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Histoire faune et flore : un oiseau imitateur, le moqueur

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Faune, Flore
Arbres célèbres, vertus des plantes, croyances liées aux animaux. Faune et flore vues par nos ancêtres. Balade au coeur des règnes animal et végétal
Moqueur (Le)
(D’après un article paru en 1834)
Publié / Mis à jour le vendredi 15 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Clusius dit avoir vu chez le baron de Saint-Aldegonde un perroquet qui, chaque fois qu’on l’en priait, riait aux éclats, puis s’écriait avec le ton du plus grand dédain : ô le grand sot qui me fait rire ! Beaucoup de gens entendant cet oiseau pour la première fois s’éloignaient confus en pensant qu’il se moquait d’eux, et il ne leur venait point à l’esprit que c’était la répétition machinale d’une scène préparée d’avance.

Au reste, il n’y a pas besoin de faire grand frais pour préparer de semblables déceptions, et il se trouve toujours assez de gens disposés à se laisser prendre. Ne pouvant croire que le don de la parole soit distinct de celui de l’intelligence, ils consulteraient volontiers un perroquet sur leurs affaires, et lui demanderaient, par exemple, des numéros pour la loterie. La réputation des perroquets est si bien établie, qu’il n’est pas même besoin qu’ils partent pour qu’on leur suppose des idées et des sentiments analogues aux nôtres, pour qu’on les croie sensibles au ridicule et enclins à railler.

J’ai vu, il y a peu de temps, chez un pharmacien de la rue du Bac, un de ces oiseaux mettre une vieille femme fort en colère parce qu’elle supposait qu’il la contrefaisait. Elle était entrée en toussant, et le perroquet s’était mis à tousser avec les mêmes quintes, les mêmes redoublements ; elle faisait des efforts pour cracher, et l’animal semblait arracher avec une peine extrême quelque chose du fond de son gosier. L’imitation était parfaite, mais la scène qui se prolongeait au grand amusement des spectateurs faillit se terminer tragiquement, car la vieille femme, furieuse de se voir l’objet de la risée générale, voulut s’en venger sur le pauvre animal, et si on ne l’eût emporté au plus vite elle allait lui tordre le cou.

Il est inutile de faire remarquer que dans cette circonstance, comme dans tous les cas semblables, l’oiseau est fort innocent des intentions qu’on lui prête, et qu’ainsi par oiseau moqueur on ne doit entendre qu’oiseau imitateur.

Cette faculté d’imitation existe, comme on le sait, non seulement chez le perroquet, mais chez beaucoup d’autres oiseaux, quoiqu’en général chez ceux-ci elle n’arrive pas au même degré de perfection. On a prétendu qu’elle appartenait exclusivement aux espèces dont la voix naturelle est désagréable, ou du moins que c’était à ces espèces seulement qu’il avait été donné d’imiter la voix humaine. C’est, en effet, le cas pour les oiseaux à qui on donne le plus communément ce genre d’éducation, mais peut-être est-ce justement à cause que le geai, la pie, le corbeau ont naturellement un langage fort déplaisant qu’on prend la peine de leur en enseigner un autre. Quoi qu’il en soit, ils ne sont pas les seuls qui puissent apprendre à parler ; l’étourneau, qui siffle assez bien, prononce très nettement, et au bout de peu de temps des phrases entières ; le serin, un de nos plus agréables chanteurs, peut apprendre à parler aussi bien qu’à répéter les airs.

J’en ai vu un qui n’avait eu pour maître de langue qu’une perruche, dont la cage était voisine de la sienne, et qui disait tout ce qu’on avait enseigné à sa compagne. Les rossignols même peuvent prononcer des mots bien articulés, et s’il en fallait croire une histoire rapportée par Conrad Gesner, il s’en trouverait d’assez habiles pour répéter une conversation tout entière.

C’est probablement pour s’associer à ce qui se passe autour d’eux, que des oiseaux privés de liberté, et éloignés de leur compagnons naturels, apprennent à répéter soit un chant étranger, soit l’air joué sur la serinette, soit les mots prononcés fréquemment devant eux. Ils se résignent difficilement à un isolement complet, et si rien autour d’eux ne peut leur répondre dans leur langue naturelle, ils apprennent la langue de ce qui les entoure.

Le moqueur

Le moqueur

Les rossignols sont au nombre des oiseaux les moins sociables ; on ne les voit jamais se réunir en troupe comme le font nos chardonnerets, nos linottes, nos tarins ; cependant si dans le même bocage deux rossignols ont établi leur nid assez près pour pouvoir s’entendre l’un l’autre, leur chant devient plus vif, plus varié, plus fréquent, il s’établit entre eux une lutte musicale dans laquelle chacun semble déployer tous ses moyens pour l’emporter sur son rival. Si le voisinage ne lui offre aucun oiseau de son espèce, le rossignol place de préférence son nid à portée d’un écho afin que quelque chose du moins réponde à sa voix.

On observe que ce genre d’émulation n’est jamais excité chez l’oiseau en liberté que par le chant de leur propre espèce. Un rossignol ne répond point à une fauvette, ni une linotte à un chardonneret ; chacun d’eux à sa langue propre, et ne semble pas prendre garde aux autres langues qui peuvent se parier près de lui ; pourtant, le cri d’alarme est compris par tous, quoiqu’il soit prononcé différemment par chacun.

