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Chien, employé comme juron ou insulte. Origine, étymologie mots de la langue française

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Savoir : Mots, Locutions
L’étymologie de mots et l’origine de locutions de la langue française. Racines, évolution de locutions et mots usuels ou méconnus
Chien,
employé comme juron ou insulte
Publié / Mis à jour le samedi 14 novembre 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 
 
 
Ce n’est pas d’aujourd’hui que le mot chien adressé à quelqu’un est une injure. On en a usé de cette manière chez les Hébreux, les Grecs et les Romains, et la tradition en a été recueillie par les Français, et surtout par les Parisiens avec autant de respect que s’ils n’eussent pas été capables de l’inventer eux-mêmes.

A quoi l’animal doit-il ce triste privilège ? Ses qualités, son intelligence, la force de son attachement, son imperturbable fidélité, tout ce qui frappe d’abord et charme le plus en lui, tout ce qui enfin lui a mérité l’honneur d’être proposé aux hommes comme le modèle par excellence de toutes ces vertus, aurait dû, ce semble, le tenir à l’abri d’un préjugé qui les met toutes en oubli, et qui, par une contradiction singulière, fait du plus estimable des animaux, le plus méprisable et le plus vil.

Bornons-nous à dire que tout notre Moyen Age littéraire atteste la faveur singulière qu’y obtint cette injure ; qu’elle a même sa place dans les écrits postérieurs d’où la langue et les mœurs perfectionnées et polies semblaient devoir l’exclure, qu’elle remplit les écrits populaires du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe, et qu’elle continue à faire partie du sottisier de la classe de gens pour qui ou par qui ils ont été composés.

Voici quelques exemples illustrant l’usage que l’on en a fait. Il y a d’abord la locution chien de avec les noms masculins et chienne de avec les noms féminins : on dit ce chien de temps, cette chienne de pluie, et tout le monde le dit, selon les gens plus ou moins collet-montés chez lesquels on se trouve. Il est chien, ou quel chien ! se dit un homme désagréable, brutal, sévère ou avare. Un chien ! est un juron. Jarnichien ! en est un autre. « Jarnichien ! c’est noir » (Madame Engueule (1754), scène VIII, de Jean-Joseph Vadé). Chien est un adjectif dans : « Le tour est chien » (Le Galant Savetier, par Saint-Firmin, Scène VII, 1802).

Reine de Joie, par Henri de Toulouse-Lautrec (1882)

Reine de Joie, par Henri de Toulouse-Lautrec (1882)

Double chien ! est une apostrophe. « Vilain sac à chien ! » (Léandre hongre, scène IV, dans Théâtre des Boulevards ou Recueil de parades, 1756). « Marie quatre à chien ! » (Amusements à la Grecque, 1764). « Il aura une peur d’un trente chiens » (Madame Engueule, scène I).

Tout le monde connaît ce refrain d’une chanson grivoise de Vadé :

J’veut être un chien,
Y à coups d’pied, y à coups de poing
J’ l’y cassis la gueule et la mâchoire.

Mme ENGUEULE.
« Sarpé millions d’escadrons d’chiens ! c’est Suzon qui m’a joué c’tour-là ? Garés, que j’la mette en bringue. Est-ce ti là, chienne, le grand marcy de t’avoir porté neuf mois dans mes entrailles ?

SUZON.
« Eh ben ! montés dans ma hotte ; j’vous porterai un an, et vous m’devrés encore trois mois.

Mme ENGUEULE à Lavigueur.
« Pour toi, j’te pardonne tout ; mais pour Suzon, et ce p’tit chien-là (CADET) qu’étoit dans le ministère (mystère), sans m’en avartir, j’les rends bâtards. »

Dans un couplet du XVIIe siècle, tiré, dit Francisque Michel dans ses Études de philologie comparée sur l’argot (1856), « d’un manuscrit de son cabinet », on lit :

Pour tenir un chien
De taille jolie,
Un remède certain,
C’est de l’eau-de-vie ;
La petite de Saint-Martin
En avalle soir et matin.

D’où Francisque Michel conclut que, comme on donnait de l’eau-de-vie à un chien « pour le tenir » (ce qui, par parenthèse, est un moyen de conviction ou un appât assez singulier), « on a pu dire dans le peuple, de la liqueur de chien pour de l’eau-de-vie, et que cette expression aura pris faveur, à cause du proverbe qui dit que le chien est l’ami de l’homme. »

Cette allégation semble tout à fait chimérique, tirée par voie de conséquence, que le nom de chien a été donné à l’eau-de-vie en reconnaissance de l’amitié que le chien porte à l’homme. On a peut-être pu, par un autre motif que nous ignorons, appeler l’eau-de-vie du chien, puisqu’on l’appelait aux XVIIIe et XIXe siècles du sacré chien ; mais, dans tous les écrits populaires ou poissards, on ne trouve pas un seul exemple du mot chien ayant la signification d’eau-de-vie.

Certes, l’usage était très commun au XVIIIe siècle de donner de l’eau-de-vie aux jeunes chiens pour les empêcher de grossir et pour « les tenir de taille jolie ». Mais il serait aussi peu aisé de nous persuader que, pour s’attacher un chien, il faille lui faire avaler quelques petits verres, que de nous convaincre que, pour tenir un chien dans sa niche, il faille le lier avec des saucisses. Il semble donc que la « jolie taille » du chien du couplet de Francisque Michel et l’abus qu’y fait de l’eau-de-vie « la petite Saint-Martin », auraient dû le frapper et le faire douter de son interprétation.

La vérité est qu’ici le chien est la petite Saint-Martin elle-même, et que ce mot était alors, comme il n’a pas cessé de l’être, appliqué tantôt à l’amant en titre d’une fille publique, tantôt à cette fille elle-même. En voici deux exemples : « J’entends un cri. Cré nom ! c’est mon chien » (Le Gaulois, numéro du 27 décembre 1868). Ici c’est la fille qui parle de l’amant. Mais voici, dans l’Album lyrique, l’amant qui parle de et à la fille :

Mon p’tit chien,
Ca va bien...
J’ t’achèterai d’abord
Un p’tit bonnet sans dentelle
Tu n’ m’en paraîtras qu’plus belle.

 
 
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