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28 juin 1635 : la Guadeloupe devient une colonie française

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28 juin 1635 : la Guadeloupe
devient une colonie française
Publié / Mis à jour le vendredi 26 mai 2017, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Amorcée dix ans plus tôt à Saint-Christophe, la colonisation française prit son essor avec l’arrivée de 500 colons en Guadeloupe, ces immigrants venant surtout de Normandie et de l’ouest de la France, les premières années se traduisant par de sanglants et cruels affrontements

Le groupe d’îles qui se compose de la Guadeloupe, de Marie-Galante, de la Désirade et des Saintes, fut découvert par Christophe Colomb lors du second voyage qu’il fit en Amérique, dans les premiers jours du mois de novembre 1493. Ces îles étaient alors habitées par les Caraïbes, et ce n’est guère que près d’un siècle et demi plus tard que les Européens vinrent s’y établir. Durant cette période, les indigènes n’avaient vu aborder chez eux que de rares vaisseaux qui venaient y faire de l’eau. Une société, autorisée le 31 octobre 1626 sous le nom de Compagnie des îles de l’Amérique, avait obtenu du roi la propriété, le gouvernement et le commerce exclusif, pour vingt ans, de toutes les îles du Nouveau-Monde qu’elle mettrait en valeur.

Témoin fidèle et historien fort estimé des premiers temps de la colonisation, le Père Dutertre nous fait assister, dans son Histoire des établissements français dans les îles de l’Amérique, au début de notre établissement en Guadeloupe : « Il y avait, dit-il, dans l’île de Saint-Christophe, un capitaine nommé l’Olive [Charles Liénard de l’Olive, lieutenant général de d’Esnambuc, gouverneur français de Saint-Christophe], des plus riches, des plus anciens et des plus courageux habitants de cette colonie. Ce gentilhomme avait une parfaite connaissance de la qualité de toutes les îles voisines, pour les avoir fort fréquentées.

Le cardinal de Richelieu, l'un des actionnaires de la Compagnie des îles d'Amérique. Détail d'une peinture de Philippe de Champaigne

Le cardinal de Richelieu, l’un des actionnaires de la Compagnie des îles d’Amérique.
Détail d’une peinture de Philippe de Champaigne

« Etant venu en France en 1634, avec quantité de marchandises, il rencontra dans la ville de Dieppe, peu de jours après son arrivée, un gentilhomme appelé Duplessis [Jean du Plessis d’Ossonville], lequel avait déjà été à Saint-Christophe avec M. de Cahuzac, et était sur le point d"y retourner. Ces deux gentilshommes, s’entretenant de la beauté et de la fertilité de toutes ces îles, mais principalement de celle de la Guadeloupe (qui a des avantages très considérables sur toutes les autres), conçurent le généreux dessein d’y jeter une nouvelle colonie.

« Ils se rendent à Paris, communiquent leur résolution aux seigneurs de la Compagnie [Compagnie des îles d’Amérique], leur font une déclaration fort sincère de la grandeur, beauté et fertilité de cette île, les assurent de leur fidélité et engagement à leurs intérêts, pourvu qu’ils veuillent s’intéresser à leur requête. Les seigneurs de la Compagnie en parlent à Mgr le cardinal de Richelieu, qui les reçoit avec joie, les écoute volontiers, approuve et loue leur entreprise, et ordonne que leurs commissions soient expédiées ».

Par le contrat signé le 14 février 1635 entre de l’Olive et du Plessis, la Compagnie leur promettait des armes, des munitions, et la protection du gouvernement ; eux s’engageaient à faire passer successivement du monde dans la colonie, de façon qu’il y eût au moins 800 hommes, sans compter les femmes et les enfants, au bout de dix ans. Ils devaient fournir une redevance de petun (tabac), et tout ce qu’ils auraient fait d’établissements, de forts et d’habitations revenait à la Compagnie à la fin du contrat.

