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Les médecins : inspirateurs de Molière

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Anecdotes insolites
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Médecins (Les) : inspirateurs de Molière
(D’après « La Chronique médicale », paru en 1909)
Publié / Mis à jour le lundi 3 mai 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Ils furent nombreux et, pour la plupart, sont restés ignorés, les amis du grand comique qui eurent sur lui et sur son théâtre une influence qu’il est toujours intéressant de rechercher ; mais les médecins, nous devrions peut-être dire les savants par l’étendue de leurs connaissances, par l’autorité qu’ils pouvaient exercer sur son esprit, reçurent particulièrement accueil auprès de l’illustre dramaturge, qui prêta souvent une oreille déférente à leurs avis.

Parmi ces inspirateurs de sa pensée, il convient de citer trois hommes dont le nom brille d’un vif éclat dans les annales scientifiques du XVIIe siècle : ces trois hommes sont Gassendi, Bernier et Rohault. Le nom de Gassendi est mêlé à l’historique de la circulation du sang, et il a beauoup contribué à provoquer les recherches de Pecquet sur la découverte du chyle humain. Molière avait, on en a la preuve, suivi les cours de Gassendi, et il se rencontrait, à ses leçons, avec Chapelle, Cyrano de Bergerac, le prince de Conti, et le plus fidèle peut-être des élèves de Gassendi, Bernier.

Bernier (1620-1688), un des disciples de Gassendi qui lui font le plus d’honneur, fut surtout ce qu’on appelait, au grand siècle, un « curieux » et un intrépide voyageur : il visita la Syrie, l’Egypte, la Perse, l’Etat du grand Moghol, fut à la fois la médecin et l’historien de l’empereur Aurangzeb (1618-1707), dont il avait su conquérir la faveur et gagner les bonnes grâces. Du fond de l’Orient, il adressait à ses amis de France des lettres philosophiques pleines de charme et d’érudition.

Une édition en date de 1724 des Voyages de François Bernier
Une édition en date de 1724 des Voyages de François Bernier

Bernier n’était de retour d’Orient que depuis peu de temps, et déjà tout était plein de ses récits sur les pompes et les cérémonies de ce pays. On sait avec quelle passion l’écoutait La Fontaine : jamais le fabuliste ne manquait aux lieux où devait se trouver le célèbre voyageur. Bernier, donc, venait de rentrer en France, lorsque Molière introduisit, dans le Bourgeois gentilhomme, la fameuse cérémonie du Mamamouchi. Il n’est pas douteux pour nous qu’il faille voir là un résultat de l’influence de Bernier. Lisez, en effet, dans Bernier, le récit des cérémonies orientales ; passez ensuite au Mamamouchi de Molière ; et vous constaterez l’analogie : toutes les parties comiques, les seules dont Molière eût besoin, on en trouve le germe dans la relation de notre voyageur.

Molière était, en outre, en commerce d’amitié avec un savant, célèbre en son temps, mais qui, de nos jours, est quelque peu oublié : nous voulons parler de Rohault, Jacques Rohault (1618-1672), physicien plus que médecin, celui-là même qui tint Molière si bien au courant des découvertes de Harvey sur la circulation.

Vous vous rappelez que, dans le Malade imaginaire, Molière prend, contrairement à l’opinion la plus répandue, même dans le monde scientifique d’alors, le parti des « circulateurs ». Or le Malade est de 1673, et non seulement Molière avait pu se renseigner auprès de Rohault, mais, à cette date, il devait avoir lu le gros in-4° publié par son ami, deux ans auparavant, et dans lequel est admirablement exposée la théorie de la circulation.

Cet ouvrage, qui eut un grand retentissement, était intitulé : Traité de physique, et par physique on entendait, au XVIIe siècle, ce que nous nommerions aujourd’hui toute science positive. Dans la préface, très hardie pour l’époque, de son livre, l’auteur plaide en faveur des raisonnements « basés sur des vérités de mathématiques et sur des expériences certaines ». Molière n’a fait que vulgariser ces idées dans le Malade imaginaire, où se retrouve, en maints endroits, l’influence du livre de Rohault qu’il venait de lire.

Jacques Rohault
Jacques Rohault

Souvenez-vous du fameux passage, si souvent cité, mettant en scène le savant de Molière questionnant l’aspirant docteur à propos de la cause et des raisons qui font que l’opium fait dormir. Le bachelier répond :

Mihi a docto doctore
Demandatur causam et rationem quare
Opium facit dormire.

A quoi respondeo
Quia est in eo
Virtus dormitiva,
Cujus est natura
Sensus assoupire.

(L’opium fait dormir, parce qu’il y a en lui une vertu dormitive dont la nature est d’assoupir les sens)

Est-il satire plus vraie, sous une forme bouffonne, de la méthode scolastique, qui servit si souvent de cible aux épigrammes de l’auteur comique ? Tout le monde connaît les vers de Thomas Corneille, attribués parfois à Molière :

Quoi qu’en dise Aristote et sa docte cabale,
Le tabac est divin ; il n’est rien qui l’égale.

Le frère du grand Corneille n’a fait que paraphraser là le passage du Festin de Pierre, qui commence par ces mots : « Quoi qu’en puisse dire Aristote et toute la philosophie... »

Mais Molière lui-même, où avait-il pris son bien ? En 1625, alors que le tabac donnait lieu à toutes sortes de controverses entre les savants, il parut, à Lyon, un Traité du tabac ou nicotiane, panacée, petun, autrement herbe à la reine, traduit d’un livre latin de Jean Néander. Molière eut-il connaissance de ce livre, il serait hasardeux de l’affirmer, et pourtant, tout nous porte à le présumer.

Cette longue apologie du tabac commençait par ces mots : « L’axiome qu’Aristote... » Comparez avec la phrase précitée et concluez ! Il y avait d’ailleurs, dans le livre de Jean Néander, bien d’autres singularités, qui durent, si elles lui tombèrent sous les yeux, selon toute probabilité, divertir beaucoup Molière, ne fût-ce que les deux pourtraitures du tabac, mâle et femelle, accompagnées de ces deux légendes respectives :

Je suis le tabac masle, enflé de noms superbes,
Comme Herbe de la Reine ou la Reine des herbes.

Je suis tabac femelle, et en vertus j’égale
Quelle plante qui soit ; mais j’excepte mon masle.

Molière, en parcourant ce singulier livre, ne put manquer d’être mis en belle humeur, et, qui sait ? cela nous valut peut-être la célèbre tirade sur le tabac.

En résumé, Molière, comme il l’a déclaré sans ambages, puisait à toutes les sources, se documentait, comme nous dirions, dans tous les livres, auprès de tous ses amis. Tout ce qu’il entendait, tout ce qu’il lisait, il se l’appropriait ; mais, comme on l’a fort justement dit, « il prête aux choses revivifiées dans ses pièces in relief que peut-être nul autre que lui n’eût aperçu dans leur réalité première. » L’art sera toujours, quoi qu’on prétende, supérieur à la photographie, et il importe peu de faire quelques emprunts à autrui quand on communique une vie nouvelle à des objets inanimés, lorsqu’on crée alors qu’on paraît se ressouvenir ; mais c’est le propre d’un génie comme Molière de réaliser ce prodige.

 
 
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