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14 juin 1791 : promulgation de la loi Le Chapelier proscrivant les organisations ouvrières

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14 juin 1791 : promulgation de la loi
Isaac Le Chapelier proscrivant
les organisations ouvrières
(D’après « Histoire des corporations de métiers depuis
leurs origines jusqu’à leur suppression en 1791 », édition de 1922)
Publié / Mis à jour le mercredi 14 juin 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 

La loi des 2-17 mars 1791, qui supprimait les corporations, avait eu pour effet immédiat de mécontenter gravement le haut commerce et de susciter dans le bas peuple des métiers une vive agitation.

Tandis que dans la séance du 14 avril Buzot dénonçait à la Constituante les agents de change et les courtiers de commerce qui demandaient à être maintenus dans la propriété de leurs charges et qui en furent aussitôt dépouillés (Moniteur du 16 avril 1791), chez les ouvriers, dans l’esprit desquels la loi nouvelle avait allumé de subites convoitises et dont beaucoup espéraient que la suppression des communautés n’était que le prélude de la dépossession des patrons, les esprits étaient en pleine fermentation. Les charpentiers et les imprimeurs, qui de tout temps avaient compté parmi les artisans les plus turbulents, tenaient déjà des conciliabules en vue de forcer les patrons à augmenter le prix de la journée de travail. On voulait empêcher les ouvriers et les particuliers qui les occupaient de faire entre eux des conventions amiables, « où l’on fixait un taux de travail que l’on prétendait ensuite imposer par la violence » (Discours de Le Chapelier, Moniteur du 15 juin 1791).

Isaac Le Chapelier (1754-1794)

Isaac Le Chapelier (1754-1794)

Tout d’abord tolérées par la municipalité, ces assemblées finirent par inquiéter les autorités. Ces groupements d’artisans surexcités par les passions du moment, acquis d’avance aux idées ultra-révolutionnaires, pouvaient être redoutables, si leur force venait à être exploitée par quelque démagogue comme Marat dont la popularité croissait tous les jours et qui s’était formellement déclaré le partisan des corporations dont il eût voulu faire les instruments de ses haines et de son ambition. Déjà, la Commune, par un arrêté du 23 avril, avait interdit tout concert en vue d’imposer un tarif déterminé ou d’obtenir certains avantages ; cet arrêté n’avait reçu aucune exécution.

La Constituante eut bientôt à son tour à délibérer sur une situation qui chaque jour devenait plus menaçante. Le 14 juin 1791, Chapelier montait à la tribune de l’Assemblée pour lui dénoncer une contravention aux principes constitutionnels qui supprimaient les corporations, contravention de laquelle, disait-il, naissaient les plus grands dangers. Il insistait avec énergie sur ce qu’il appelait à tort la résurrection des corporations dont la direction était passée aux mains des séditieux. « On force les ouvriers de quitter leurs boutiques, lors même qu’ils sont contents du salaire qu’ils y reçoivent ; on veut dépeupler les ateliers et déjà plusieurs ateliers se sont soulevés ; différents désordres ont été commis. »

En supprimant brusquement toute réglementation, en proclamant en pleine période révolutionnaire l’émancipation inconditionnelle et illimitée de l’artisan, on avait déchaîné des appétits qu’il était impossible d’assouvir. Mais la motion de Chapelier allait dépasser de loin son but apparent et consacrer une des plus criantes injustices législatives en supprimant pour l’artisan seul la liberté d’association dont jouissaient alors, au moins nominalement, les autres citoyens et en le condamnant ainsi à un isolement forcé.

Tel fut l’objet de l’odieuse loi du 14 juin 1791, un des monuments les plus remarquables qu’ait édifiés la tyrannie se couvrant du masque de la liberté. Les motifs invoqués par Chapelier offrent un étrange amalgame des idées les plus contraires. Il place sa proposition sous l’invocation de principes tels que le droit de tout citoyen au travail dont les socialistes de tous les temps ont fait la base de leurs systèmes. « Les assemblées dont il s’agit se sont dites destinées à procurer des secours aux ouvriers de la même profession, malades ou sans travail ; mais qu’on ne se méprenne pas sur cette assertion : c’est à la nation, c’est aux officiers publics en son nom à fournir des travaux à ceux qui en ont besoin pour leur existence et à donner des secours aux infirmes. Les distributions particulières de secours, lorsqu’elles ne sont pas dangereuses par leur mauvaise administration, tendent au moins à faire renaître les corporations. »