Les deux fondateurs, hors d’état de faire tous les frais d’une semblable entreprise, admirent pour six années, dans les bénéfices de leur concession, la corporation des marchands de Dieppe, qui eut à leur fournir 2500 hommes. Les gens que l’on emmenait pour cultiver les îles étaient appelés engagés, et par sobriquet trente-six mois, parce qu’ils s’obligeaient à servir pendant trois ans pour prix de leur passage. Cet engagement était un véritable esclavage à terme. L’histoire constate que les engagés étaient traités, battus et vendus comme des esclaves.

Dix ans juste après le départ du brigantin qui avait si providentiellement conduit d’Esnambuc aux rivages de Saint-Christophe, la nouvelle expédition, composée de cinq cent cinquante personnes, quittait le port de Dieppe le 20 mai 1635. Parmi ces passagers, 400 étaient des laboureurs qui, moyennant leur passage gratuit, s’étaient engagés à travailler pendant trois années pour le compte de la Compagnie.

Après une heureuse traversée, ils touchaient le 25 juin à la Martinique, qui, selon le témoignage du Père Dutertre, « n’était alors habitée que par des sauvages. Dès le jour même, nos religieux y plantèrent la croix, au pied de laquelle nos capitaines appliquèrent les fleurs de lis. »

Trois jours plus tard, le 28 juin, l’Olive et Duplessis arrivaient à leur destination, débarquant à la Pointe-Allègre — proche de l’actuelle Sainte-Rose —, au nord de la Basse-Terre. De l’Olive construisit un fort sur la rivière dite Vieux-Fort, qu’il appela le fort Saint-Pierre parce qu’il en prit possession à la veille de la Saint-Pierre ; Du Plessis s’établit un peu plus loin sur la rivière dite du Petit-Fort.

À peine débarqués, les deux chefs de l’expédition laissèrent éclater librement les dissentiments qui déjà, pendant la traversée, s’étaient sourdement annoncés. Parmi les fautes graves qui marquèrent ces débuts pleins de querelles et de violences, il en est une qui faillit tout compromettre. Laissons parler le Père Dutertre :

« Nos capitaines, dit-il, commirent tout d’abord une imprudence qui a fait perdre la vie à plus de la moitié de leurs hommes, laquelle fut de ne pas aborder à l’Ile de la Barbade, habitée par les Anglais, comme on le leur avait conseillé, où ils eussent pu se procurer à peu de frais tout ce qui leur était nécessaire ; ils se trouvèrent donc à la Guadeloupe, au milieu des bois, sans avoir ni manioc, ni patates, ni pois, ni fèves pour semer ; d’ailleurs, n’ayant apporté dans leurs navires des vivres que pour deux mois, ils se virent obligés de retrancher de la livre de pâte qu’ils donnaient chaque jour à chacun de leurs hommes, si bien qu’au bout de quelque temps cette livre se trouva réduite à cinq onces.

Carte de la Guadeloupe. Chromolithographie du XXe siècle

Carte de la Guadeloupe. Chromolithographie du XXe siècle

« (...) Dans l’extrémité de leurs maux, nos Français eussent reçu beaucoup de soulagement des sauvages de l’Ile, si leur humeur impatiente ne les eût rebutés. Ces barbares, en effet, ne se doutant point qu’on avait le dessein de leur faire la guerre, venaient souvent visiter les visages pâles, et jamais les mains vides. Ayant même remarqué que nos gens avaient nécessité de vivres, ils avaient toujours leurs pirogues remplies de tortues, de lézards, de cochons, de patates et de toutes sortes de fruits du pays. Mais nos gens, ennemis de leur propre bonheur, se plaignaient de leurs trop fréquentes visites, disant qu’ils ne venaient dans autre dessein que de reconnaître leur faible et d’en tirer parti.

