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Manières diverses de nos aïeux d'apprêter des légumes ancestraux

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Faune, Flore
Arbres célèbres, vertus des plantes, croyances liées aux animaux. Faune et flore vues par nos ancêtres. Balade au coeur des règnes animal et végétal
Légumes ancestraux : manières diverses
de nos aïeux de les apprêter
(D’après « La Gazette pittoresque : bulletin littéraire
illustré des familles », paru en 1855)
Publié / Mis à jour le lundi 30 janvier 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
Certains des légumes encore appréciés de nos jours, avaient déjà la faveur d’illustres palais antiques, des anciens Égyptiens aux empereurs romains, en passant par les philosophes grecs, tous redoublant d’ingéniosité quant à la façon d’apprêter haricots secs, chou, oignons ou encore asperges...

Horace ne connaissait point notre céleri, il l’eût sans doute trouvé délicieux avec son vin de Massuque ou de Falerne. Ce sont les Italiens qui ont les premiers transformé l’ache sauvage en plante potagère. Le céleri cultivé offre plusieurs variétés remarquables.

Le céleri plein, tendre, frais, mangé en salade, et assaisonné avec du vinaigre aromatique, avec de l’huile de Provence et un peu de moutarde fine, est vraiment délicieux. Il réveille l’action de l’estomac, donne de l’appétit, et une sorte d’alacrité qui se prolonge pendant quelques heures ; mais il se faut bien porter pour digérer le céleri cru. Faites-le cuire au jus pour le malade et le convalescent ; s’il a moins de parfum, il est plus nourrissant et plus digestible. On en fait également des potages, des ragoûts de toute sorte. Il donne une saveur délicate à la purée de gibier et à toutes ces riches garbures qui parent la table des gourmands.

Récolte du céleri. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis (XVe siècle)

Récolte du céleri. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis (XVe siècle)

Ragoût de céleri. Vous faites cuire du céleri haché comme la chicorée ou les épinards. Vous l’assaisonnez de poivre, de sel, de muscade ; vous le nourrissez de bon bouillon, et vous le servez avec des croûtons dorés. Vous pouvez même, si vous êtes un peu friand, placer sur ce lit bien douillet quelques ortolans ou quelques filets de perdreaux rouges. Essayez de ce plat, vous en serez peut-être satisfait. Sa recette a été communiquée par un vrai disciple d’Epicure, par le docteur Bonnafus de Perpignan ; Grimod de la Reynière, s’il l’avait connu, lui aurait dressé des autels. Il est vrai qu’il n’a rien écrit.

Nous voici aux haricots secs, aux fameux haricots de Soissons. Leur réputation n’est point usurpée. On les mange au jus, au beurre, à l’huile, au citron, en purée ; mais tout cela vaut-il les haricots arrosés avec le jus d’un gigot des Ardennes, ou de Pré-Salé ? Demandez plutôt à Berchoux, poète gastronome : « Les hommes friands, habitués à une chère délicate, ne dédaignent pas les mets un peu vulgaire. Ils savent fort bien que les infidélités de la table plaisent à l’estomac, qu’elles lui donnent une sorte de repas qui le recrée et le ravive. Les nouveaux riches, revenant un peu sur le passé, aiment également à retrouver leurs anciens amis dont ils avaient oublié les services. Au reste, cette réconciliation les honore ; l’ingratitude est à nos yeux un vice détestable : on ne doit jamais oublier ceux qui nous ont nourris, fût-on ministre ou grand d’Espagne. »

Mais la preuve que les haricots sont presque une friandise, c’est que le marquis de Cussy, le gastronome le plus aimable du XIXe siècle, abandonne les blancs des bartavelles, les filets de sole assaisonnés de truffes, aussitôt que paraissent les haricots de Soissons. Un homme qui vivra longtemps dans l’histoire, un homme rare, un homme frugal comme un Spartiate, avait pourtant quelques velléités gastronomiques. Il aimait surtout la polenta et des haricots secs à l’huile. L’empereur Napoléon se régalait de temps en temps à déjeuner avec ce légume en salade. Voilà donc les haricots parfaitement réhabilités dans la gastronomie usuelle. Ils ont les plus illustres suffrages, les suffrages de Napoléon et du marquis de Cussy. L’un les mangeait à l’huile, l’autre au jus de gigot. Les amateurs qui marchent sur les traces des grands hommes peuvent maintenant choisir.

Nous pourrions évoquer les ombres des Grecs et des Romains pour prouver que le chou a mérité les suffrages des premiers peuples de la terre. Et par exemple, Caton, le sévère Caton, ennemi irréconciliable des médecins, médicastre lui-même, traitait toute sa maison avec le chou, sans distinction de maladie, et, chose merveilleuse ! ses gens ne s’en trouvaient pas plus mal.

Récolte des choux. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis (XVe siècle)

Récolte des choux. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis (XVe siècle)

À l’exception d’Auguste, tous les empereurs jusqu’à Vespasien (69-79) furent gourmands. Ce fut Claude (41-54) qui releva le chou par l’amour qu’il portait au petit salé. « Pères conscrits ! s’écria-t-il un jour en entrant au Sénat, dites-moi, je vous prie, est-il possible de vivre sans petit salé ? » Et l’honorable compagnie de répondre aussitôt : « Oui, Seigneur, plutôt mourir que de se passer de lard. » Dès ce moment les sénateurs, pour faire la cour à Claude, se régalèrent de petit salé aux choux.

