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Coutumes et traditions : procession de la Fête Dieu à Aix (Bouches-du-Rhône)

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Procession de la Fête Dieu
à Aix (Bouches-du-Rhône)
(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1836)
Publié / Mis à jour le lundi 18 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Cette procession avait été instituée, vers l’an 1462, par le roi René. Il avait emprunté, pour en faire un spectacle magnifique, tout ce que la verve poétique de ce temps savait mêler de sacré et de profane, d’histoire ancienne et d’histoire moderne. Le lundi de la Pentecôte, avait lieu la nomination des principaux chefs de la fête : le roi de la Basoche, le prince d’Amour, l’abbé de la Jeunesse, et quelques autres grands dignitaires.

René d'Anjou

René d’Anjou

Le jour de la Trinité, étaient élus les officiers subalternes, et tous ceux qui voulaient prendre part à la cérémonie se faisaient inscrire. Ils parcouraient la ville en chantant et dansant, s’arrêtant devant les maisons de belle apparence, d’où on leur jetait quelques pièces de monnaie.

La veille de la grande procession avait lieu le passado ; vers midi, les bâtonniers, après avoir préalablement entendu la messe à la cathédrale , parcouraient la ville au pas de course, musique en tête, s’arrêtant à chaque coin de rue pour donner aux passants le spectacle de leur adresse. Puis ils se rendaient sur le Cours où avait lieu le lou gué, c’est-à-dire la distribution des costumes pour le lendemain. Le prévôt, accompagné des échevins, proclamait le nom des dieux de l’Olympe, qui venaient successivement se ranger près de lui.

Le lendemain, jour de la Fête-Dieu , la procession se mettait en marche au son des cloches à grande volée. D’abord se présentaient quatre bâtonniers chargés de rubans aux couleurs, soit de l’abbé de la Jeunesse, soit du roi de la Basoche, suivant qu’ils appartenaient à l’un ou l’autre de ces deux chefs ; puis se présentaient les ateliers du comte de Provence, portant chacun une torche.

Ils précédaient la Renommée, montée sur un cheval, que conduisaient quatre sampodophores (porteurs de torches) ; le costume de la déesse aux cent voix était une robe jaune sur laquelle étaient peintes les armes des principaux seigneurs provençaux ; deux ailes peintes également en jaune sortaient de la robe par deux fentes pratiquées aux épaules ; sa coiffure était un bonnet également jaune et couvert de plumes.

Deux groupes suivaient la Renommée : le premier se composait des chevaliers du Croissant, ordre militaire institué par le roi René. Cet ordre, célèbre dans les fastes de l’histoire de Provence, avait une armure ainsi qu’on la portait en ces temps ; un croissant que les chevaliers avaient sur la poitrine et à leurs casques, indiquait que leur valeur devait aller toujours en croissant, et les distinguait des autres guerriers. Une musique militaire les séparait du duc et de la duchesse d’Urbin, montés sur des ânes. Les figures grotesques de ces malheureux princes rappelaient un des trophées de René, qui vainquit Urbin en 1460. La duchesse d’Urbin était la fille d’Alexandre Sforce, que le duc avait épousée en 1459, après la mort de Gentile de Braccaleone, sa première femme.

Les vociférations et les railleries du peuple accueillaient toujours l’image de ce général, qui, pour avoir été vaincu une fois, n’en était pas moins un des plus remarquables de son époque. Momus suivait ces deux groupes ; son vêtement était chamarré de mille couleurs et couvert de grelots ; d’une main il balançait la marotte sur la tête de la foule, et de l’autre il tenait son masque.

Mercure l’accompagnait. Ce dieu, en cette circonstance, ne représentait pas le protecteur du commerce et de l’industrie, mais seulement celui des voleurs. A cet effet , il s’appuyait sur la Nuit qui le couvrait de son manteau noir parsemé d’étoiles et de pavots.

Principale entrée de la ville d'Aix, par A. Meunier, en 1792

Principale entrée de la ville d’Aix,
par A. Meunier, en 1792

Un charivari, réunion de bruits aigus et discords cherchant à imiter les pleurs et les grincements de dents de l’enfer, annonçait le noir Pluton. Cinq groupes différents composaient son cortège : le premier était celui des Razcassetos ; c’étaient les lépreux de l’Écriture : ils étaient tous munis de peignes, de brosses, de ciseaux et d’éponges, s’occupant sans cesse à brosser, peigner et laver un d’entre eux, qui cherchait vainement à se soustraire à leurs bons offices.

Lou jouec dou cat paraissait après les Razcassetos. Moïse portait les tables de la loi ; son front était orné des deux rayons lumineux que lui donne la tradition. Aaron était près de lui, et cherchait à expliquer la loi divine aux Israélites ; mais ceux-ci se moquaient des paroles du grand-prêtre, et dansaient autour du veau d’or. Un d’entre eux tenait un jeune chat qu’il lançait en l’air et ressaisissait dans sa chute avec beaucoup d’adresse, c’est ce qui faisait donner à ce groupe le nom de jeu de chat, lou jouec dou cat. Enfin Pluton, Proserpine, l’accompagnaient, tous deux vêtus de robes noires parsemées de flammes ; d’une main, ils avaient leurs sceptres d’ébène, et de l’autre les clefs du sombre empire ; les démons les entouraient formant devant et derrière des danses diaboliques.