« Dans cette pensée, on en maltraita quelques-uns, et même on fut sur le point d’en défaire deux ou trois pirogues qui se présentaient. Les sauvages, à qui peu de chose donne de l’épouvante, s’enfuirent et ne revinrent plus ; on commença bien à se ressentir de leur absence par la privation des commodités qu’ils avaient coutume d’apporter aux nouveaux habitants. Alors, on les combla d’injures et de malédictions ; on prétendit qu’ils voulaient faire périr une partie des Français pour avoir meilleur marché du reste. En un mot, on conclut qu’il fallait aller tuer tous les sauvages, prendre leurs femmes et leurs enfants et se saisir de tout ce qu’ils possédaient. »

Il est vraiment impossible de s’expliquer cette politique insensée et cruelle qui poussait non seulement les Français à la Guadeloupe, mais tous les Européens, en quelque partie de l’Amérique que ce fût, à pourchasser les autochtones comme des bêtes fauves et à se créer ainsi autant d’ennemis que le nouveau monde comptait d’indigènes, triste caractère de la colonisation aux XVIe et XVIIe siècles. Notons cependant que nos colons les plus avides, les plus cruels, Charles Poncet de Brétigny — fondateur de la Compagnie de Rouen et de la colonie de Cayenne en Guyane — et les douze seigneurs eux-mêmes — 12 associés rassemblés au sein de la Compagnie de la France équinoxiale, et qui tentèrent de s’installer en 1652 en Guyane, débarquant avec 800 hommes —, n’approchent pas des Pizarre — Francisco Pizarro, conquistador espagnol qui s’empara au XVIe siècle l’Empire inca et fut également gouverneur de l’actuel Pérou — et des Cortez — Hernan Cortés, qui s’empara de l’Empire aztèque pour le compte de Charles Quint.

La violence du caractère de Charles de l’Olive, rendait ce dernier facile à pousser aux actes les plus barbares. Jean du Plessis, il est vrai, était doux, humain, prudent ; mais, par suite de la scission survenue entre ces deux chefs, ces qualités étaient comme des stimulants entre les mains des aventuriers ambitieux qui, après s’être emparés de la confiance d’Olive, s’en servaient pour exciter encore les passions de celui-ci et creuser plus profondément l’abîme entre eux. D’ailleurs, six mois seulement après l’arrivée des Français à la Guadeloupe, du Plessis succombait (4 décembre 1635) sous l’influence du climat et peut-être plus encore sous le poids du chagrin et des regrets que lui donnait le sentiment de son impuissance à empêcher les excès dont il était le témoin forcé, presque le complice.

De l’Olive, libre, par cette mort, de toute entrave, et devenu le seul chef de la colonie naissante, ne songea plus qu’à poursuivre ses projets d’extermination contre les indigènes. Mais les colons, continuellement attaqués, après avoir été les agresseurs, réduits à un très petit nombre, furent contraints de s’enfermer dans les forts qu’ils avaient établis ; beaucoup moururent là de misère et de nécessité : « Ceux qui se hasardaient d’aller dans les bois rassasier leur faim, y périrent misérablement, et même on en a trouvé plusieurs mangés par leurs chiens, autant et plus affamés que leurs maîtres. »

On a peine à croire que cette famine dura cinq ans, lorsqu’il était si facile de planter des vivres au moins pour subsister ; et cependant le fait est attesté par le Père Dutertre. Les Français ne déposèrent les armes, après quatre ans de guerre incessante, que lorsque les victimes leur manquèrent : ce qui restait de ces tribus, si paisibles naguère, s’était réfugié à la Dominique et dans la partie de la Guadeloupe appelée Grande-Terre, que les Français n’occupaient point encore.

Les indigènes ayant disparu de l’île, les Français, n’ayant plus à exercer leur ardeur guerrière, tournèrent enfin toute leur activité du côté de la colonisation. Ils eurent le bon esprit de ne s’occuper tout d’abord que de la culture de denrées alimentaires qui les missent à l’abri des privations et des maladies dont ils avaient si cruellement souffert. Ces travaux bien dirigés placèrent promptement dans une position avantageuse le petit nombre de colons échappés aux malheurs des premiers temps. Ce petit nombre s’augmenta bientôt de quelques habitants de Saint-Christophe attirés à la Guadeloupe par la beauté et la fertilité de l’île.

Des Français avides d’aventures et de richesses, des officiers et des matelots de la marine marchande, désireux d’échanger les fatigues et les hasards de la mer contre un beau climat, de riches cultures et l’aspect d’une rapide fortune, vinrent à leur tour et successivement grossir ce noyau, de telle sorte que, dès 1649, la colonie avait pris un assez large accroissement pour faire entrevoir à la métropole, dans un avenir prochain, une source abondante de force et de richesses.

