à cette époque, à cicatriser les plaies de la guerre civile dans ce beau pays ; il y possédait les terres de Mont-Rond, de Montfaucon et d’Henrichemont ; il fit accorder quelques indemnités à ceux des habitants des campagnes qui avaient le plus souffert.

Les troubles de la minorité de Louis XIII devaient replonger le Berry dans l’anarchie. La reine mère, Marie de Médicis, avant fait arrêter Condé au Louvre, une certaine agitation se manifesta dans la province où ce prince était fort aimé. Le sire de La Grange-Montigny, le vieux capitaine ligueur, que l’on venait de récompenser en lui donnant le bâton de maréchal, fut chargé de reprendre successivement, à la tête d’une armée royale, les places qui tenaient pour le prince ; il en vint à bout presque sans coup férir ; cependant la Grosse-Tour de Bourges, qui avait bonne garnison dévouée au prince de Condé, résista d’abord ; mais ce fut en vain ; le Berry resta définitivement dans l’obéissance royale.

Après quelques années d’une prospérité que rien ne vint troubler, sous la sévère administration de Richelieu, ce pays vit, sous la Fronde, se renouveler ces cruelles alternatives de misère et de désolation que la guerre civile faisait peser sur lui. Le grand Condé, ancien élève du collège de Bourges, avait succédé à son père dans le gouvernement du Berry ; il devint suspect à la reine mère Anne d’Autriche, et à Mazarin, qui, au nom de Louis XIV, enfant, régnait sur la France ; il fallut l’arrêter. Les troupes royales entrèrent à cette occasion dans la province, pour y tenir en respect la noblesse, à cause de son attachement à la maison de Bourbon. Il se forma alors deux partis qui se tinrent en échec dans le pays. Le prince de Condé, à sa sortie de prison, chercha à ressaisir son gouvernement ; il leva des troupes dans quelques cantons du Berry ; n’ayant pu détacher Bourges du parti du roi, il établit ses ligues depuis le château de Mont-Rond, dont il avait fait sa place d’armes, jusqu’à Sancerre. La guerre, qui du reste ne se fit que par surprises et escarmouches, ne dura que quelques mois ; force resta à l’autorité royale.

C’est alors que furent détruites les forteresses féodales qui étaient restées debout après les guerres de religion ; les châteaux de Mont-Rond, de Beaugy furent démantelés ; la Grosse-Tour de Bourges, l’orgueil de celte vieille cité, fut rasée et ses matériaux employés à la construction d’un hôpital Sous l’administration éclairée de Colbert, les campagnes du Cher redevinrent calmes et prospères mais les habitants eurent plus d’une fois à gémir des taxes et des impôts extraordinaires que nécessitaient les grandes guerres de Louis XIV.

Colbert avait acquis dans le pays les terres de Lignières, de Bois-sire-Aimé et de Châteauneuf. Louis XIV et les rois qui lui succédèrent donnèrent plusieurs fois le Berry en apanage à des princes de la famille royale ; mais cette province n’eut aucun rapport avec ces différents princes apanagistes, qui n’en portèrent que le nom ; elle fat administrée jusqu’en 1789 par des gouverneurs royaux. Bien qu’ils changeassent trop souvent pour le bonheur et la tranquillité des campagnes, cependant rien d’important ne signala leur administration. Louis XVI, qui méditait d’utiles réformes, choisit, en 1778, cette paisible province pour y faire l’essai d’une administration provinciale, qui fut appliquée en grand à toutes les provinces de la France en 1787. La direction des affaires de la contrée fut confiée à une assemblée provinciale, composée de quarante huit membres, douze de la noblesse, douze du clergé et vingt-quatre du tiers état. Sous cette administration d’essai, d’utiles réformes, que la marche des idées avait rendues nécessaires, furent entreprises. En 1790, un nouveau changement eut lieu, et les administrations provinciales furent remplacées par les administrations départementales.

Le département du Cher fut alors formé du haut Berry (690 410 hectares) et de quelques portions du Bourbonnais (29 333 hectares). Pendant la Révolution, il fut entraîné dans le mouvement général ; cependant les anciennes populations du Berry, fidèles et religieuses, ne se laissèrent pas gagner aux excès qui signalèrent cette époque de notre histoire ; il y eut bien, en 1196, une tentative de chouannerie ; Phélippeaux et quelques royalistes cherchèrent à soulever les départements du Centre, la Loiret, l’Indre, la Nièvre et le Cher ; mais le Directoire envoya sur les lieux les généraux Desanfants et Chezin, (lui eurent bientôt rétabli la tranquillité. Avec elle, le département du Cher vit, pendant le Consulat et l’Empire, son antique prospérité renaître ; quelques grands travaux d’utilité publique furent entrepris, et pour la première fois des voies de communication s’ouvrirent au centre de ces contrées, que quelque temps auparavant Mirabeau avait qualifiées de Sibérie de la France.

A la suite des désastres de 1814 et de 1815, les armées étrangères pénètrent en France ; le département du Cher fut préservé des maux de l’invasion par sa position centrale. C’est sur son territoire que furent licenciés en partie les débris de cette armée héroïque qui avait parcouru l’Europe avec ses aigles victorieuses. Le département du Cher n’eut heureusement pas à souffrir de la guerre de 1870-1871 ses forges, ses fonderies contribuèrent pour une large part à la défense nationale, et les mobiles du Cher se signalèrent par leur bravoure au combat de Toury et à la défense de Paris.

 
 
Même rubrique >

Suggérer la lecture de cette page
Abonnement à la lettre d'information La France pittoresque

Saisissez votre mail, et appuyez sur OK
pour vous abonner gratuitement
Éphéméride : l'Histoire au jour le jour. Insertion des événements historiques sur votre site

Vos réactions

Prolongez votre voyage dans le temps avec notre
encyclopédie consacrée à l'Histoire de France
 
Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne !