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La République : coupable de crimes contre l'humanité pour asseoir son autorité ?

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Histoire des Français
L’Histoire des Français : systèmes politiques, contexte social, population, économie, gouvernements à travers les âges, évolution des institutions.
La République : coupable de
« crimes contre l’humanité »
pour asseoir son autorité ?
(Extrait de « Abrégé de l’Histoire de France, détaché textuellement
des études historiques » (par François-René de Chateaubriand), paru en 1836)
Publié / Mis à jour le dimanche 28 mai 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
Période d’exactions perpétrées sous l’égide d’une Première République née en septembre 1792, la Terreur, qui notamment enfanta le célèbre Tribunal révolutionnaire envoyant à la mort des personnes appartenant pour plus de 80% au tiers-état et non à la noblesse ou au clergé, donna pour la première fois au monde « le lâche et impitoyable spectacle de l’assassinat juridique des femmes et des enfants en masse », écrit en 1836 Chateaubriand dans son Abrégé de l’Histoire de France, détaché textuellement des études historiques, qui se fait également l’écho d’édifiants témoignages contemporains relatifs aux sordides conditions de détention et d’exécution

Voici ce que rapporte l’éminent François-René de Chateaubriand en 1836 dans son Abrégé de l’Histoire de France, au sujet des exécutions perpétrées cependant que la Première République présidait au destin de la France :

Pour Chateaubriand, si on retraçait l’histoire de cette révolution par ses crimes, sans ajouter un seul mot, une seule réflexion au texte, mettant seulement bout à bout toutes les horreurs qui se sont dites et perpétrées dans Paris et les provinces pendant quatre ans, cette tête de Méduse ferait reculer pour des siècles le genre humain jusqu’aux dernières bornes de la servitude.

(...)

Le premier n° du Bulletin des lois contient le décret qui institue le tribunal révolutionnaire : on maintient ce décret à la tête de ce recueil, non pas, je suppose, pour en faire usage en temps et lieu, mais comme une inscription redoutable gravée au fronton du Temple des lois, pour épouvanter le législateur et lui inspirer l’horreur de l’injustice. Ce décret prononce que la seule peine portée par le tribunal révolutionnaire est la peine de mort. L’article 9 autorise tout citoyen à saisir et à conduire devant les magistrats, les conspirateurs et les contre-révolutionnaires ; l’art. 13 dispense de la preuve testimoniale ; et l’art. 16 prive de défenseur les conspirateurs. Ce tribunal était sans appel.

Marie-Antoinette au Tribunal révolutionnaire. Gravure extraite de Histoire de la Révolution française, par Adolphe Thiers (1850)

Marie-Antoinette au Tribunal révolutionnaire. Gravure extraite
de Histoire de la Révolution française, par Adolphe Thiers (1850)

Voilà d’abord la grande base sur laquelle il nous faut asseoir notre admiration : honneur à l’équité révolutionnaire ! honneur à la justice de la caverne ! Maintenant, compulsons les actes émanés de cette justice. Le Républicain Prudhomme, qui ne haïssait pas la Révolution et qui a écrit lorsque le sang était tout chaud, nous a laissé six volumes de détails. Deux de ces six volumes sont consacrés à un dictionnaire où chaque criminel se trouve inscrit à sa lettre alphabétique, avec son nom, prénoms, âge, lieu de naissance, qualité, domicile, profession, date et motif de la condamnation, jour et lieu de l’exécution. On y trouve parmi les guillotinés 18 613 victimes ainsi réparties :

Ci-devant nobles : 1 278
Femmes nobles : 780
Femmes de laboureurs et d’artisans : 1 467
Religieuses : 350
Prêtres : 1 135
Hommes non nobles de divers états : 13 633
TOTAL : 18 613

Femmes mortes par suite de couches prématurées : 3 400
Femmes enceintes et en couches : 348
Femmes tuées dans la Vendée : 15 000
Enfants tués dans la Vendée : 22 000
Morts dans la Vendée : 900 000
Victimes sous le proconsulat de Carrier, à Nantes : 32 000 (dont Enfants fusillés : 500 ; Enfants noyés : 1 500 ; Femmes fusillées : 264 ; Femmes noyées : 500 ; Prêtres fusillés : 300 ; Prêtres noyés : 460 ; Nobles noyés : 1 400 ; Artisans noyés : 5 300)
Victimes à Lyon : 31 000

(...)