Les peuples modernes n’ont pas moins aimé le chou. Dans les contrées du Nord, il est l’aliment du pauvre comme du riche. Sans adopter pleinement les méthodes culinaires des Allemands, parfois un peu romantiques, il faut leur savoir de leurs bonnes recettes pour la préparation du chou et surtout de la choucroute.

Le chou est une plante potagère qui se prête à toutes sortes d’assaisonnements, de mélanges, de combinaisons. Et cette préparation toute classique, qui a traversé tous nos mouvements révolutionnaires sans changer de nom, sans rien perdre de sa renommée ; ce plat de choux surmonté de deux belles perdrix du Mans d’une blancheur appétissante, et d’un morceau de lard de Strasbourg blanc et rose comme un joli minois, qu’en dites vous ? Qui osera soutenir que c’est un plat vulgaire ? On a dit beaucoup de mal et beaucoup de bien de toute espèce de choux. En général, l’avis des médecins ne leur est pas favorable ; ce légume, il est vrai, convient peu aux valétudinaires, aux convalescents, aux hypocondriaques ; il est excellent pour les estomacs vigoureux, pour ceux qui font un exercice convenable.

L’oignon est originaire de l’Afrique. C’était une des divinités des Égyptiens. Chez ce peuple, dit Juvénal, mordre dans un poireau ou dans un oignon, ce serait un sacrilège. Mais les Grecs ne craignaient point de se régaler d’oignons. Dans les banquets des savants, Hermippus vante ceux de Corycie. Pour les Coryciens, dit-il, puisse Neptune les abîmer dans leurs vaisseaux pour qu’ils gardent leurs oignons pour eux. Le philosophe grec Antiphon (Ve siècle av. J.-C.) fait également l’éloge des oignons de Samothrace.

Différentes espèces d'oignons. Planche de 1904 (Muséum d'histoire naturelle)

Différentes espèces d’oignons. Planche de 1904 (Muséum d’histoire naturelle)

Depuis fort longtemps cette plante potagère a fait le tour du monde. On la voit partout nourrissant le pauvre, aiguisant les mets du riche ; et il n’y aurait pas maintenant de cuisine possible sans oignon. On préfère l’oignon blanc, surtout celui d’Espagne et le petit oignon blanc de Florence ; que les vrais cuisiniers le métamorphosent de mille manières, qu’ils le cachent adroitement dans leurs grandes et petites sauces, qu’ils le glacent, qu’ils le mettent en purée, en saupiquet ou en marinade, pourvu qu’ils nous permettent seulement de parler de soupe à l’oignon !

À ce sujet, la voici telle que la faisait un gastronome célèbre, dont le monde gourmand portera longtemps le deuil : la soupe à la Cussy. Vous choisissez une vingtaine de petits oignons ; vous les épluchez, vous les coupez par tranches, et vous les mettez dans une casserole avec un morceau de beurre frais et un peu de sucre ; vous les tournez jusqu’à ce qu’ils soient d’une belle couleur d’or ; puis vous les mouillez avec du bouillon, et vous ajoutez la quantité de pain nécessaire. Au moment de verser votre potage, vous l’arrosez de vieille eau-de-vie de Cognac.

Pour faire pénitence dans le carême, de Cussy préparait lui-même cette soupe un peu romantique, et il en mangeait une belle assiettée. Si quelque ami venait le surprendre, il tenait en réserve, dans son garde-manger, une queue de saumon et une botte d’asperges. C’est ainsi qu’il donna à dîner un jour de la semaine sainte, c’était le jeudi. Il faisait, d’ailleurs, peu de cas du potage, lorsqu’il savait qu’un dîner fin devait suivre. Voici un de ses aphorismes : « La soupe est la préface du dîner. Un bon ouvrage n’en a pas besoin. »

L’asperge croît naturellement dans les bois, dans les haies, dans les sables maritimes, sur le rivage des fleuves. L’érudit grec Athénée (mort au IIIe siècle) parle de l’asperge des prés et de l’asperge des montagnes. Il dit que les meilleures sont celles qui viennent sans avoir été semées. Martial, Pline et Juvénal (tous trois vivant au Ier siècle) parlent aussi de plusieurs espèces d’asperges. Les Romains estimaient particulièrement celles de Ravenne.

« La nature, dit Pline, a voulu que les asperges fussent sauvages afin que chacun les cueillît en tous lieux ; mais déjà perfectionnées à force de soins, elles étonnent par leur grosseur. Ravenne les vend trois à la livre. »

Récolte des asperges. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis (XVe siècle)

Récolte des asperges. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis (XVe siècle)

Juvénal, après avoir fulminé contre le luxe de la table, nous donne le menu de son petit souper de campagne : « Tu m’as promis, Persicus, de souper chez moi ; je t’y recevrai avec la même frugalité qu’Évandre reçut Hercule ou Énée. Voici les mets qui te sont destinés, aucun ne viendra du marché. Ma maison de Tirolé fournira un chevreau, le plus gras, le plus tendre de mes troupeaux ; il n’a point encore brouté l’herbe, ni mâché les branches des jeunes saules ; il a plus de lait que de sang. Nous aurons des asperges que ma fermière, quittant ses fuseaux, alla cueillir sur les montagnes. »

La tige succulente de l’asperge a une saveur douce, un peu légumineuse. On en fait des potages, des ragoûts, des garnitures ; mais ordinairement on les sert à l’entremets, soit à la sauce blanche ou en manière de petits pois, soit à l’huile et au vinaigre.

 
 
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