Le quatrième groupe représentait le pichoum jouec déis diables (petit jeu des diables). Un enfant vêtu de blanc figurait une âme, qu’un ange conduisait par la main , lui montrant la croix. Des diables cherchaient toujours à frapper de leurs masses ou de leurs fouets la malheureuse âme ; mais les coups retombaient sur l’ange dont le dos était vraisemblablement rembourré. Le grand jeu des diables suivait le petit, et terminait le cortège du Dieu des enfers ; Hérode, revêtu des insignes de la royauté, était en butte à la fureur des démons, qui le harcelaient à coups de fourches et de piques, faisant sonner insolemment leurs grelots autour de sa tête.

La diablesse se faisait remarquer au milieu d’eux ; c’était une femme habillée dans le goût le plus moderne, personnification de la coquetterie. Les dieux de la mer suivaient ceux de l’enfer ; leurs costumes étaient bleu clair, ainsi qu’est l’eau azurée ; ils entouraient Neptune, dont la main était armée du redoutable trident ; les vents tonnaient autour de lui une danse animée.

Une musique champêtre annonçait les dieux de la terre ; les nymphes, vêtues de robes vertes comme les feuilles des bois, mêlaient leurs danses avec les satyres ; ceux-ci avaient les jambes couvertes de peaux bigarrées ; le haut de leur corps était couvert d’un gilet dont la couleur imitait celle de la chair ; une longue queue et des cornes complétaient le costume. Pan, habillé de même, les suivait en jouant de la flûte.

Ce char, couvert de pampres et de feuilles vertes, annonçait Bacchus : c’était en effet lui qui était assis sur ce tonneau ; d’une main il tenait une bouteille, et de l’autre une coupe. Il se versait à boire, et dès qu’il avait trempé ses lèvres dans la tasse, elle lui était arrachée par les faunes qui composaient sa suite, et qui la vidaient. Aussi cette partie de la procession était-elle une des plus gaies. Mars et Minerve suivaient Bacchus ; le premier portait le costume des chevaliers au temps de Louis XI, et la seconde celui des dames de la cour. Elle tenait en outre la lance et la tête de Méduse.

Eglise Saint-Jean, à Aix

Eglise Saint-Jean, à Aix

Venaient ensuite les chèvaouz frux (chevaux fringants). Cette partie de la procession était certainement la plus curieuse. Des chevaliers de la cour de René exécutaient debout sur leurs chevaux des exercices, comme on en voit chez Franconi ; mais il paraît que ces seigneurs n’avaient pas la même adresse que les écuyers de dernier car, dans une de ces processions, plusieurs d’entre eux tombèrent et furent tués. Il fut décidé alors qu’on les remplacerait par des hommes qui auraient des chevaux de carton attachés à leurs ceintures, et qui répéteraient d’une manière moins dangereuse les exercices de leurs devanciers.

Diane et Apollon suivaient ces redoutables cavaliers ; Diane portait son arc et ses flèches ; Apollon, sa lyre harmonieuse et le coq matinal. Les Heures leur succédaient se tenant par la main. Le groupe suivant représentait la visite de la reine de Saba au grand roi ; elle le saluait avec des rameaux verts et en balançant son corps de droite à gauche. Salomon, pour lui faire honneur, exécutait devant elle une danse vive et animée, abaissant sa redoutable épée à la pointe de laquelle était attaché le castlet (petit château) surmonté de cinq girouettes ; ce castlet figurait le temple que ce monarque éleva. Les femmes de la reine la suivaient tenant chacune une coupe, présent du saint roi.

Les pichnoux dansaires et les grands dansaires, deux groupes de danseurs, précédaient le char des dieux. Celui-ci magnifiquement orné, couvert des tapis les plus riches, conduit par six superbes chevaux blancs richement caparaçonnés, supportait plusieurs trônes : sur le plus élevé était Jupiter, les foudres en main ; Junon était à ses pieds, elle caressait le paon son oiseau privilégié ; Vénus et l’Amour étaient assis près d’elle ; les Jeux et les Ris entouraient le char.

Derrière étaient les trois parques, Clotho, Lachésis et Atropos, roulant, filant et coupant les jours des mortels. Hérode les suivait ; il présidait au massacre des Innocents. Ses gardes, armés de fusils, tiraient en l’air, et une douzaine d’enfants se jetaient à terre en poussant de grands cris. Les Mages, les Apôtres, les Evangélistes figuraient aussi dans cette procession ; elle était terminée par le prince d’Amour, l’abbé de la Jeunesse et le roi de la Basoche. René avait personnifié, dans ces trois chefs de la procession, la noblesse, le clergé et le peuple ; tous trois marchaient sur la même ligne ; tous trois avaient un cheval de la même couleur et de la même taille ; tous trois avaient une même suite. En cette circonstance, mais en celle-là seule, se retrouvait l’égalité.

Telle était la procession d’Aix en 1490, et déjà quelques personnages, tels que Adam, Eve, Caïn, Abel, les Patriarches, etc., étaient supprimés. La procession du Saint-Sacrement, ainsi qu’elle était observée il y a encore quelques années à Paris, suivait ce cortège. En 1645, et principalement en 1680, les archevêques de la ville voulurent supprimer les scènes profanes de cette cérémonie ; le peuple mécontent menaça de brûler l’archevêché, et les prélats renoncèrent à leur censure. La fête continua donc sans obstacle jusqu’en 1789. A ce moment, la Révolution, qui renversait toutes les cérémonies du culte catholique, abolit aussi la procession d’Aix : elle fut reprise à l’époque du concordat ; mais alors elle était bien déchue de son ancienne bizarrerie.

 
 
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