Pour l’exécution de la loi des suspects, du 21 septembre 1793, plus de cinquante mille comités révolutionnaires furent installés sur la surface de la France. D’après les calculs du conventionnel Cambon, ils coûtaient annuellement cinq cent quatre-vingt-onze millions (assignats). Chaque membre de ces comités recevait trois francs par jour, et ils étaient cinq cent quarante mille ; c’étaient cinq cent quarante mille accusateurs, ayant droit de désigner à la mort. A Paris, seulement, on comptait soixante comités révolutionnaires ; chacun d’eux avait sa prison pour la détention des suspects.

Vous remarquerez que ce ne sont pas simplement des nobles, des prêtres, des religieux, qui figurent ici dans le registre mortuaire ; voilà 18 923 hommes non nobles, de divers états, et 2 231 femmes de laboureurs ou d’artisans, 2 000 enfants guillotinés, noyés et fusillés. A Bordeaux, on exécutait pour crime de négociantisme.

Des femmes ! mais savez-vous que dans aucun pays, dans aucun temps, chez aucune nation de la terre, dans aucune proscription politique, les femmes n’ont été livrées au bourreau, si ce n’est quelques têtes isolées à Rome sous les empereurs, en Angleterre sous Henri VIII, la reine Marie et Jacques II ? La Terreur a seule donné au monde le lâche et impitoyable spectacle de l’assassinat juridique des femmes et des enfants en masse.

Le Girondin Riouffe, prisonnier avec Vergniaux, madame Rolland et leurs amis à la Conciergerie, rapporte ce qui suit dans ses Mémoires d’un détenu : « Les femmes les plus belles, les plus jeunes, les plus intéressantes, tombaient pêle-mêle dans ce gouffre (l’Abbaye), dont elles sortaient pour aller par douzaine inonder l’échafaud de leur sang.

« De jeunes femmes enceintes, d’autres qui venaient d’accoucher et qui étaient encore dans cet état de faiblesse et de pâleur qui suit ce grand travail de la nature qui serait respecté par les peuples les plus sauvages ; d’autres dont le lait s’était arrêté tout-à-coup, ou par frayeur, ou parce qu’on avait arraché leurs enfants de leur sein, étaient jour et nuit précipitées dans cet abîme. Elles arrivaient traînées de cachots en cachots, leurs faibles mains comprimées dans d’indignes fers : on en a vu qui avaient un collier de fer au cou. Elles entraient, les unes évanouies et portées dans les bras des guichetiers qui en riaient, d’autres en état de stupéfaction qui les rendait comme imbéciles ; vers les derniers mois surtout (avant le 8 thermidor), c’était l’activité des enfers : jour et nuit les verrous s’agitaient ; soixante personnes arrivaient le soir pour aller à l’échafaud le lendemain ; elles étaient remplacées par cent autres, que le même sort attendait le jour suivant.

Charrette de condamnés par le Tribunal révolutionnaire. Gravure extraite de Histoire de la Révolution française, par Adolphe Thiers (1850)

Charrette de condamnés par le Tribunal révolutionnaire. Gravure extraite
de Histoire de la Révolution française, par Adolphe Thiers (1850)

« Quatorze jeunes filles de Verdun, d’une candeur sans exemple, et qui avaient l’air de jeunes vierges parées pour une fête publique, furent menées ensemble à l’échafaud. Elles disparurent tout-à-coup et furent moissonnées dans leur printemps. La Cour des Femmes avait l’air, le lendemain de leur mort, d’un parterre dégarni de ses fleurs par un orage. Je n’ai jamais vu parmi nous de désespoir pareil à celui qu’excita cette barbarie.

« Vingt femmes du Poitou, pauvres paysannes pour la plupart, furent également assassinées ensemble. Je les vois encore ces malheureuses victimes, je les vois étendues dans la cour de la Conciergerie, accablées de la fatigue d’une longue route et dormant sur le pavé... Au moment d’aller au supplice, on arracha du sein d’une de ces infortunées un enfant qu’elle nourrissait, et qui au moment même s’abreuvait d’un lait dont le bourreau allait tarir la source. Ô cris de la douleur maternelle, que vous fûtes aigus ! mais sans effet... Quelques femmes sont mortes dans la charrette, et on a guillotiné leurs cadavres. N’ai-je pas vu, peu de jours avant le 9 thermidor, d’autres femmes traînées à la mort ; elles s’étaient déclarées enceintes... Et ce sont des hommes, des Français, à qui leurs philosophes les plus éloquents prêchent depuis soixante années l’humanité et la tolérance !

« Un aqueduc immense, qui devait voiturer du sang, avait été creusé à la place Saint-Antoine. Disons-le, quelque horrible qu’il soit de le dire, tous les jours le sang humain se puisait par seaux, et quatre hommes étaient occupés, au moment de l’exécution, à les vider dans cet aqueduc.