Chapelier entend donc que l’État se constitue non seulement le protecteur, mais le curateur universel. L’État doit en effet procurer à chacun des moyens d’existence ; il semble alors que l’on doive lui reconnaître le droit d’intervenir dans le contrat de travail et d’en régler les conditions, de manière à ne pas permettre que l’on aggrave arbitrairement les charges qui pèsent sur lui. Au contraire, Chapelier ne prohibe pas seulement toute association, mais condamne toute immixtion de l’État dans les conventions particulières et n’admet pas même qu’il exerce un contrôle supérieur sur l’organisation du travail. « C’est aux conventions libres d’individu à individu à fixer la journée pour chaque ouvrier ; c’est ensuite à l’ouvrier à maintenir la convention qu’il a faite avec celui qui l’occupe. »

Ce que Chapelier nommait la « convention libre » ne serait trop souvent autre chose que l’exploitation du faible par le fort, du moment où tout droit de s’entendre, de se concerter, de s’éclairer, d’opposer à la force du capital l’union du travail, serait refusé à la classe ouvrière. Le système de Chapelier ne laissait place qu’à cette alternative : ou la loi nouvelle ne serait pas obéie et l’on verrait se constituer des associations ouvrières d’autant plus dangereuses qu’elles seraient clandestines, ou cette loi serait strictement exécutée, et l’équilibre nécessaire entre le patron et l’ouvrier serait rompu au détriment de ce dernier dans l’âme duquel, avec le sentiment de son infériorité présente, ne s’éteindrait jamais l’ardent désir de la revanche.

Mais l’heure n’était guère favorable aux conseils de la prudence ni aux inspirations de la justice. La proposition de Chapelier parut à la fois le corollaire naturel de la loi du 17 mars et le moyen le plus propre à rétablir l’ordre. On vota donc sans discussion les huit articles de la loi proposée par Chapelier, dont les dispositions essentielles sont les suivantes :

« Art. 1er — L’anéantissement de toutes espèces de corporations de même état ou profession étant l’une des bases de la Constitution, il est défendu de les rétablir sous quelque prétexte que ce soit.

Art du tissage sur un métier Jacquard

Art du tissage sur un métier Jacquard

« Art. 2 — Les citoyens de même état ou profession, les ouvriers et compagnons d’un art quelconque ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer de président, ou secrétaire ou syndic, tenir des registres, prendre des arrêtés, former des règlements SUR LEURS PRÉTENDUS INTÉRÊTS COMMUNS.

« Art. 3 — Il est interdit à tous corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune adresse ou pétition sous la dénomination d’un état ou profession, d’y faire aucune réponse ; et il leur est enjoint de déclarer nulles les délibérations qui pourraient être prises de cette manière et de veiller soigneusement à ce qu’il ne leur soit donné aucune suite, ni exécution. »

Les sanctions pénales de cette loi étaient rigoureuses. Elle édictait contre les auteurs ou instigateurs de conventions tendant à n’accorder leurs travaux qu’à un prix déterminé une amende de 500 livres, la suppression pour un an des droits civiques et l’exclusion de tous les travaux publics (art. 4 et 5).

Si oppressive que fût cette loi, elle fut obéie et son exécution paraît avoir amené la dispersion des associations ouvrières visées par elle et que l’on affectait de confondre avec les anciennes corporations dont elles étaient séparées par toute la distance qui sépare une institution régulière et pacifique de groupements anarchiques et insurrectionnels. Les sociétés politiques et les clubs recueillirent en partie l’héritage de ces associations et offrirent un asile inviolable aux fauteurs de discordes et à l’écume des anciens métiers impatiente de prendre sa revanche des longues années d’ordre et de discipline qui lui avaient été imposées.

Quant aux véritables travailleurs, marchands et ouvriers, ils courbèrent la tête sous l’orage révolutionnaire et attendirent avec toute la France que l’aurore se levât enfin sur des jours meilleurs.

 
 
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