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François Rabelais : l'indiscipliné docteur en médecine

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Personnages : biographies
Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...)
François Rabelais : l’indiscipliné
docteur en médecine
(D’après « La Chronique médicale », paru en 1896)
Publié / Mis à jour le samedi 25 juin 2016, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Personnage multiple, Rabelais est bien connu de nos contemporains pour son oeuvre littéraire majeure. Pourtant, sa vocation pour la médecine et son génie pour l’étude lui valurent d’exercer durant 20 ans au sein du milieu médical, en acquérant un diplôme de bachelier quelques semaines après son inscription à la faculté de Montpellier en 1530, en dirigeant notamment le service médical de l’Hôtel-Dieu de Lyon, puis recevant une gratification spéciale pour les soins qu’il prodigua aux malades de Metz après avoir enrichi ses connaissances en retournant aux études, alors âgé de plus de 40 ans.

Le nom de Rabelais figure pour la première fois dans un registre de faculté de médecine en 1530. On retrouve sa signature dans les archives de l’Ecole de Montpellier à la date du 17 septembre de cette année. Le 1er décembre, après l’acquittement des droits, un écu de trois livres, Rabelais était reçu bachelier en médecine — alors premier grade universitaire. Les nouveaux bacheliers étaient tenus de faire, trois mois durant, des leçons qu’on appelait les Leçons du Cours. Rabelais dut se conformer aux usages et commenter, ainsi qu’il a eu le soin de nous en assurer, devant un auditoire nombreux, frequenti auditorio, les Aphorismes d’Hippocrate et l’Art médical de Galien.

Pourquoi il choisit Montpellier, il s’en est expliqué sur le ton de raillerie qui lui est familier. Il laissa Paris et « son peuple, soit par nature, par béquarre et par bémol », et il vint « à Montpellier où il trouva fort bons vins de Mirevaulx et joyeuse compagnie ». Il se mit à « estudier la médecine, bien que l’estat soit fascheux par trop et mélancolique, et que les médecins sentent les clystères comme le vieux diable » (Pantagruel, livre II, chapitre 5). La médecine fut pour Rabelais comme le couronnement d’une éducation encyclopédique. Quand il songea à prendre ses grades, il y avait longtemps déjà qu’il pratiquait l’art de guérir. Avant comme après le diplôme, il soigna avec un dévouement au moins égal à sa science les pauvres malades qui réclamaient ses bons offices.

François Rabelais

François Rabelais

Nous retrouvons Rabelais à Lyon en 1532. Il arriva vraisemblablement dans cette ville an mois de juin, appelé comme correcteur de grec chez l’imprimeur Sébastien Gryphe, Au mois de novembre, il était nommé médecin du grand hôpital du Pont-du-Rhône, en remplacement de maître Pierre Rolland, qui venait de mourir. Le traitement était de 40 livres par an. Il avait obtenu la place au concours et à la suite d’une série de conférences anatomiques faites devant le public lyonnais sur le cadavre d’un pendu dans l’amphithéâtre du grand Hôtel-Dieu.

Il avait élu domicile dans le quartier de la rue Dubois. Il ne paraît pas avoir été très assidu dans son service d’hôpital. L’assiduité s’alliait mal avec l’indépendance de son tempérament. Il retrouva à Lyon, dit le Dr Pointe dans son Histoire de l’Hôtel-Dieu de Lyon, « une règle à laquelle son caractère ne put se plier, et il y apporta des habitudes que ne pouvait tolérer l’ordre indispensable à une maison hospitalière. Aussi, après s’être absenté deux jours sans congé (il était probablement allé faire une apparition forcée à Montpellier) fut-il, en 1534, remplacé par décision des consuls. »

La vérité n’est pas tout à fait aussi simple. Rabelais en prenait tout à son aise avec les règlements administratifs, n’étant pas d’humeur à se laisser imposer une discipline. En 1534, le cardinal du Bellay, qui se rendait à Rome en qualité d’ambassadeur de la cour de France, prenait au passage Rabelais, qu’il emmenait avec lui pour lui servir de médecin et surtout de conseiller intime. Ce premier voyage en Italie ne dura pas moins de deux mois, de la fin de janvier à la fin de mars 1534. Le médecin en chef de l’hôpital de Lyon ne devait pas ainsi abandonner son poste sans un congé de la municipalité, bien que nous n’ayons aucune certitude qu’il ait assuré le service médical pendant son absence.