Nous avons en France un oiseau, la rousserole, qu’on désigne dans plusieurs provinces sous le nom de rossignol moqueur, et le même nom s’applique quelquefois aussi à l’effarvate et à la fauvette des roseaux. Tous les trois ont en effet dans leur chant plusieurs notes, plusieurs passages qu’on retrouve également dans celui du rossignol ; mais ils les ont naturellement, pas du tout par imitation, et ils les ont même quand on les élève en cage dans l’intérieur des villes. Il est à remarquer d’ailleurs que dans l’état de nature ils se tiennent dans des parages très différents de ceux qu’affectionnent les rossignols, de sorte qu’ils ne peuvent avoir que bien rarement l’occasion d’en entendre le chant.

Les plus célèbres moqueurs n’appartiennent pas à nos pays, mais aux parties tempérées de l’Amérique septentrionale ; tels sont le geai bleu, le manakin babillard, et surtout l’oiseau qu’on nomme par excellence le moqueur (turdus polyglottus). Le moqueur américain a tiré de bonne heure l’attention des Européens qui ont visité le Nouveau-Monde, en raison de la variété de ses notes, de l’étendue de sa voix, et surtout de la faculté qu’on lui attribue de pouvoir contrefaire le chant ou le cri des autres animaux. Suivant Fernandez, Nieremberg, Hans Sloane et autres écrivains, il ne se contente pas d’imiter simplement, il embellit tout ce qu’il reproduit, et donne à chaque son qu’il emprunte une grâce et une douceur particulières. Les indigènes eux-mêmes n’étaient pas moins sensibles à ces talents que les Européens ; et dans la langue mexicaine, par exemple, le moqueur était désigné par le nom de cencontlatotli, l’oiseau aux quatre cents langues.

Le moqueur est de la même famille que notre grive commune (turdus musicus), oiseau qui lui-même est un très bon chanteur, et dont la voix est en Ecosse aussi célèbre que l’est chez nous celle du rossignol. Sa taille est à peu près celle du mauvis ; ses couleurs sont celles de la drenne, à cela près qu’il n’a pas le ventre grivelé. Sa robe n’a donc rien de brillant, et quoique ses formes soient assez élégantes, ce n’est réellement que par son chant qu’il peut attirer l’attention ; mais ce chant est d’une douceur et en même temps d’une puissance sans égales.

Lorsque par une belle matinée l’oiseau perché sur le sommet d’un buisson, fait entendre sa voix sonore, tous les gazouillements qui partent des buissons voisins et qui dans une autre circonstance charmeraient l’oreille, sont alors oubliés. Le moqueur d’ailleurs compose à lui seul tout un orchestre, il fait parler successivement tous les instruments, et quelquefois même on dirait qu’il en fait parler plusieurs à la fois. Cette musique se prolonge sans interruption pendant des heures entières et l’oiseau lui-même en paraît transporté de plaisir. Tout son corps frémit ; ses ailes, à demi ouvertes, sont agitées d’une sorte de trémoussement convulsif ; parfois son extase monte à tel point, qu’il ne saurait rester en place, il bondit, il s’élève dans les airs, il y plane quelques instants en faisant entendre ses notes les plus brillantes, puis sa voix baisse par degrés pendant qu’il redescend insensiblement vers la branche d’où il était parti.

A d’autre moments ce n’est plus un chant soutenu, ce sont des notes détachées, ce sont des phrases qui appartiennent à d’autres oiseaux, et qui trompent quelquefois le chasseur ; dans certains cas c’est le cri de l’épervier qu’il imite, et alors, assure-t-on, les petits oiseaux s’enfuient tout effrayés. En un mot, parmi tous les bruits de la forêt, il en est peu qui ne se retrouvent plus au moins ressemblants dans les différents timbres de la voix du moqueur. Cette variété d’intonation, qui est naturelle à l’oiseau, lui donne quand il est réduit en captivité une grande facilité pour reproduire ce qu’il entend ; dans ce cas, il devient réellement imitateur, et il l’est à un degré presque incroyable. Il siffle à la manière d’un jeune poulet, et la poule arrive les ailes traînantes et les plumes hérissées, toute prête à défendre sa progéniture. Il imite avec la même perfection l’aboiement du chien, le miaulement du chat.

Il est d’ailleurs, comme tous les babillards, très peu difficile dans le choix de ce qu’il répète, et il ne s’inquiète guère de mettre de la suite dans ce qu’il dit ; aussi, après avoir imité avec une perfection inconcevable le chant du serin, il s’interrompra tout-à-coup au milieu d’une roulade, et fera entendre le cri d’une roue de brouette mal graissée ou le bruit de la scie du tailleur de pierre.

Heureusement il ne renonce jamais entièrement à son chant naturel, et c’est même le seul qu’il fasse entendre la nuit ; car, de même que notre rossignol, il aime à chanter aux heures où tout est silencieux.

Le moqueur ne fuit pas le voisinage de l’homme. Il n’est pas rare de trouver son nid dans un verger à peu de distance de la ferme ; il ne prend pas grand peine pour le cacher, et il est toujours prêt à le défendre même contre l’homme.

Pris au piège, il s’apprivoise assez promptement, et son chant dans ce cas est plus parfait et se conserve plus pur de mélange étranger que lorsqu’il a été enlevé du nid et élevé loin des bois. Un moqueur remarquable par l’étendue de la voix se vend fort cher, et aux Etats-Unis on en a vu payer jusqu’à cinquante et même cent dollars (200 et 500 fr.) ; leur prix ordinaire est de 60 à 80 fr.

 
 
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