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Madame de Pompadour chez la sorcière afin de connaître son avenir

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Anecdotes insolites
Petite Histoire de France et anecdotes, brèves et faits divers insolites, événements remarquables et curieux, événements anecdotiques
Madame de Pompadour chez la
« sorcière » afin de connaître son avenir
(D’après « Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche », paru en 1906)
Publié / Mis à jour le mardi 4 août 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Au plus beau moment de sa faveur, et cependant qu’un jour elle écrivait sur un petit bureau au-dessus duquel se trouvait le portrait du roi, Madame de Pompadour eut le désagrément de recevoir sur la tête le portrait qui se détacha de la muraille au moment où elle referma son secrétaire, et se piqua, suite à cet événement, de se faire dire « la bonne aventure »

Les premiers soins donnés et toute crainte ayant disparu — la blessure était des plus légères —, une des personnes présentes pria Mme de Pompadour d’envoyer sur-le-champ un courrier à l’abbé de Bernis pour lui demander d’écrire « ce qu’avait dit la sorcière ». Intriguée et amusée de la chose, la marquise fit aussitôt ce qu’on sollicitait d’elle, et ne fut pas peu surprise en recevant la réponse de l’abbé, qui lui mandait que Mme Bontemps (c’était le nom de la sorcière) lui avait dit récemment : « Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée d’un accident... Sa tête sera un peu menacée, mais il n’y paraîtra pas une demi-heure après. »

Il n’y avait pas à douter, après une telle preuve de divination, que cette femme ne fût intéressante à consulter, et Mme de Pompadour forma aussitôt le projet d’interroger Mme Bontemps. Malheureusement la grandeur de la favorite l’attachait à Versailles, et il lui était malaisé de se rendre à Paris sans être reconnue. Elle fit part de son désir et des obstacles qu’elle voyait à le satisfaire à sa femme de chambre, Mme du Hausset. Celle-ci était avisée et pleine de ressources ; elle s’enquit adroitement auprès de son chirurgien de la manière dont elle pourrait déguiser ses traits, lui donnant pour prétexte qu’elle avait grande envie d’aller au prochain bal de l’Opéra, où elle se promettait d’intriguer vivement quelqu’un de ses amis.

Le chirurgien se prêta volontiers à sa fantaisie et lui dit que, pour se rendre méconnaissable, il fallait changer la couleur des cheveux et la forme du nez, et ajouter, pour plus de sûreté, en quelque endroit du visage, une touffe de poils ou une verrue. Pour les cheveux, la transformation était aisée : il suffisait d’une perruque ; quant au nez, le chirurgien lui en apporta de postiches très habilement fabriqués avec une vessie ; il fournit également la verrue artificielle et une teinture pour peindre les sourcils. Munie de ces objets, Mme du Hausset se déguisa et déguisa si bien sa maîtresse que toutes deux se crurent assurées de n’être point reconnues. Un ami de Mme de Pompadour, M. de Gontaut, avait mis à sa disposition deux pièces dans les dépendances de son hôtel ; c’est là qu’eut lieu la rencontre.

Madame de Pompadour, par François-Hubert Drouais

Madame de Pompadour, par François-Hubert Drouais

La marquise s’était étendue sur une chaise longue, et s’était affublée d’un bonnet de nuit qui lui cachait la moitié du visage ; Mme du Hausset était assise près d’une table sur laquelle brûlaient deux chandelles. Des hardes de peu de valeur, des objets misérables étaient placés çà et là en évidence dans la pièce pour donner le change à la sorcièce ; mais celle-ci, qui lisait si bien l’avenir, devinait apparemment moins bien le présent, car elle n’eut aucun soupçon de la véritable personnalité de ses nouvelles clientes.

Elle s’installa près de la table, fabriqua tranquillement son café et, pendant qu’il chauffait, but trois bons coups de vin — la coloration de son visage indiquait que c’était là une habitude qui lui était chère —, puis elle versa le marc dans deux tasses. Elle parut l’examiner avec grande attention, et se mit à débiter quelques vagues propos, s’adressant d’abord à Mme du Hausset, laquelle se complut à y voir des allusions à certains événements de sa vie. Puis vint le tour de Mme de Pompadour.

— Ni beau, ni laid, j’entrevois là un ciel serein, dit la Bontemps. Et puis ces choses qui semblent monter, ces lignes qui s’élèvent, ce sont des applaudissements. Voici un homme grave qui étend les bras... Voyez-vous ? Regardez bien.