Les extraits des Comptes du receveur de l’hôpital nous montrent que Rabelais, simple bachelier en médecine, a dirigé le service médical d’un important établissement hospitalier depuis le mois de novembre 1532 jusqu’au mois de février 1534, à raison de 40 livres tournois par an. Pendant les vingt-sept mois de son service, il avait touché 88 livres et 5 sols tournois, honoraires qu’on pourrait trouver insuffisants si on ne savait que le médecin jouissait en plus de certains privilèges, tels que l’exemption des impôts et autres faveurs indéterminées.

Il faut dire aussi que Rabelais avait d’autres sources de profits, quand sa besogne journalière lui laissait toutefois des loisirs, car c’était « un vaste champ d’observations qu’un pareil hôpital dans un perpétuel mouvement de bandes guerrières et ravagée à chaque instant par de cruelles épidémies ». A cette époque en effet, la peste et la famine visitèrent à plusieurs reprises la ville de Lyon, où les « vérolés très précieux » pullulaient. Rabelais pouvait étudier à son aise les effets de la terrible affection qu’il a si plaisamment décrite dans son Pantagruel.

Tout en étant médecin de l’hôpital, Rabelais faisait des cours et écrivait des livres. C’est à Lyon qu’il publia une édition des Aphorismes d’Hippocrate, et qu’il donna ses soins à bon nombre de publications de Sébastien Gryphe, François Juste, Claude Noury, relative à la médecine, à l’archéologie et à la jurisprudence. Il ne reculait même pas, dit Rathery, devant la composition d’Almanachs, dont quelques-uns seulement ont été conservés, mais dont la série complète, parait s’être étendue de 1533 à 1550. C’est également à Lyon qu’il fit paraître, mais plus tard (en 1542), trois éditions de Gargantua et de Pantagruel : l’une, gothique, chez François Juste ; l’autre, gothique aussi, chez un éditeur anonyme, sous ce titre : Grandes Annales ou Chroniques très véritables des gestes merveilleux du grand Gargantua et Pantagruel, son fils, roy des Dipsodes ; la troisième, chez Etienne Dolet. Enfin une édition du Tiers Livre parut à Lyon en 1546.

C’est en 1535 que Rabelais fut remplacé comme médecin du grand hôpital du Pont-du-Rhône. Le conseil d’administration de la ville s’assembla trois fois afin de pourvoir à cette vacance. Le procès-verbal, en date du 14 février 1335, nous donne le nom des trois médecins qui briguaient la place de Rabelais : c’étaient Maîtres Charles, Pierre du Castel et Canape. Dans une seconde séance, tenue le 23 février, les candidatures furent discutées. Cinq conseillers émirent l’avis qu’il fallait laisser à Maître Rabelais le temps de revenir de Grenoble, où il s’était rendu, et réclamèrent un sursis jusqu’à Pâques. D’autres voulaient pourvoir à son remplacement, et nommer le sieur du Castel. Quoi qu’il en soit, le 5 mars suivant, Pierre du Castel était définitivement élu, sans que la moindre protestation se fût fait entendre en faveur de l’absent. On en profita pour faire des économies sur les appointements, c’est-à-dire qu’au lieu des 40 livres tournois que touchait Rabelais, il n’en fut alloué que 30 à son successeur.

Rabelais ne fut pas autrement contrarié par cette décision, qui avait du moins l’avantage de lui rendre sa liberté. Il s’empressa de retourner en Italie avec son protecteur le cardinal du Bellay. Parti le 15 juillet 1535, il resta huit mois à l’étranger (jusqu’en mars 1536). Avant de partir pour Rome, Rabelais vint à Paris, Qu’allait-il y faire ? Tout simplement serrer la main à son ami du Bellay et passer quelques heures en la librairie Saint-Victor.

L’année suivante (1537), il revenait à Montpellier compléter ses études médicales. Il y soutint ses thèses de licence et acquitta les droits de son nouveau grade le 3 avril. Ce grade lui fut conféré, suivant la tradition, par l’évêque ou son vicaire général, assisté de deux professeurs délégués par la Faculté. Le doctorat ou acte de triomphe pouvait suivre de près la licence. Rabelais y fut promu le mois suivant. Le 22 mai 1537, il coiffait le bonnet de drap noir à houppe cramoisie, insigne de son nouveau grade, et mentionnait son entrée dans le corps médical par quelques lignes manuscrites sur le Cahier des Actes de l’Université.