Une habitation sucrière à la fin du XVIIe siècle, d'après Labat

Une habitation sucrière à la fin du XVIIe siècle, d’après Labat

Cependant trois Compagnies s’étaient déjà succédé dans l’exploitation du privilège des îles de l’Amérique, et toutes trois, soit mauvaise gestion, soit plutôt manque d’avances suffisantes, avaient trouvé dans cette entreprise la ruine au lieu de la fortune. Un simple particulier, le marquis de Boisseret, associé à son beau-frère, le sieur Houël, eut l’heureuse audace d’essayer à lui seul ce que ces trois Compagnies n’avaient pu réaliser ; il acheta à la dernière de ces Compagnies, et moyennant la somme de 60 000 livres tournois et une rente annuelle de 600 livres de sucre, la propriété de la Guadeloupe et de ses dépendances. L’acte de vente fut signé le 4 septembre 1649. Boisseret et Houël devinrent tout à la fois propriétaires et seigneurs de ces îles ; mais force leur fut de reconnaître l’autorité souveraine du roi.

Les circonstances, il faut le dire, servirent merveilleusement le zèle et l’activité des nouveaux propriétaires. Une cinquantaine de planteurs hollandais, forcés de quitter le Brésil, vinrent se réfugier à la Guadeloupe, amenant avec eux mille à douze cents esclaves noirs, et — avantage bien autrement précieux — ils y introduisirent la culture de la canne à sucre. Ils ne se bornèrent point à défricher le sol et à y planter la canne ; ils établirent dans l’île plusieurs sucreries qui ne tardèrent pas à prospérer et à donner de magnifiques résultats. La fortune coloniale de la France était dès lors assurée aux Antilles ; elle y avait jeté de si fortes racines, que les exactions et les exigences du marquis de Boisseret et de son beau-frère n’en purent enrayer le cours.

Toutefois, le gouvernement s’émut, et de l’importance toujours croissante d’une propriété particulière qui, à tous égards, méritait le titre et les droits d’établissement national, et surtout de la vitalité d’une entreprise résistant à toutes les entraves qu’apportaient à sa marche le caprice et l’arbitraire, qui y régnaient en maîtres. C’était le temps où Colbert, de concert avec Louis XIV, s’efforçait de mettre la France à la tête de toutes les nations, aussi bien en Europe que sur tous les points du monde. Ce grand ministre mesura de son œil sûr le danger qui menaçait la Guadeloupe ; il vit que, soumise en apparence à ses possesseurs, elle guettait le moment où elle pourrait secouer un joug oppressif et détesté. Mais alors qu’arriverait-il ? Evidemment une lutte sanglante, suivie d’une anarchie plus sanglante peut-être, et aboutissant à une occupation étrangère.

Le seul moyen de conserver à la France ce beau joyau de sa couronne coloniale était de le faire rentrer sous l’autorité directe du roi. Colbert usa de toute son influence sur l’esprit de Louis XIV pour l’amener à consentir au sacrifice énorme au moyen duquel l’État rentra en possession de la Guadeloupe (1664). La somme payée quinze ans auparavant par le marquis de Boisseret et le sieur Houël fut plus que doublée ; ce qui porta à 125 000 livres le prix de la rétrocession de l’île à la France. La Compagnie des Indes occidentales ayant été créée sur ces entrefaites, Colbert lui donna la Guadeloupe et lui accorda de nombreux privilèges.

Cette société ne fut pas plus heureuse que ses devancières. À peine était-elle formée depuis dix ans, que le roi se voyait déjà forcé de prononcer sa dissolution et de payer ses dettes (décembre 1674). À dater de ce moment, la Guadeloupe, comme toutes les autres colonies d’Amérique, fut réunie au domaine de l’État et gouvernée par des hommes choisis et nommés par le roi. Tous les Français furent libres de s’y établir et d’y commercer.

 
 
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