— Cela est vrai, répondit docilement la marquise.

— Il montre là un carré, reprit l’autre : c’est un grand coffre-fort ouvert... Beau temps... Mais voilà des nuages dorés d’azur qui vous environnent. Voyez-vous ce vaisseau en pleine mer ? Comme le vent est favorable ! Vous êtes dessus et vous arrivez dans un pays superbe dont vous devenez la reine... Ah ! que vois-je ?... Regardez un vilain homme tortu, bossu, qui vous poursuit... Mais il en sera pour un pied de nez... J’en vois un très grand qui vous soutient dans ses bras... Voyez, regardez : c’est une espèce de géant... Voilà bien de l’or, de l’argent, quelques nuages par-ci par-là... Mais vous n’avez rien à craindre. Le vaisseau sera quelquefois agité, mais ne périra pas. Dixi.

Mme de Pompadour ne douta point que le mot de « reine » ne visât la situation qu’elle occupait auprès du roi, dans « le pays superbe », qui n’était autre que le royaume de France, et, par un phénomène bizarre, elle fut charmée d’entendre cette vieille femme lui raconter ce qu’elle savait parfaitement. Encouragée par ce début qu’elle jugeait heureux, elle voulut en apprendre davantage :

« Quand est-ce que je mourrai et de quelle maladie ? » demanda-t-elle. La Bontemps n’aimait point apparemment à traiter un sujet capable d’attrister ses clients : « Je ne parle jamais de cela », fit-elle vivement. Toutefois, elle n’oubliait point qu’elle était sorcière ; aussi crut-elle devoir mettre son silence sur le compte des puissances occultes : « Voyez plutôt : le destin ne le veut pas. Et je vais vous faire voir qu’il brouille tout », ajouta-t-elle en montrant les résidus du marc de café confusément rassemblés. Mme de Pompadour insista :

— A la bonne heure pour l’époque, mais pour le genre de mort ?

— Vous aurez le temps de vous reconnaître.

Telle fut la réponse ambiguë et consolante de Mme Bontemps. L’entretien était terminé ; la vieille femme reçut avec joie deux louis pour sa peine, et se retira, en recommandant le secret. Quant à Mme de Pompadour elle s’en alla ravie. A ses yeux, le coffre-fort désignait son mari, lequel se consolait, par l’accroissement de sa fortune, de son infortune conjugale ; pour l’homme tortu et bossu, c’était, à n’en pas douter, le duc de la Vrillière, un grand personnage fort laid dont elle se savait haïe, mais qu’en pouvait-elle craindre désormais, puisqu’il en serait « pour un pied de nez » ?

Elle n’ignorait pas que ces liseuses d’avenir étaient parfois molestées par les gens de police ; elle crut donc devoir, par reconnaissance, le surlendemain de son équipée, parler à M. de Saint-Florentin de la voyante qui lui avait dit des choses si intéressantes, et elle lui recommanda de ne faire aucun ennui à cette femme. M. de Saint-Florentin accueillit la requête avec un sourire discret ; elle lui en demanda la raison. Sans plus se faire prier, il lui raconta de point en point son petit voyage à Paris, qui eût dû lui prouver que les meilleurs sorciers, pour deviner le mystère d’un déguisement, ne sont pas toujours ceux qui font profession de l’être.

Mais la confiance de Mme de Pompadour ne fut pas ébranlée pour si peu ; elle se souvenait qu’à l’âge de neuf ans une femme lui avait prédit qu’elle deviendrait la maîtresse de Louis XV, et son imagination en avait été trop frappée pour que rien pût altérer sa robuste crédulité. Mme Bontemps profita de cette disposition d’esprit.

Plus d’une fois la marquise reparla, avec Mme du Hausset des prédictions de la vieille femme, bien qu’elles ne se fussent guère réalisées ; on sait trop au prix de quels efforts douloureux et constants elle conserva jusqu’à la fin une faveur plus apparente que réelle. Elle en laissa même certain jour échapper naïvement l’aveu, dans ce cri mélancolique : « La sorcière a dit que j’aurais le temps de me reconnaître avant de mourir : je le crois, car je ne périrai que de chagrin. » Le géant, en effet, qui devait la soutenir dans ses bras, n’avait nullement jugé à propos de ratifier toutes les promesses du marc de café.

 
 
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