Il eut un moment l’intention de se consacrer au professorat, et il occupa de novembre jusqu’à Pâques, la chaire qui correspondit plus tard à celle de pathologie interne. Le 7 novembre il figura dans une assemblée tenue dans la maison du chancelier Griffy, dans le but d’examiner les recettes et les dépenses de la Faculté ; il présida même une thèse de baccalauréat. Si ce n’étaient pas des preuves suffisantes qu’il professa la médecine à Montpellier, contrairement à l’opinion de bien des auteurs, nous ajouterions cet autre témoignage, indiqué très nettement dans sa supplique à Paul III, qu’il professa et exerça la médecine à Montpellier.

Du premier trimestre de l’année 1538, à la fin duquel il se trouvait encore à Montpellier, jusqu’en 1540, on perd la trace de Rabelais. Est-il revenu à Lyon ou en Italie ? S’est-il rendu, comme le croit un de ses biographes, à Angers, où il aurait occupé une chaire à l’université de cette ville ? Tout ce que l’on sait de plus positif, c’est qu’il fut appelé, comme médecin, en Piémont, vers 1541, auprès de Guillaume du Bellay, seigneur de Langey. On n’est pas davantage fixé sur un séjour qu’aurait fait Rabelais à Castres, où il aurait, dit-on, pratiqué l’exercice de son art. Mais on est beaucoup mieux renseigné sur un autre point de la vie de l’auteur de Gargantua.

François Rabelais

François Rabelais

Vers 1545, Rabelais avait quitté la France pour se dérober aux poursuites qu’il avait encourues comme hérétique et sacrilège. Pensant se faire oublier, il se réfugia du côté de l’Allemagne et fixa quelque temps sa résidence dans la ville de Metz. Le pays messin était alors ravagé par la peste, la famine, la syphilis et une maladie vermineuse qui s’attaquait surtout aux débauchés ; d’où lui vient le surnom si pittoresque de trousse-galant. La peste, notamment, ne cessait de ravager les Pays-Bas et le Luxembourg, à la suite des guerres où les armées de Charles-Quint et de François Ier avaient combattu.

Rabelais arrivait au moment propice : grâce à ses connaissances techniques, il fut nommé médecin stipendié de la ville de Metz. Le médecin stipendié était une sorte de médecin municipal, chargé de soigner les pauvres à leur domicile et dans les hôpitaux, de visiter les lépreux, d’organiser les secours publics en cas d’épidémies ou de maladies contagieuses. Les médecins stipendiés, primitivement aux gages de 8 à 15 livres par an, reçurent plus tard un traitement de 25 livres.

C’est en avril 1547 que Rabelais commença son service, et resta un an plein au service de la ville. La satisfaction des Messins fut telle qu’on lui accorda une gratification spéciale, le quart d’an de Saint-Jean, soit un trimestre en plus (la fête de saint Jean-Baptiste tombant le 24 juin). Rabelais prit logement au quartier des Juifs, en Jurue même, dans une maison située près de la chapelle Saint-Genest. Il demeurait à deux pas de l’hôpital Saint-Nicolas, qui était l’Hôtel-Dieu de Metz.

Aussitôt nommé, Rabelais prit le service médical de Saint-Nicolas, qui était municipal. Le soin des malades était confie à des laïcs, appelés frères ou sœurs de Saint-Nicolas, dirigés par le gouverneur, Jacques Ferry, un protestant, et par la gouvernante, dame Elisabeth Joly. L’hôpital Saint-Nicolas était un établissement bourgeois, où se centralisaient les secours réclamés par l’assistance publique. C’est là que le médecin de la ville procédait à l’examen, à la réception et à la répartition des malades.

C’est à Metz que Rabelais composa son Almanach pour 1548. Le logis qu’il avait choisi était propice aux études astronomiques : la chapelle de Saint-Genest et le clocher de Sainte-Croix, situé au haut du Jurue, étaient des observatoires excellents.

A l’appel du cardinal du Bellay, Rabelais se, démit de ses fonctions de médecin de l’hôpital de Metz (avril 1548) et vint à Paris au mois de mai pour toucher des termes échus de sa pension chez le banquier du cardinal, puis il prenait de nouveau le chemin de Rome, muni d’une lettre de change qui montait à 32 écus d’or. C’était la troisième fais qu’il revenait en Italie. Enfin le 8 janvier 1551, il était installé dans la cure de Meudon et mettait dès lors un terme à sa vie aventureuse. Il n’en continua pas moins à exercer la médecine, mais par pure philanthropie. Le 9 avril 1553, il succombait. Sa carrière médicale avait duré environ l’espace de vingt années.

 
 
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