« C’était vers trois heures après midi que ces longues processions de victimes descendaient au tribunal, et traversaient lentement, sous de longues voûtes, au milieu des prisonniers qui se rangeaient en haie pour les voir passer avec une avidité sans pareille. J’ai vu quarante-cinq magistrats du parlement de Paris, trente-trois du parlement de Toulouse, allant à la mort du même air qu’ils marchaient autrefois aux cérémonies publiques ; j’ai vu trente fermiers-généraux passer d’un pas calme et ferme ; les vingt-cinq premiers négociants de Sedan, plaignant, en allant à la mort, dix mille ouvriers qu’ils laissaient sans pain. J’ai vu ce Baysser, l’effroi des rebelles de la Vendée, et le plus bel homme de guerre qu’eût la France ; j’ai vu tous ces généraux que la victoire venait de couvrir de lauriers qu’on changeait soudain en cyprès ; enfin tous ces jeunes militaires, si forts, si vigoureux... ils marchaient silencieusement... ils ne savaient que mourir. »

Prudhomme va compléter ce tableau : « La mission de Le Bon, dans les départements frontières du Nord, peut être comparée à l’apparition de ces noires furies si redoutées dans les temps du paganisme. » Dans les jours de fête, l’orchestre était placé à côté de l’échafaud. « Des enfants corrompus lui formaient une garde, et étaient les espions de leurs parents. Quelques-uns avaient de petites guillotines, avec lesquelles ils s’amusaient à donner la mort à des oiseaux et à des souris. »

Carrier se distingua à Nantes : « Environ quatre-vingt femmes, extraites de l’entrepôt, traduites à ce champ de carnage, y furent fusillées ; ensuite on les dépouilla et leurs corps restèrent ainsi épars pendant trois jours. Cinq cents enfants des deux sexes, dont les plus âgés avaient quatorze ans, sont conduits au même endroit pour y être fusillés. Jamais spectacle ne fut plus attendrissant et plus effroyable ; la petitesse de leur taille en met plusieurs à l’abri des coups de feu ; ils délient leurs liens, s’éparpillent jusque dans les bataillons de leurs bourreaux, cherchent un refuge entre leurs jambes, qu’ils embrassent fortement, en levant vers eux leur visage où se peignent à la fois l’innocence et l’effroi. Rien ne fait impression sur ces exterminateurs ; ils les égorgent à leurs pieds. »

Noyades à Nantes : « Une quantité de femmes, la plupart enceintes, et d’autres pressant leur nourrisson sur leur sein, sont menées à bord des gabares... Les innocentes caresses, le sourire de ces tendres victimes versent dans l’âme de ces mères éplorées un sentiment qui achève de déchirer leurs entrailles ; elles répondent avec vivacité à leurs tendres caresses, en songeant que c’est pour la dernière fois !!! Une d’elles venait d’accoucher sur la grève ; les bourreaux lui donnent à peine le temps de terminer ce grand travail ; ils avancent, toutes sont amoncelées dans la gabarre, et, après les avoir dépouillées à nu, on leur attache les mains derrière le dos.

Les noyades de Nantes en 1793. Peinture de Joseph Aubert (1882)

Les noyades de Nantes en 1793. Peinture de Joseph Aubert (1882)

« Les cris les plus aigus, les reproches les plus amers de ces malheureuses mères se font entendre de toutes parts contre les bourreaux ; Fouquet, Robin et Lamberty y répondaient à coups de sabre, et la timide beauté, déjà assez occupée à cacher sa nudité aux monstres qui l’outragent, détourne en frémissant ses regards de sa compagne défigurée par le sang, et qui déjà chancelante vient rendre le dernier soupir à ses pieds. Mais le signal est donné ; les charpentiers d’un coup de hache lèvent les sabords, et l’onde les ensevelit pour jamais. »

Et voilà l’objet de vos hymnes ! Des milliers d’exécutions en moins de trois années, en vertu d’une loi qui privait les accusés de témoins, de défenseurs et d’appel ! Songez-vous que le souvenir d’une seule condamnation inique, celle de Socrate, a traversé vingt siècles pour flétrir les juges et les bourreaux ? Pour entonner le chant de triomphe, il faudrait du moins attendre que les pères et les mères, les femmes et les enfants, les frères et les sœurs des victimes fussent morts ; et ils couvrent encore la France. Femmes, bourgeois, négociants, magistrats, paysans, soldats, généraux, immense majorité plébéienne sur laquelle est tombée la Terreur, vous plaît-il de fournir de nouveaux aliments à ce merveilleux spectacle ?...


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